page 258 [...] Les femmes n'existent pas plus que les monades. Seuls existent des systèmes de représentations, variables selon les sociétés qui distribuent les unités dans un type de relations et leur assignent une place. Tous les systèmes de l'Occident chrétien des XI-XIIème siècles ont en commun de poser l'infériorité constitutionnelle de la femme et comme, dans cette idéologie, l'essence précède l'existence, la femme doit être conduite. Les zones culturelles où s'étaient maintenu le plus longtemps l'héritage germanique, comme la Germanie, l'Angleterre d'avant la conquête normande ou l'Espagne wisigothique, ont gardé jusqu'au XIème siècle une conception beaucoup plus favorable aux femmes, en particulier à celles qui restaient dans le siècle, mais cette originalité s'estompe partout, et d'abord dans les strates aristocratiques où le principe de masculinité et du droit d'ainesse diminue le rôle des femmes. L’Église en s'attribuant le monopole du mariage durcit ces conceptions. A douze ans, le corps féminin est mûr ; son esprit est faible et a atteint ses limites. Désormais, elle a tout à risquer et rien à apprendre. Marions-la ! Les mariages devenaient indissolubles, non pas pour interdire l'intervention paternelle, mais pour la moraliser. Le système était désormais verrouillé à l'aval, mais à l'amont les enchères pouvaient monter d'autant. La liberté de la femme au sens où nous la concevons avait bien peu de chances de s'exprimer. [...]