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Citation de araucaria


Telle fut l'innocente façon dont Florentino Ariza inaugura sa vie mystérieuse de chasseur solitaire. Dès sept heures du matin, il s'asseyait seul sur le banc le moins visible du parc, feignant de lire un livre de poèmes à l'ombre des amandiers, et attendait de voir passer la jeune et inaccessible demoiselle avec son uniforme à rayures bleues, ses chaussettes montant jusqu'aux genoux, ses bottines à lacets de garçon et, dans le dos, attachée au bout par un ruban, une natte épaisse qui lui descendait jusqu'à la taille. Elle marchait avec une arrogance naturelle, la tête haute, le regard immobile, le pas rapide, le nez effilé, son cartable serré contre sa poitrine entre ses bras croisés, et sa démarche de biche semblait la libérer de toute pesanteur. A son côté, allongeant le pas à grand-peine, la tante, avec son habit de franciscaine, ne laissait pas le moindre interstice qui permît de s'approcher d'elle. Florentino Ariza les voyait passer quatre fois par jour, à l'aller et au retour, et une fois le dimanche à la sortie de la grand-messe, et la vue de la jeune fille lui suffisait. Peu à peu il se mit à l'idéaliser, à lui attribuer des vertus improbables, des sentiments imaginaires, et au bout de deux semaines il ne pensait plus qu'à elle.
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