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Citation de Charybde2


Car ce sont finalement ses connotations politiques qui empêchent ce nouveau paradigme [NDA : celui d'une médicalisation orchestrée de la vie éternelle] de régresser au rang d’accessoire scientifico-technologique d’un Âge d’or de la SF depuis longtemps révolu. L’idée selon laquelle, dans le conservatisme croissant des années Reagan, la SF s’est rabattue sur des centres d’intérêt plus scientifiques (ou, mieux, que dans une dissociation de la sensibilité à la Eliot, ses énergies se sont divisées entre d’une part ce retour à la science, et d’autre part une reddition à la production à multiples tomes de la fantasy), cette idée paraît assez plausible, mais il serait indiqué de la nuancer. Je pense en effet que la fascination actuelle pour la science dure est tout aussi sociologique qu’épistémologique, notamment du fait de l’énorme récupération, aux États-Unis, de la science dure par les secteurs des affaires et de la défense. Cela signifie que, si nous avons un intérêt pour la science contemporaine, alors nous ne nous intéressons pas seulement aux théories mais aussi à la mécanique de l’expérimentation – aux procédures d’attribution de subventions, au lobbying grâce auquel les équipements nécessaires (des télescopes géants aux coûteux accélérateurs de particules) trouvent leurs sources de financement. Ce qui nous conduit enfin à un intérêt pour la psychologie des nouveaux scientifiques qui ont, peut-être depuis "La double hélice", commencé à supplanter les artistes traditionnels comme déguisements caractérologiques et expressions déformées de la représentation de ce que pourrait être un travail utopique non aliéné. Mais à l’évidence, au moment où nous commençons à nous intéresser à l’activité scientifique comme question de collectif ou de corporation, en termes de professionnalisme, de dispositions et d’aptitudes psychologiques socialement déterminées – en d’autres termes, à la science yuppie, si je puis m’exprimer ainsi -, à ce moment, nous ne sommes pas loin de la réapparition convulsive de la politique générale.
Comment pourrait-il en être autrement dans une situation où les problèmes psychologiques les plus intimes de soin gériatrique et de médecine contraceptive font, au milieu des problèmes par trop physiques des SDF et de l’administration massive et systématique de médicaments aux patients âgés ou à ceux qui souffrent de troubles psychiatriques, quotidiennement l’objet de l’attention des médias ? dans une situation où l’on débat des salaires de ceux qui sont désignés par euphémisme de "fournisseurs de soins de santé" avec autant d’acrimonie que des primes annuelles des grands patrons ? Dans une situation où la privatisation des hôpitaux devient affaire de profit et de business, et où l’on sollicite l’investissement dans l’ensemble de "l’industrie de la santé" ? Dans ce climat, non seulement l’organisation de tous les corps professionnels, y compris des scientifiques, se voit instantanément ramenée à la micropolitique, mais les privilèges politiques spécifiquement liés à la santé ne sauraient qu’atteindre un niveau panique si l’on y ajoutait l’éventualité que l’on pourrait être choisi pour vivre éternellement, sans doute en payant cash."
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