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Citation de Charybde2


En 1610, l’astronome Kepler offre à son protecteur et ami Wackenfels, en guise d’étrenne, la description d’un flocon de neige : L’Étrenne ou la neige sexangulaire. Parti à la recherche d’un présent à travers les bourrasques de la Prague hivernale, Kepler ne trouve rien. Mais ce rien est tout : un flocon de neige lui révèle la structure de l’univers. Sa structure hexagonale est l’une des figures élémentaires de la matière – une « figure cosmopoétique » dit Kepler, c’est-à-dire, littéralement, « fabricatrice du monde ». En cherchant à reconnaître de telles figures géométriques dans la nature, on accède au mystère du monde et de sa construction. Ces figures, Kepler les découvre partout : dans la forme hexagonale du flocon de neige, dans les cinq figures fondamentales qui président à la cosmologie képlérienne et expliquent les distances entre les planètes, dans les alvéoles d’une ruche d’abeilles.
Objet infime mais crucial par sa fonction architectonique, éphémère mais permanent par sa structure géométrique, le flocon est présenté à Wackenfels sous la forme d’un éloge paradoxal, genre littéraire à la mode maniériste du temps. Sans doute, il s’agit d’un divertissement, d’un jeu. Mais ce jeu, et ce rien, dissimulent la question essentielle de la construction de l’univers. L’Étrenne est donc à la fois, et indissolublement, un don, l’évocation d’une forme géométrique parfaite, une réflexion sur la structure du monde et une forme littéraire. Jeu démiurgique, réflexion géométrique et poétique sur la création et la Création, association paradoxale du rien et du tout, passage de l’infiniment grand à l’infiniment petit : c’est dans l’espace conceptuel ouvert par le flocon de Kepler que l’on pourrait situer cet essai sur la littérature du cosmos.
Que la science ait pu être si poétique et littéraire, voilà qui peut sembler difficile à admettre. La science n’est-elle pas le lieu de la froide raison, de la sobre vérité et de la preuve irréfutable ? N’exclut-elle pas par définition le jeu, l’esthétique, la littérature, la fiction, et autres inventions de l’imagination humaine ? Le flocon de Kepler vient troubler cette trop simple définition. Si l’on connaît Kepler, c’est comme l’un des acteurs essentiels de la nouvelle astronomie au début du XVIIe siècle ; c’est lui qui a énoncé les trois lois astronomiques qui ont permis à Newton de démontrer l’attraction universelle dans les Principia de 1687. Mais Kepler s’est aussi intéressé au « secret » du monde et à l’harmonie des sphères ; il est l’auteur de poèmes astronomiques et de fictions lunaires. C’est cette part oubliée ou méconnue de la science que l’on tente de retrouver ici, en s’intéressant justement aux origines de ce qu’on appelle la « science moderne » : le XVIIe siècle. Siècle de mathématisation du monde, mais en même temps de la magie mathématique, des arts de voler, des voyages lunaires et de l’exploration des merveilles de la nature. En racontant un épisode particulier de l’histoire des sciences – l’acceptation progressive d’une nouvelle conception du cosmos – ce livre voudrait apporter matière à penser et à rêver sur une autre façon de concevoir la science.
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