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Citation de Eve-Yeshe


À me pencher sur Vivian Maier, c’est aussi la vie d’autres artistes qui me vient à l’esprit. Tous ceux de l’anéantissement, de l’inutile, des miracles ignorés. C’est Ossip Mandelstam, le poète, le sacrifié des purges staliniennes, qui écrit sur la route, en chemin vers la Kolyma. Il meurt dans un camp de transit, près de Vladivostok, quelques jours après Noël, de faim, de froid, du typhus. Il a pu sauver un crayon, quelques morceaux de papier taché, froissé. Un trésor. Jusqu’à l’épuisement, jusqu’à la perte de conscience, il écrit.
Je pense à d’autres fraternités, à d’autres compagnonnages, à Fernando Pessoa ou à Franz Schubert. L’effacement, toujours, et une œuvre qu’ils ne verront jamais publiée ou jouée. Comme chez l’écrivain de Lisbonne, l’homme de l’intranquillité, cette dilution, cette multiplication d’identités appelez-moi Smith, appelez-moi Alvaro de Campos, Ricardo Reis, Alberto Caeiro… Cette œuvre entassée dans une malle, jamais publiée. Transportée d’une chambre louée à une autre. Tant de secrets. Tant de solitude chez cet obscur employé à la correspondance commerciale dans une compagnie d’import-export.
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