Les prédateurs ne rassurent pas les proies. Ils enfoncent seulement leurs griffes dans la chair. Parfois s’amusent un peu, avant le sang, avant le dernier battement. Prendre la hache, l’abattre. Prendre la hache, l’abattre. Tu penses à la fable de La Fontaine sur le loup et le chien, à la trace du collier qui semble si infamante : le loup a préféré sa liberté. La réflexion est celle d’un homme, pas celle d’un loup ; les animaux, eux, ne choisissent pas. C’est la peur d’une souffrance plus grande encore qui leur fait préférer la douleur et la liberté.
Il commence à se faire vieux. L’anxiété des foins vient avec une certaine fébrilité. Un orgueil, aussi : celui de savoir qu’on fait bien les choses, que les terres sont propres, fraîches coupées, productives, que les balles sont de qualité et que les animaux seront correctement nourris pendant l’hiver. Généralement, la vue des balles alignées derrière la grange lui donne pleine satisfaction.
J’ai en réserve
Les matins où malgré tout
Tu me dis je t’aime
Sur l’oreiller
Les hivers où je conserve
L’empreinte de tes cuisses
Quand le ciel t’ensauvage
La même insurrection à inventer
Nous porterons les beautés infimes
Dirons oui
Un peu plus fort chaque fois
Parfois, il voudrait être lui, s’étendre sur les draps de son lit, entre les murs blancs de sa chambre. Il voudrait porter son immobilité, le protéger d’une chose qu’il ignore encore, que son père cache comme une source froide sous la peau. Des jours trop grands, où rien ne se fait.
On se dit, parce qu’on est un étranger : ça pourrait être beau. Ça pourrait s’arranger autrement. Tout raser. Ne gracier que les maisons habitées. Rétablir les champs et le bois. Un semblant de villégiature.
Elle a une voix qui donne l’impression qu’elle veut dire autre chose, comme si elle s’était trompée de phrase ou qu’elle répétait les mots de quelqu’un d’autre, des mots qui n’auraient pas de sens pour elle.
L’hiver n’est qu’une bête de plus à abattre, une sale bête que la chaleur viendra dépecer, mais il te faudra patienter deux mois encore, et tu n’es pas sûr d’en avoir la force.
Je ne prétends pas que tu m’aimes :
Tu continues
D’ajuster
Tes cordes à mes os
Je voudrais
Une histoire sans obstacle ni friction
Où le feu ne prend pas
On apprend l’ombre, l’indistinct, l’innommé. On apprend à craindre ce qui ne peut être vu, ce qui parfois passe dans le regard des hommes : le sauvage, l’indompté.
Ni d’avant ni d’après :
Le besoin de me loger vivante
Au milieu de ta gorge
Nous sommes de ceux qui trahissent