Frédéric de Gournay

Le Rouergue n’a pas échappé à l’évolution de son temps. Il a connu une profonde mutation sociale aux environs de l’an mil : c’était jusque là un pagus d’origine antique où régnaient l’ordre public incarné par les comtes, le respect de la loi écrite d’origine romano-gotique, la grande propriété dispersée ; l’esclavage subsistait, mais les alleutiers paysans étaient nombreux sur leurs terroirs libres. La multiplication des mas prouve leur vitalité : ce sont eux qui ont défriché le Rouergue par un labeur plusieurs fois séculaire. Colonisation spontanée, comme le montre le phénomène du capmas, ce mas qui se dilate pour engendrer d’autres mas. L’aristocratie restait liée au comte, elle se composait de quelques nébuleuses familiales relevant finalement du groupe raimondin.

Cet ordre ancien commence à faiblir à partir de 950, mais c’est quelques décennies plus tard que la crise éclate : Raimond III n’arrive plus à se faire obéir, les moines de Conques chassent leur abbé en titre, les décisions des plaids ne sont plus respectées ; les paysans vendent leurs alleux. Les formules finissent par disparaître au terme d’une crise qui atteint son apogée sous le règne de Robert le Pieux (996- 1031)