Frédéric Pierucci ex-cadre d'Alstom et Matthieu Aron, journaliste, au micro de Léa Salamé
Me voilà donc enfermé dans une prison de haute sécurité, à 15 000 kilomètres de ma famille, licencié d’une société [Alstom] pour laquelle je travaille depuis vingt et un ans, lâché également par les autorités de mon pays qui ne veulent pas bouger le petit doigt, obligé de rembourser des frais d’avocat monstreux, sans savoir ni quand je pourrais être libéré, ni quelle sera ma peine finale. P192
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Alstom fabrique, entretient et renouvelle tous les tourboalternateurs des cinquante-huit réacteurs nucléaires installés sur notre territoire, et le groupe produit les turbines Arabelle des réacteurs EPR qu’Areva construit à Flamanville. Alstom est donc un élément clé dans 75% de notre production d’électricité nationale, et possède une technologie que le monde entier nous envie. Alstom a fourni aussi les turbines de propulsion de notre porte-avion Charles de Gaulle. [ ] Laisser s’envoler un tel atout dans les mains d’une entreprise étrangère [ General Electric ] serait simplement une folie. Non ! Ce serait trop énorme, je ne peux pas croire que ce projet de vente, pour peux qu’il soit confirmé, puisse un jour être accepté par l’Etat français. P204
Les Américains classent le niveau de protection de leurs prisons sur une échelle de un à quatre. les établissements de niveau 1, appelés "camps", sont habituellement réservés aux white collar criminals ("criminels en col blanc") jugés coupables de crimes financiers.
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Les centres de sécurité 2 sont, eux destinés aux courtes peines et aux prisonniers non violents. Puis viennent les centres de détention, dits moyens, classés au niveau 3, et enfin les établissement de haute sécurité. Wyatt appartient à cette catégorie. C'est dans cette prison que sont regroupés les criminels les plus dangereux du Connecticut, du Massachusetts, du Rhode Island, du Maine et du Vermont.
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C'est donc dans ce centre ultra-sécurisé que le Department of Justice a décidé de m'emprisonner. Je ne suis pourtant ni un récidiviste, ni un détenu dangereux. Ce choix est contraire à toute logique carcérale. Mais personne ne me fournira jamais la moindre explication.
« De quoi ont-ils peur ? Jusqu’où nos entreprises vont-elles se laisser piller ? Accepterions-nous un tel diktat de la part d’un autre Etat ? Non, décidément je n’arrive pas à saisir pourquoi nous nous comportons en victimes consentantes. Nous sommes devenus les spectateurs de notre propre décrépitude. » p. 205
Le seul qui reste, c'est Pierucci. Celui qui servira de bouc émissaire. Les procureurs pourront alors se vanter d'avoir eu la tête de l'organisation, et prétendre à une avantageuse promotion. Cela explique aussi pourquoi ils veulent me faire porter le chapeau dans un nouveau dossier, le contrat Bahr II (une chaudière à charbon construite en inde). Un marché conclu alors que je n'étais pourtant plus en poste depuis deux ans... et pour lequel Alstom n'a même pas plaidé coupable ! C'est dégueulasse. Il n'y a pas d'autres mots. Où est la morale dans tout cela ?
Il faut que je me blinde. Que je me forge une carapace pour ne pas me laisser broyer par cette machine infernale. Pour être le moins vulnérable possible lors de mon prochain rendez-vous à la grande « table de poker » de la justice américaine.