Baden,1er septembre 1834
Jamais homme n'a aimé comme je t'aime.
Je suis perdu,vois-tu,je suis noyé,inondé
d'amour,je ne sais plus si je vis,si je mange,si
je marche,si je respire,si je parle;je sais que je
t'aime.Ah!Si tu as eu toute ta vie une soif de
bonheur inextinguible,si c'est un bonheur
d'être aimé par ses lévites,par ses amants,
par ses martyres!Je t'aime,ô ma chair et mon
sang !Je meurs d'amour,d'un amour sans
fin,sans nom,insensé,désespéré,perdu! Tu
es aimée,adorée,idolâtrée jusqu'à en mourir!
Et non,je ne guérirai pas.et non,je n'essaierais
pas de vivre; et j'aime mieux cela, et mourir
en t'aimant vaut mieux que de vivre.
Je me soucie bien de ce qu'ils diront.Ils disent
que tu as un autre amant.Je le sais bien,
j'en meurs,mais j'aime,j'aime,j'aime. Qu'ils
m'empêchent d'aimer !
Lettre d'Alfred de Musset à George Sand,
1er septembre 1834