Les entrepreneurs rappellent volontiers que le danger d'un terrain dépend de son usage. "Un terrain vague pollué représente une moindre menace car le temps d'exposition des éventuels passants y est réduit", explique le représentant d'une grosse société. Mais c'est oublier que les enfants ont tôt fait d'en faire un terrain de jeu. Et la pression immobilière, incitant à construire sur la moindre friche, ne laisse plus espérer qu'un terrain reste éternellement vague...
Les marées noires à répétition, après avoir endeuillé les rochers et le sable, font encore parler d'elles loin dans les terres quand la pelleteuse d'un engin de terrassement s'englue soudain dans une mélasse brune et visqueuse. C'est un fait, les hydrocarbures échoués sur les plages n'ont pas toujours suivi le chemin des centres de retraitement... D'importantes quantités de mazout ou de goudrons dérivés semblent avoir été enfouies dans des sites improvisés pour l'occasion. La terre armoricaine a dû éponger également les millions de tonnes de déjections animales (lisier) issues des élevages intensifs de porcs, dont les nitrates ont rejoint l'eau des habitants.
Paris, derrière ses images de légende, a reçu les hommages de très nombreuses entreprises polluantes au cours des derniers siècles. Son passé industriel a laissé des marques profondes sous les trottoirs où les Parisiens marchent d'un pas élégant. Mais les autorités, elles, marchent sur des oeufs. Le sujet est vraiment trop sensible. Paris est le symbole de la France et... un marché immobilier de première importance.
Notre beau pays, l'un des plus visités au monde, offre une diversité de paysages sans pareille. Hélas, plus discrètement, la France présente aussi l'une des plus fortes densités de sites pollués au monde. Le plus souvent à l'insu de ses propres habitants...
L'héritage laissé par deux siècles d'industrialisation sauvage durant lesquels les industriels ont pu librement déverser leurs résidus toxiques sur leur site d'activité et sur les terrains proches est très lourd. Alors que le chiffre de 300 000 sites potentiellement pollués paraissait encore farfelu quand nous l'évoquions il y a une dizaine d'années, les agents travaillant au recensement des sites suspects chuchotent à présent que leur nombre s'élève probablement à 400 000. Les centaines de milliers d'entreprises polluantes qui se sont succédé dans les grandes villes et leur périphérie, mais également dans les villes plus modestes, ont marqué cruellement la terre. Usines à gaz, cokeries, tanneries, papeteries, industries chimiques et pétrolières, fabriques de verre, de batteries, usines de retraitement des appareils contenant des produits dangereux, stations-service, cimetières de véhicules, sites d'enfouissement... Ce n'est-là qu'une douzaine de cas parmi beaucoup d'autres.
A chaque région sa spécificité, sa gastronomie, son architecture et son folklore. A chacune aussi, hélas, son "patrimoine négatif". Les régions ont en effet une personnalité jusqu'en ce domaine, un "profil de pollution" peut-on dire, qui dépend de sa situation géographique, de ses ressources naturelles et de son passé industriel.