Mon ami, je pleure
De te parler encore,
Dix ans après ton dernier regard
Ma voix te cherche
Et déjà tu sembles proche
Le silence est ailleurs
Où que tu sois mes mots te trouvent,
Touchent ton autre visage,
Rappellent qui tu fus
Mais il n’y a pas plus, mes
Paroles restent seules
Si tu réponds c’est de trop loin
Ou ténu, indistinct
Comme un soupir parmi le vent.
Connaissez-vous la légende de l’orphelin
Connaissez-vous la légende de l’orphelin
Qui s’endort en serrant une feuille de Ginko
Et se réveille avec un coquillage dans le poing ?
J’ignore son sens mais autrefois, l’institutrice
Disait qu’elle contient une leçon riche
Sur le temps, que nous la comprendrions
Étant grands et pensifs sur l’abandon
Trente ans ont passé et sa clef préserve sa brume
Signifie-t-elle que le sommeil alourdit,
Que nos songes parfois se matérialisent
Ou est-elle une comptine, rien qu’une comptine
Récitée à la veilleuse
Pour exhorter les enfants sans parent
Á rêver beaucoup ?
/ Poème publié dans la revue de poésie contemporaine, Contre-Allées, Automne 2023
Itinérances accompagnées de prières
extrait 2
Ce matin, mes regards sont sur toi
Malgré le ciel je te suis, ce bleu qui commence
Si mes yeux s’y vouaient, tu aurais profil d’éclipse
Lui ou moi, qui entre dans l’autre ? Un paysage
Avance avec nous et il m’attrape
Toi qui depuis le chalet règles notre allure
Tu disparais, moins qu’un guide à l’arrêt
Prends ces mots sans t’offenser, une amitié s’étiole
Avec des questions fardées, je te parle
Du rapt que peut le jour, perdre en nous l’itinéraire
Et nous tenir sous sa clarté effarés, envieux ?
C’est avant contempler, quand le sommeil s’attarde
Dans la lumière et continuer sur le chemin
Se brouille en des gravats d’odyssée qui déplorent
D’avoir trop donné à la lucidité.
Je te le dis avant que des voix nous recouvrent
Je te le dis avant que des voix nous recouvrent
Bientôt mes mots se perdront parmi des cris sans mémoire
Et face à ma bouche hagarde
Tu répondras que la parole a besoin de décombres
Écoute un ami, diras-tu
En cherchant ma main dans l'ombre
Le soir peut falsifier, quittons la fête inerte
Et rentrons chez nous par un chemin sans montueux
Dans moins d'une heure,
le sommeil unira nos maisons
Pourquoi ajourner la paix qui s'offre ?
Demain, grâce à ta tendresse
Je reviendrai vite à mon visage
La veille, où mon regard ralentissait
Jusqu'à imiter l’œil troué des fantômes,
Se sera diluée dans un songe blanc
Avant un repos d'innocents
Prends mon épaule
Nous marcherons humblement, en respirant le vent noir,
Prêts à chuter d'un même souffle.
Itinérances accompagnées de prières
extrait 1
Dire davantage
De la luciole
Qu’un vert
Ténu
Dans la tourbe
Après le pont, nous entendrons
Des mots inconnus, passer la frontière
Mène à d’autres langues
L’oreille avec les pas découvrira
De l’autre côté,
Ecouter ne sera qu’une étape
Nous chercherons après ces bouches
Qui se répondent
Plus encore,
Observer rapprochera de leurs paroles
Nos yeux sauront un peu de ces phrases
Qui échappent
Et laissent l’étranger
Parmi tant de voix
Comme un traducteur dans la bibliothèque