La librairie Glénat Lyon accueille Frédérique Neau-Dufour, Mathieu Gabella et Christophe Regnault pour échanger autour de la série De Gaulle
Wochner évoqua ensuite un incident troublant. Les restes du chat de Diehle avaient été retrouvés entre les baraques 3 et 4. Un Kapo les avait apportés au chef SS du block, il n’y avait aucun doute sur la nature des ossements. Cela signifiait tout simplement que les prisonniers avaient bouffé le chat. « Quelle journée à emmerdes », pensa le Kommandant. Quand ces pervers arrêteraient-ils de se comporter aussi bestialement ? S’en prendre au chat d’un SS ! C’était intolérable.
Sa réaction ne se fit pas attendre. Dix détenus de la baraque 3 et dix détenus de la baraque 4 furent au hasard sortis des rangs après l’appel du soir. Ils durent se déshabiller et furent aspergés d’eau par les chefs SS des blocks, puis durent rester debout toute la nuit, avec interdiction de s’asseoir jusqu’à ce que le coupable se dénonce. En mai, une fois le soleil couché derrière les montagnes, la température fraîchissait rapidement. A l’aube, dix-sept détenus étaient encore debout, chancelants, sur la place. Trois autres étaient morts. Le coupable ne fut pas dénoncé.
Y ont été déportés des prisonniers politiques (identifiés sur leur uniforme de déporté par un triangle rouge), des condamnés de droit commun (triangle vert), des Juifs (étoile jaune), des témoins de Jéhovah (triangle violet), des homosexuels (triangle rose), des « asociaux » (triangle noir), de toutes nationalités, le plus souvent en proveance d’autres camps. Le camp du Struthof a aussi été la destination de 2500 déportés NN (Nacht und Nebel, « nuit et brouillard ») capturés par la Wehrmacht ou la Gestapo, dans un autre camp. Les déportés NN étaient considérés comme les ennemis du nazisme à qui on ne devait pas laisser le répit d’un délai les séparant de la date d’un procès équitable, et le régime entendait les faire disparaître « dans la nuit et le brouillard », sans indication quant à leur sort et avec interdiction d’échanger avec leurs proches.
Comme le note Geneviève avec une superbe simplicité, "il fallait aussi garder notre capacité de nous émerveiller pour rester nous-mêmes." S'émerveiller à Ravensbrück ? Mais comment ? "Il n'y avait pas beaucoup de beauté à l'intérieur du camp, sauf que l'on pouvait apercevoir par-dessus les murailles le ciel. [...] Pendant les appels, je regardais beaucoup le ciel. Le ciel était beau très souvent. Le ciel de la Baltique. Nous étions au moment où le soleil commençait à se lever [...]. On assistait à ce moment avant même le lever de soleil, où tout devient un peu nacré. Cela non plus, on ne pouvait pas nous l'enlever...".
C'était sans compter sur son sens de l'honneur, et de sa propre valeur personnelle