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Critiques de Georges Bogey (4)
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La maison des caméléons

Avec son bel habillage, tout en bambous vert pastel, le petit ouvrage s’ouvre par une citation de Camus – « vivre, c’est ne pas se résigner » – qui révèle tout ou en tout cas dit d’emblée l’essentiel. Disons-le tout net : s’il est une nouvelle qui devrait arriver sur toutes les bonnes tables c’est bien celle-là. En non pas ces mauvaises nouvelles qui minent sans arrêt notre quotidien, en grande partie, de nantis (il est toujours bon de le rappeler). Cette singulière Maison des Caméléons, joliment bâtie dans l’imaginaire fécond d’un promeneur-poète, devenu (sans doute un peu malgré lui tellement l’écrivain est humble et modeste) le spécialiste du massif des Aravis, est un grand texte sous petit format, une petite nouvelle qui compose souvent le sel des longs récits, un peu comme le modeste cours d’eau qui en aval donnera un immense fleuve. La rivière ici mise en mots est tranquille, à la fois tragique et traumatique, mais toujours heureuse. Car la vie mérite d’être vécue, ce que l’auteur s’attelle si bien à démontrer. Ce petit ouvrage au grand cœur a été écrit en soutien à l’association Caméléon, créée en 1997 par Laurence Ligier sur l’île de Panay aux Philippines, et dont l’objet consiste à combattre la maltraitance et l’exploitation des enfants – notamment des filles – dans l’île. Les enfants sont recueillis et choyés dans des « maisons » où le maître mot est la chaleur humaine. La Maison des Caméléons n’est donc pas qu’une belle nouvelle mais surtout une expérience concrète qui porte de beaux fruits. Les deux si bien réunis se complètent admirablement.



L’aventure se déroule aux Philippines, dans une île perdue de cet archipel lui aussi perdu – et historiquement si souvent « vendu » à d’autres – au bout du monde. Même si la nouvelle commence et s’achève avec les papillons, ce sont deux jeunes filles, au destin dramatique, Karen et sa petite sœur Joy, qui sont les principales héroïnes de l’histoire. Même abandonnées sur « la montagne fumante », voici des héroïnes pour une fois pas anonymes de la tragédie de la mondialisation où les plus pauvres s’appauvrissent et les plus riches s’enrichissent. On connaît la chanson. Ce n’est pas une raison pour s’y résigner. Camus l’a souligné d’entrée de jeu, Bogey le confirme dans toute la nouvelle. La « rencontre » impromptue avec Charles, enfoui dans les immondices, change la vie, leur vie, celle des filles et celle de l’homme. Une rencontre qui se mue en amitié véritable au fil de sa construction. La reconstruction des petits êtres broyés par la vie peut alors également avoir lieu. En d’autres lieux. A l’écart du bruit et de l’odeur des poubelles… Dans la « vraie » Maison des Caméléons par exemple. L’humanitaire rencontre ici l’humanisme (et le travail social rencontre aussi le travail d’écriture). Une très belle rencontre pas si souvent opérée dans ce qui reste fréquemment un business de la bonne conscience occidentale. Les blessures de la vie et les morsures du monde empêchent trop souvent nos univers communs mais tellement distincts de se croiser.

Cela dit, la fatalité n’a pas sa place pour les gens qui décident de vivre debout, ni pour ces deux filles décrites par l’auteur qui arriveront – en dépit de tout – à lutter, ni pour les membres dévoués des associations qui, comme ceux de Caméléon, œuvrent – ici comme ailleurs – pour un meilleur vivre-ensemble et davantage de solidarité. Au début de la relation entre la jeune philippine désœuvrée et l’humanitaire français venu à sa rencontre, le climat est tendu, la confiance prend du temps à s’instaurer, rien d’étonnant donc, surtout pour une fille qui se méfie terriblement – et pour cause – des hommes qui viennent l’accoster pour la posséder. Karen avait par exemple répondu à un marchand d’êtres humains qui passait « comme par hasard » dans la décharge : « Je ne veux rien de toi ! Ce n’est pas parce qu’on vit dans une poubelle qu’on est des déchets. Laisse-nous ! ». En agissant ainsi, l’avenir n’est pas totalement bouché et l’espoir vit, il y a incontestablement de la bonne graine de rebelle chez cette jeune fille ! Son « cahier », qui fait suite à celui de Charles, raconte son histoire, son parcours de combattante et non seulement de victime. Charles aussi s’interroge sur sa « propre » présence sur ce tas d’ordures ; lui, il sait qu’il peut quitter ce « trou infect » quand il veut, il est libre. Alors, il culpabilise. Un peu, beaucoup, à la folie, c’est selon, cela dépend toujours du vécu personnel et de la philosophie de chacun d’entre eux, de chacun d’entre nous. Bogey nous fait passer par l’écrit, du particulier à l’universel. Et Charles, s’apprêtant à rédiger un bouquin qui relate son expérience sur place, dit, sous la plume de Georges Bogey (qui se dévoile sans doute un peu en sa personne) : « je ne suis pas venu ici pour mettre en scène le malheur du monde et en faire un spectacle. Je ferai tout pour que mon livre (qui n’est pas encore écrit !) ne soit ni la consolation des braves gens ni la jubilation des voyeuristes mais une incitation à bouger et à faire bouger les choses. J’aimerais tant que les lecteurs, après avoir lu ce livre, partent sur les chemins défoncés pour réparer le monde déglingué même s’ils ne savent pas par quel bout commencer. C’est ce type d’ouvrage que je dois écrire sinon rien. A ceux qui, narquois ou éplorés, me disent que je veux déplacer les montagnes, je réponds que, si tout homme de bonne volonté déplaçait une ou deux poignées de cailloux, les sommets de la misère auraient du souci à se faire ». Ce très beau passage de la nouvelle est riche d’enseignements. Émouvant. A l’image de tout ce modeste et grand livre.



Butinant par mots, monts et vaux, Georges Bogey nous livre ici une ode à la vie, pétrie d’humanisme profond dont chacun dénotera aussi un bel éloge de la liberté, un appel à l’autonomie pour les dépossédés, et un indispensable combat en faveur de l’émancipation des filles, abusées ou désabusées, des Philippines et d’ailleurs. De cette brève lecture enchanteresse on ressort empli d’émotions, prêt à vivre ou à revivre. Rechargé en quelque sorte. Les batteries pleines, on se bat mieux, c’est sûr. Vivre plus et mieux. Autrement aussi. Un livre à mettre entre toutes les mains, surtout dans les écoles. Il est même parfait pour les heures de colle car il nous apprend, aux professeurs et responsables assermentés comme aux enfants sauvages et autres élèves collés, le juste prix de la liberté et le bon sens des responsabilités non moins justes. En n’oubliant jamais de se battre contre toute forme d’injustice : l’enfant qui a la chance d’être scolarisé peut être collé avec ou sans raison, tout est dans la bonne mesure, le juste milieu ou la voie médiane dirait-on plus à l’est du monde. Mais la raison sans la passion n’a guère de raison d’être. Cette nouvelle, extrêmement émouvante, est un fort bel exemple de « résilience », un terme à la mode pour une réalité qui ne l’est pas moins, et elle renvoie précisément à la passion, en fait plutôt à une double passion, la seule qui vaille à nos yeux comme je le suppose aussi à ceux de l’auteur : celle de la vie et de l’amour. Faire quelque chose de sa vie plutôt que de résigner à la subir vaut nettement mieux que tous les plans de carrière. Plutôt des projets sur la comète que des plans d’ajustements trop structurels… « Je voulais être le père de quelque chose et non le fils de quelqu’un », écrit quelque part Georges Bogey, voilà un excellent sujet de dissertation pour une école du savoir, du gai savoir et forcément buissonnière…

F.M.
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Entre parole et silence : Haïkus

Après un dialogue entre photo et poésie (Quelques pas au Japon, 2006), Georges Bogey nous propose un dialogue entre poésie et calligraphie en collaboration avec Eiji Kikuchi.



L'auteur renoue avec la forme du haïku pour révéler l'instant présent sous l'empire des cinq sens, telle une façon d'être pleinement au monde. Les idéogrammes d'Eiji Kikuchi ne sont alors pas simples idées mais deviennent illustrations, art pictural dans une évocation poétique réussie du réel.



Georges Bogey l'explique dans une postface intéressante : parler du soleil, des fleurs et de l'eau qui dort plutôt que de l'injustice et de la pauvreté n'est pas faire abstraction de la réalité mais faire corps avec elle : si nous pouvons percevoir les horreurs perpétrées par l'être humain, nous pouvons aussi voir la beauté qui recèle la perspective d'un monde meilleur. À méditer…



Merci à Scholarvox et à la bibliothèque universitaire de Saint-Denis pour la mise à disposition de ce titre. Une belle association !
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La roche et le torrent: Haïkus

Objet poétique, mystérieux et contradictoire, le haïku dit sans parler, écrit sans décrire, montre sans démontrer. Et pourtant… « Éclat de lumière sur l'éphémère », il donne à ressentir le passage du temps, la ronde des saisons et la beauté de l'instant.



La pratique du judo incite Georges Bogey à s'intéresser aux cultures d'Extrême-Orient. De ses voyages, il rapporte sa propre vision du Japon à la fois vivante, colorée et sereine.



Très belle découverte que ce court recueil, illustré par Pascal Ortolland et calligraphié par Taeko Nagaï, précédé d'une introduction dont tout l'art réside dans l'acceptation initiale de ne pas être lue afin de ne pas faire obstacle à la révélation poétique.



Merci à Scholarvox et à la bibliothèque universitaire de Saint-Denis pour la mise à disposition de ce titre qui mérite incontestablement d'être mieux connu.

Un auteur que je continuerai à lire !

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Quelques pas au Japon

Dire la réalité de la pérégrination à travers le prisme de la photo et de la poésie pour que la beauté de l'instant demeure à jamais. C'est un récit de voyage peu banal que nous livre ici Georges Bogey avec le concours de Gérard Sabatini.



Textes et images échangent, s'interrogent et se répondent, levant le voile sur un Japon mystérieux. Le vers est libre, s'écoule au fil de l'eau, de la déambulation du poète. L'embarquement est immédiat, un pari réussi qui donne envie d'ailleurs.



Merci à Scholarvox et à la bibliothèque universitaire de Saint-Denis pour la mise à disposition de ce bel ouvrage. Une très jolie découverte !
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