AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de enkidu_


La charité, c’est d’abord la faculté de préférer Dieu au monde, et ensuite la faculté de se mettre à la place d’autrui. Quand saint Louis enjoint à ses amis de planter leur épée dans le corps de quiconque tiendrait en leur présence un propos impie, il n’oublie nullement qu’il faut aimer le prochain comme soi-même ; il voudrait lui-même être transpercé d’une épée s’il prononçait un blasphème ; il aime son prochain comme il s’aime lui-même, ni plus ni moins ; et comme la société, elle aussi, est son prochain, — et même a fortiori, — la charité le pousse à vouloir la débarrasser d’un virus malfaisant. Il est des alternatives auxquelles aucune vertu n’échappe(1). L’amour du prochain peut sacrifier l’individu à la collectivité ; il ne doit jamais sacrifier la collectivité qualitative à l’individu comme tel, pas plus qu’il ne doit sacrifier la personne humaine qualitative à la collectivité quantitative et brute.

Pour la mère qui aime son enfant plus qu’elle-même, — de par la nature, non surnaturellement, sans quoi elle n’aurait aucune raison de préférer son enfant à ceux des autres, — l’enfant est un prolongement du « moi » ; il n’est que partiellement le « prochain » ; c’est la nature qui aime à travers la mère, comme elle aime à travers les amants ou les époux. Cet amour est l’égoïsme de la nature ; mais l’amour du prochain est l’« égoïsme » de Dieu, si l’on peut dire.

Sans la charité, il est impossible de voir la vérité totale, ni même la complexité des vérités partielles.

(1) « Car il ne peut se faire que celui qui aime Dieu ne s’aime pas soi-même. Bien plus, celui-là seul sait s’aimer qui aime Dieu. Certainement, celui-là s’aime assez qui agit avec le souci de faire du bien souverain et vrai, » (Saint Augustin, Des Mœurs de l’Église.) — Origène fait remarquer que, d’après l’Évangile, c’est Dieu seul qu’il faut aimer « de tout notre cœur » ; et comme il ne faut pas nous aimer nous-mêmes de tout notre cœur, puisque nous ne sommes pas Dieu, il ne faut pas non plus aimer notre prochain de la manière qui convient à Dieu seul. Quant à l’ennemi, ajoute Origène, il faut l’aimer en s’abstenant de le haïr. — Selon Richard de Saint-Victor, Dieu seul doit être aimé sans mesure ; le prochain doit être aimé avec mesure, comme on doit s’aimer soi-même ; et l’ennemi ne doit pas être haï. (pp. 213-214)
Commenter  J’apprécie          10









{* *}