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Citation de enkidu_


L’un des coups de force du néolibéralisme consiste ainsi à se proposer de déchiffrer tout un ensemble de réalités et de rapports non marchands en termes marchands. L’homme n’est plus pensé comme un être compartimenté qui adopterait des raisonnements économiques pour ses actions économiques mais obéirait plutôt à des valeurs sociales, morales, politiques, psychologiques, éthiques, etc., dans les autres domaines de son existence. Il est conceptualisé comme un être unifié, cohérent. Il est donc censé appliquer le calcul économique à toutes choses, c’est-à-dire se comporter comme une petite entreprise qui chercherait à chaque instant à maximiser son utilité sous contrainte des ressources dont elle dispose : le néolibéralisme se propose d’utiliser le modèle de l’homo œconomicus comme grille d’intelligibilité de tous les acteurs et de toutes les actions.

On sait que cette figure de l’homme comme être rationnel constitue probablement l’une des facettes les plus décriées de la discipline économique dans sa version « orthodoxe ». Elle est constituée comme un repoussoir. Elle démontrerait que le néolibéralisme tend à nous présenter sous les traits mutilants d’êtres intéressés, matérialistes, égoïstes. Il nous ferait passer pour des monstres froids et des machines à calculer (pour reprendre l’expression de Marcel Mauss), alors que nous serions des êtres, complexes, des personnes définies par des affects, des émotions et des passions, des valeurs spirituelles, etc. Même dans les secteurs de la théorie critique qui entendent constituer l’individu comme une valeur de gauche et l’individualisme comme un projet émancipateur, il est frappant de constater que l’on brandit, contre l’homo œconomicus, la figure antimatérialiste et anti-utilitariste de la personne dotée de sens, d’affectivité, de sens moral – selon une rhétorique étonnamment proche du personnalisme chrétien.

Michel Foucault ne recourt pas, dans Naissance de la biopolitique, à ces modes de disqualification. Bien au contraire, il s’interroge sur la productivité du modèle de l’homo œconomicus, sur la fécondité du geste qui consiste à utiliser ce schéma pour analyser les comportements. Et, dans ce cadre, il développe longuement un exemple bien précis : celui du crime, de la punition et de la politique pénale tel qu’il a été étudié par l’économiste américain et Prix Nobel Gary Becker dans un célèbre article de 1968 intitulé « Crime et punition ». (chapitre 14)
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