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Critiques de Georges Kassai (58)
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Métamorphoses d'un mariage

« Un beau jour, tu ne veux plus rien conserver pour toi-même, tu n’attends plus de la vie ni bien-être, ni apaisement, ni satisfaction, mais tu aspires à exister pleinement quitte à en mourir …..Alors ce jour là, tu éprouves le désir de connaître une passion dévorante. »



J’éprouve toujours la sensation de pénétrer à pas feutrés dans un roman de Sandor Marai. Lecture tout en contraste de deux confessions ; J’ai quitté Imma Monso qui est une auteure d’aujourd’hui, une battante et me voilà dans cette ambiance slave envoûtante, mélancolique, nostalgique avec en mains, ce roman exigeant, qui demande une lecture attentive.



Sandor Marai me convie, de son écriture élégante, à un plongeon dans l’âme humaine. Me voilà installée dans un salon de thé à Budapest, le café « Gerbeaud » sans aucun doute. L’auteur invite son lecteur à prendre place au milieu de son récit et à recevoir les confidences des trois intervenants : Ilonka, première épouse de Peter, Peter, et Judit, domestique chez les parents de ce dernier qui deviendra sa seconde épouse.



Sur un sujet somme toute banal, Sandor Marai nous offre l’histoire de la décomposition d’un mariage mais aussi de la décomposition d’un pays envahi, torturé, meurtri. C’est ce qui en fait aussi un témoignage de grande valeur : une étude de cette société hongroise de l’entre deux-guerres, celle d’Horthy mais aussi celle de l’après guerre sous le joug des communistes. Il parvient à embrassé plusieurs thèmes, celui de la Hongrie comme celui de l’intime, ou celui de l’écrivain désenchanté, amer, le grand ami Lazar de Peter.



Ce qui m’a le plus troublée, ce sont les confidences de Peter. A bien l’écouter, j’ai perçu dans l’écriture plutôt les méditations de l’auteur, je devenais dépositaire d’une part de son intimité. C’est amer, morose, mélancolique. Héritier lui-même de la grande bourgeoisie, je l’ai senti portant comme un fardeau les convenances de cette classe sociale pendant l’entre deux-guerres, avec ses codes, les usages en vigueur régissant les rapports aux autres classes sociales. Et en même temps, à travers les réflexions et le désenchantement de l’ami Lazar, la fin d’une certaine culture, d’un mode de vie. Peter évoque son questionnement sur le sens de la vie, sur la solitude, sur les femmes. Il décrit les sentiments humains avec subtilité, profondeur. A travers la question essentielle de Peter : peut-on se mentir à soi-même longtemps sans risque, nager à contre courant de ses propres aspirations, préserver les apparences, l’auteur ne se pose-t-il pas une question existentielle comme il pose la question de l’amour entre deux personnes issues d’un milieu différent.



Dans cette atmosphère d’une époque révolue propice aux confidences mezza voce, IIanka et Judit se sont épanchées. Elles ont parlé de leur vie sous le prisme individuelle de chacune mais j’ai reçu leur histoire avec plus de distance. IIanka, honnête, amoureuse, cultivée mais trahie et Judit, qui va intriguer auprès de Peter dès qu’elle comprend qu’elle suscite l’émoi chez celui-ci, réglant ainsi ses comptes avec une classe sociale qu’elle déteste, ce sera sa lutte des classes.



J’ai retenu la confession, le questionnement de Peter, et l’Histoire de la Hongrie qui est un déchirement pour l’auteur, j’ai ressenti sa détresse, c’est poignant et je me réjouis de ne pas avoir vécu sous de tels cieux. Le récit démarre pendant l’entre deux guerres pour se prolonger jusqu’en 1979. Si j’ai bien compris, il y a deux romans en un seul, l’un paru en 1941 et l’autre qui sera terminé à San Diégo en 1979.



« Moi, je l’ai écoutée sans piper, jusqu’à l’aube. Ce qu’elle m’a raconté, on aurait dit un polar…. Elle m’a parlé de la vie chez les riches. »





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Métamorphoses d'un mariage

N'avez-vous jamais fait l'expérience d'un souvenir, par vous oublié, mais rapporté par celui ou celle qui l'a vécu avec vous ? Chacun de ceux qui nous ont connu détient une part de notre vérité. de notre histoire. Ma mémoire c'est les autres. 



Né avec le XXème siècle, à Košice (Cassovie), dans l'actuelle Slovaquie, cet immense écrivain hongrois, mort en exil en Californie, signe ici un roman psychologique subtil autour de son thème de prédilection : les chassé-croisé amoureux d'une bourgeoisie déclinante.

“Méfiez-vous de la vérité : elle commet toujours des erreurs” écrivait Romain Gary. La vérité est morcelée, comme une porcelaine brisée. Les Métamorphoses d'un mariage s'évertuent à recoller les morceaux. Certes, l'amphore ne retrouvera jamais son unité, il restera quelques fragments perdus dans la nuit de l'oubli. 




L'histoire débute avec l'ex-épouse, Ilanka, se poursuit avec l'ex-époux, Péter, et laisse enfin la parole à Judit, celle qui s'est invitée à la table de la bourgeoisie, celle qui a transgressé les lois d'airains des codes de classe et des sacrements du mariage.



De Pest à Buda, le lecteur recueille les souvenirs de ces personnages à travers les trois longs chapitres du livre. Il est le confident de l'intimité bourgeoise de ce mariage, mais davantage encore. Que ce soit autour d'une glace à la pistache dans un café de Budapest, autour d'un vin hongrois à la fermeture d'un bar ou lové dans les draps fins d'une garçonnière de Rome, le procédé littéraire, qui consiste à placer le narrateur face à un interlocuteur muet, crée tout de suite une intimité et une quasi absence d'intermédiation entre les « confessions du bourgeois » et le lecteur. Nous suivons ces vies sur plus de trente ans, de l'ambiance feutrée des salons mondains de l'entre-deux-guerre à l'occupation allemande puis bolchevik de la Hongrie. Le temps de l'écriture n'en est pas moins long puisque l'auteur débute son roman en 1949, à Pausilippe et en termine l'épilogue en 1979, à San Diego. Márai, aujourd'hui célébré dans son pays, mourra en exil, avant de voir le mur de Berlin s'effondrer, l'année de sa mort.



L'épure de la bourgeoisie s'étiole, s'érode, guerre après guerre, Péter en étant le dernier représentant, sous les yeux de l'écrivain, Lazar, chroniqueur du crépuscule. Malade de l'injustice, malade d'être un artiste sans spécialité, Péter est hanté par la solitude et le remords. Ilanka, finit à son tour par souffler sur “les braises” du souvenir de Judit, la bonne de la famille, et celle qui pensait faire une belle union ne récolte qu'un « divorce à Buda ». 



Márai Sandor se vit-il comme un passeur de flambeaux, forcé de témoigner du « monde d'hier » ? Ou est-ce la nostalgie qu'il expie tout au long des 500 pages de ce livre. Toujours est-il que l'auteur magyar surprend, il habite ses différents narrateurs de façon singulière et vraisemblable et ainsi donne à chacun des chapitres une tonalité et un caractère propre. 



« Le corps humain, tu sais, contient soixante-dix pour cent d'éléments liquides et trente pour cent d'éléments solides. de même, la vanité représente soixante-dix pour cent du caractère humain, le reste étant partagé entre le désir, la générosité, la peur de la mort et l'honnêteté.” Si le début du livre est plein d'intrigue, il arrive un moment où la subtilité des émotions, le suspense (car il y a du suspense) ne suffisent plus et il y a une sorte de répétition sourde qui se fait sentir, et parfois même un sentiment de banalité, car la langue (à tout le moins la traduction) n'est pas d'une aussi grande singularité que celle, très riche et raffinée d'un Zweig ou celle chirurgicale, précise et scientifique d'un Musil, deux autres monuments littéraires de la Mitteleuropa.



Ces répétitions, en partie imputables à la structure du livre, les différents personnages ayant vécu partiellement les mêmes évènements, sont moins digestes lorsque les considérations fleuves sur l'art, la culture, le rôle de l'écrivain, la mission du bourgeois et sa critique tournent un peu sur elles-mêmes. Au contraire, lorsque les répétitions nous permettent de voir le même évènement sous un prisme différent, avec des informations que nous ignorions ou une interprétation plus nuancée, alors Márai nous emporte dans le courant danubien d'une jouissance littéraire redoutablement efficace.



Cette chronique du sentiment d'être “passé à côté” porte le nom original de “Az igazi, Judit…és az utóhang”, et c'est sans doute cette dernière partie du titre “…et l'arrière-goût”, qui définit le mieux l'odeur douce-amère du passé, l'odeur de foin sur la peau, de cet art de vivre et d'aimer bourgeois, avec ses conquêtes et ses névroses.



Derrière la mélancolie non pas d'un âge d'or mais plutôt d'une époque pleine de promesses finalement non tenues, on devine toute l'ambivalence de l'auteur vis-à-vis de la bourgeoisie hongroise, dont il se fait tour à tour dépositaire et fossoyeur.

C'est toujours « l'arrière-goût » qu'écrit Márai dans cette incapacité à rencontrer l'autre, cette solitude à deux, cet échec du “vouloir-saisir”, comme l'eut dit Roland Barthes dans ses “Fragments d'un discours amoureux”. 



Qu'en pensez-vous ?
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Métamorphoses d'un mariage

Comment ne pas s’attacher à ce chassé - croisé amoureux dense, empreint d’une mélancolie subtile, mélange historico - social - politique, riche de réflexions , «  L’histoire » , sorte de récit- confession , trois monologues maîtrisés , trois personnages , trois versions d’un même drame ?



Ce roman met en scène trois personnes : l’épouse amoureuse , belle, intelligente, honnête et cultivée, sensible, une bourgeoise issue de la classe moyenne , Ilonka, épouse délaissée et trahie, le mari Péter , un bourgeois aisé cédant à la passion, la femme au ruban violet , la domestique ambitieuse qui brise le couple ——Judit——-

Les monologues prenant le lecteur à témoin ou adressés à une amie , longtemps après les faits , donnent en premier la parole à Ilonka : elle tente de percer à jour et de conquérir son mari , inaccessible , occupé ailleurs ou indifférent, cette «  Solitude à deux » , cette froideur , ces convenances, le manque de sincérité et de naturel propres à la bourgeoisie , les Fameuses  «  apparences »un mur qui conduisit à l’échec.,



Ensuite Peter évoque ses deux mariages soldés par un échec , son enfance , sa jeunesse, ses voyages, son désir secret, son regret intense de ne pas être un écrivain ou un artiste .

Puis Judit , la servante devenue maîtresse de maison par son mariage avec Peter en secondes noces, elle a vécu une enfance misérable.



Au départ , une vie de domestique , oui , comme bonniche, affirme t- elle chez des bourgeois aisés qu’elle méprisait au plus haut point , tout en les enviant et les moquant avec une ironie amère doublée de cruauté et de froideur réfléchie, ce qui donne de longs paragraphes jubilatoires , qui dissèquent finement les antagonismes de classe .



Peter décrit longuement ses échecs conjugaux successifs, les travers de la bourgeoisie et les idées préconçues de l’époque pour les hommes.

L’auteur analyse le désarroi d’une bourgeoisie qui périclite , les sentiments et l’état d’esprit des protagonistes avec une finesse et une profondeur saisissantes, un jeu de miroirs cernant au plus près la Vérité des personnages, leurs états d’âme montrant la solitude des êtres qui s’enferment dans un carcan.



Il dissèque minutieusement la fin d’un monde et d’une société hiérarchisée —- le déclin inéluctable de la bourgeoisie Hongroise de l’entre- deux guerres, le climat d’une époque.

Une fresque sociale politique, sociale, métaphysique évoquant les mutations , les soubresauts et les changements qui suivirent la deuxième guerre mondiale .

J’ai beaucoup aimé ce roman psychologique qui rappelle Stefan Zweig et Schnitzler.: élégant, tendre , à la fois dans l’intimité des êtres et la mutation d’une société entière , posant des questions éternelles et de multiples interrogations avec une lucidité exemplaire .

Magnifique .

Encore un ouvrage qui dormait dans ma bibliothèque !



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Métamorphoses d'un mariage

C’est l’après-guerre, un pont vient d’être reconstruit entre Buda et Pest, qui avaient été à nouveau séparées par les bombardements allemands. Les deux villes sont en ruines. Une foule déguenillée, sale, affamée, tout juste sortie des caves où elle fuyait les bombes, le traverse dans les deux sens. Un individu dénote parmi elle : Peter, un bourgeois impeccablement vêtu tenant sur son bras un pardessus. Il incarne la dignité d’une classe menacée, d’un monde à l’agonie. Brusquement une femme se jette à son cou. C’est Judit, son ex-femme, la deuxième, l’ancienne bonne de ses parents. Ils se voient pour la dernière fois. La Hongrie sera bientôt aux mains des Soviétiques, l’espoir d’un monde nouveau anéanti. Peter est sur le point d’émigrer aux États-Unis, il est désormais de trop dans son propre pays.



Ce roman est leur histoire, celle de Peter d’abord, marié à Ilonka, dont il aura un enfant qui malheureusement ne vivra pas, secrètement attiré par Judit, une femme du peuple, née dans la misère, qui nourrit à son égard des sentiments ambivalents. Ilonka comprend vite, malgré sa souffrance, qu’elle ne parviendra pas à conquérir le cœur de son mari et le laisse partir. Le mariage avec Judit sera également un échec, partagé entre la vaine générosité de l’un et le ressentiment de l’autre. C’est l’histoire d’individus pris dans la tourmente d’une époque qui touche à sa fin, racontée par les différents protagonistes. Peter est attaché à défendre les valeurs de sa classe, son humanisme, la culture, l’éducation. Illonka s’efforce de jouer son rôle mais sent que Peter lui échappe. Pour Judit la bourgeoisie est figée dans une accumulation d’objets et de rituels, qui lui font dire que c’est très compliqué d’être riche, en opposition à une classe sociale qui lutte pour sa survie.



Mais très vite une nouvelle menace s’élève, prétendant résoudre cette fracture sociale en prenant le pouvoir au nom du peuple, l’instauration de la dictature communiste. Et finalement pour beaucoup, va s’imposer l’exil aux Etats-Unis où là aussi la démocratie et la liberté restent souvent des illusions mais qui laissent la possibilité de se faire une place au soleil.

Un très beau roman sur la décomposition d’un monde, où un personnage, l’écrivain, ami de Peter, semble le témoin silencieux de cette agonie et le double de l’auteur qui analyse ce glissement avec une grande lucidité. Malgré quelques longueurs, encore un très grand roman de Sándor Márai.

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Métamorphoses d'un mariage

"Métamorphoses d'un mariage" n'est pas un roman facile, vite lu et vite oublié, il exige constance et concentration si on veut pleinement le saisir, mais vaut largement le temps qu'on lui consacrera.

Sándor Márai nous parle d'une époque, entre les années 30 et bien après la Seconde Guerre Mondiale, d'un lieu, Budapest, qui subira tour à tour le nazisme puis le communisme soviétique. Dans cette période, trois personnes seront unies puis séparées tour à tour, Ilonka, Peter et Judit. Chacun des personnages apportera son histoire, et sa vision de l'époque. Et leurs origines, de la pauvre hongroise employée comme bonne à tout à faire au riche industriel, apportera un éclairage différent sur cette époque qui verra disparaître la bourgeoisie hongroise traditionnelle et une partie de sa culture.

Tout ce récit est captivant, teinté de mélancolie. Révoltant également, quand Judit évoque son enfance dans un trou sous le sol, qu'elle partage avec des rats, pendant que les plus privilégiés entassent biens et richesses, et se considèrent comme les garants de l'équilibre de la nation. Fascinant quand on évoque Lazar, l'écrivain qui ne veut plus écrire, façon pour lui de tenter de résister aux changements inéluctables qui déferlent sur la Hongrie.

Un roman dense, désenchanté mais particulièrement prenant.



Challenge des 50 objets 2021-2022



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Métamorphoses d'un mariage

Bien heureusement, Métamorphoses d'un mariage est le douzième roman que je lis de Sandor Marai sans compter le Journal des années hongroises 1943-1948.

Bien heureusement car ce roman-là n'est sans doute pas le plus facile à approcher. La construction en est très intéressante et elle m'a souvent aidée à me relancer dans la lecture car il y a un petit côté policier, énigme, qui permet d'échapper à quelques moments d'ennuis et de lassitude ou de morosité.

Trois personnages se racontent, leur vie se sont croisées, leurs relations ont échoué, se sont terminées, et ils se racontent après ces ruptures et ces échecs. Ce n'est pas tout à fait ce que l'on appelle aujourd'hui un roman chorale, car les personnages avancent dans le temps.

Ici, surtout Sandor Marai a voulu mettre en abime les antagonismes de classes et le concept de luttes de classes, dans la société hongroise qu'il a bien connue, celle des années trente, mais aussi il a voulu évoquer cette lutte des classes telle que l'avait conceptualisée et mise en pratique les soviétiques après leurs "coups" de 1948.

Et puis il a voulu aussi mettre en abime, sans apitoiement, sans misérabilisme, mais tout en en parlant, la pauvreté paysanne en l'opposant frontalement à la richesse, dans cette société hongroise des années 20-30.

Et, enfin il place dans cet antagonisme de classe, l'artiste, l'intellectuel, celui qui se soumet ou celui qui exprime une forme de révolte.

Alors, il tente, par la bouche ou la tête de ses trois héros, de poser la question : qu'est-ce qu'être pauvre ? qu'est-ce qu'être riche ? Quels sont les signes distinctifs ? Est-ce qu'on peut passer d'un état à l'autre (de pauvre à riche) et si oui comment ?

Et il entremêle ces questions cruciales dans le mariage et le couple.

Cela lui permet des observations ironiques, sarcastiques et de dresser des portraits de personnages désopilants, car ni Peter, ni Judit, ni Ilonka, ni Lazar,, ne ressortent grandis. Bien au contraire. Comme on dit, rien pour rattraper l'autre. Et c'est là que j'ai ressenti une infinie tristesse, car il me paraît évident que ce roman transpire une amertume, une envie de partir, de s'éloigner de ces pauvres types (hommes et femmes), futiles, désuets, inutiles, amoraux, fossilisés.

Sandor Marai voyait-il ainsi sa Hongrie avant de s'en exiler ? Mais ce roman écrit bien longtemps après, exprime-t-il aussi toute son amertume sur ce qu'est devenue la "civilisation" (il en parle à plusieurs reprises) ?

J'ai donc ressenti une très intense nostalgie de la part de l'auteur, une belle et profonde et très intéressante réflexion à la fois philosophique, politique et sociale. Il est clair que Sandor Marai est aussi un grand humaniste comme il n'en existe plus.

Mais ce roman pêche par des longueurs, des répétitions.

Aussi, si je puis me permettre, si l'on veut découvrir l'oeuvre de cet immense écrivain, européen, humaniste, ne surtout pas commencer par ce titre.

Mais s'offrir la lecture de Les Braises, Les Révoltés, l'Héritage d'Esther, etc..., entrer dans son univers, c'est un grand plaisir car son écriture est pleine, propre, définitive, ses thématiques sont toujours intéressantes et n'ont pas si vieillies (quand il explique que le problème du riche ce n'est pas d'être encore plus riche mais c'est d'avoir la totalité.) .

Sandor Marai, écrivain bourgeois, certes, mais pas politiquement correct.



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Divorce à Buda



Contrairement au titre, ce roman qui certes se situe à Buda (mais on n’en parle à peine) analyse non pas le divorce, la séparation, mais discute de l’amour, de l’union de deux êtres – humains - , de la fusion, de la distanciation, du couple, de la cohabitation, de la famille (un peu), de l’amour encore et de sa mémoire.

Je dirais que, comme à son habitude, en tout cas, souvent, mais pas toujours, Sandor Marai, commence légèrement, par nous raconter, sur le ton du récit simple, ordinaire, une histoire. Comme lorsqu’on est voyageur, on monte dans le train, on sait que l’on part de A pour aller à B., tranquillement, le wagon-restaurant est là, tout va bien.

Divorce à Buda, rebelote. Le lecteur monte dans le train… s’installe quiètement dans son wagon, son siège numéroté, va prendre son déjeuner au wagon idoine. Pendant ce temps, l’auteur a décrit tout dans les détails, les appartements, les coutumes, les habitudes, les visages, etc… Donc, on revient tranquillement, presque endormi, en tous les cas, apaisé, rassuré, et là ! Surprise !

La surprise n’est pas anecdotique. Bien au contraire. Elle soulève une question existentielle, fondamentale. Et j’ai l’impression que Sandor Marai rigole parfois, car Divorce à Buda c’est d’abord l’histoire du couple, de l’union, de la fusion.

Alors le roman met en scène Kristof, le juge, installé, peinard, et dans sa vie professionnelle, un peu ronron, et sa vie familiale, et sa vie amoureuse… un peu ronron aussi, confiante, rassurante, sans surprise. Kristof est dans la règle. Toujours. La règle. La loi. Plus la loi que son esprit. Car la loi est stricte, intangible. Son esprit est muable.

Et survient Imre. L’élément perturbateur. Celui qui fait que les questions se posent. Celles de la sincérité. De la fidélité. De la fragilité. De la profondeur de l’amour, de sa réalité. Ce qui ébranle Kristof, lui qui a éliminé tout ce qui est de l’humain, des sentiments et des émotions.

Le duel proposé par Sandor Marai est passionnant. Enfin, l’était sûrement. Aujourd’hui, je n’en suis pas si sûre. Mais l’œuvre reste vivante, jusqu’où l’homme est capable d’aller dans la passion amoureuse. Doit-il se contenter d’une union socialement acceptable ? et survivre ? où doit-il oser la passion quitte à ne pas y survivre ? Et bien sûr Sandor Marai nous laisse sans réponse…

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Métamorphoses d'un mariage

A la lecture de ce livre j’ai eu l’impression de m’enfoncer de plus en plus dans la complexité. Au départ je pensais simplement qu’il s’agissait tout naturellement du récit d’un mariage raconté par les 3 protagonistes de l’affaire, à savoir la femme Ilonka, le mari Péter et l’amante Judit. Je suis donc resté très longtemps sur cette image d’un couple en devenir, je croyais lire une histoire romantique, intimiste, une sorte de vau-de-ville où l’accent serait délibérément mis sur l’étude psychologique des personnages. Mais en réalité il serait très réducteur de ne considérer que cet aspect de cette œuvre, bien que celui-ci soit très présent et très abouti à l’instar de son aîné et maître du genre, Stéfan Zweig. L’œuvre glisse lentement vers des considérations philosophiques étendues abordant les thèmes de la Culture, l’art, l’artiste et son œuvre ; l’amour et la passion ; la solitude, solitude constructive, solitude destructive ; la lâcheté ; l’ordre sociale, la bourgeoisie, le prolétariat ; le socialisme et le communisme comme modèle idéologique et social ; la fin d’un âge, la mort d’une époque… Tout cela en un seul roman !!!

Le roman de Marai donc est un objet à double face, c’est un roman psychologique, une étude de mœurs en même temps qu’un complexe essai métaphysique et philosophique. Et si l’on ne s’attache qu’à un aspect de cette œuvre on en perd toute la richesse. D’un autre côté aussi il n’est pas aisé d’en comprendre le sens dans sa globalité, d’autant que le récit se déploie dans un contexte historique bien précis dont personnellement je n’ai qu’une très grossière idée. Pas simple donc !!!



« Métamorphoses ?... » Vous avez dit « Métamorphoses… d’un mariage. Un seul ? »



La construction de ce roman est très originale. Le livre est divisé en trois parties (sans compter l’épilogue écrit plus tardivement). Chacune d’elle est le récit d’une même histoire racontée par les personnages principaux. Le lecteur est directement pris à partie dans cette histoire. Les personnages font leurs confidences racontant leurs expériences les plus intimes directement au lecteur, qui prend la forme d’une bonne amie ou d’un vieil ami ou même d’un amant, pour finir dans l’épilogue par devenir un compatriote d’exil.

J’ai cru jusqu’à la fin de la 2ème partie que l’on pouvait en lire les 3 chapitres de façon anarchique. Je me disais qu’il pourrait être amusant de commencer à le lire par la fin ou par son milieu et qu’alors la perception de ce récit en serait quelque peu différente. Je croyais que ce roman était en quelque sorte un ovni conceptuel, une œuvre d’avant-garde éminemment moderne.

Dans les grandes lignes, je me trompais ! Métamorphoses d’un mariage n’est assurément pas une œuvre à prendre à la légère et avec laquelle on peut jouer.

En réalité chacun des récits complète l’autre. Plus on avance dans sa lecture et plus la connaissance des personnages et de leur personnalité s’étoffe et nous assistons aussi à un déploiement du récit dans le temps. Bien qu’au départ il soit très difficile au lecteur de le situer temporellement, on constate néanmoins que celui-ci s’étale sur plusieurs décennies. Les personnages nous font leur confidence plusieurs années après que les évènements ont eu lieu, c’est-à-dire quand ils ont le recul nécessaire pour nous livrer leur histoire en toute sincérité et avec la plus grande des lucidités. Seul le récit de Judit peut clairement être daté puisque les évènements qu’elle raconte font référence au siège de Budapest.



Très longtemps aussi, je me suis interrogé sur le titre de ce roman, Métamorphoses d’un mariage. Pourquoi Métamorphoses était-il au pluriel ? Comment une métamorphose pourrait-elle être multiple ? Je croyais alors qu’il nous était raconté la perception d’un seul et même évènement par des personnages différents et qu’en ce sens, vu que ces perceptions étaient différentes, on pouvait considérer que la métamorphose de ce mariage était multiple et justifiait le pluriel de son titre.

Encore une fois, je me trompais… car ceci n’était valable que sans considérer le déploiement temporel de l’histoire. En effet une même chose peut subir plusieurs métamorphoses à des moments différents.

Mais alors, de quel mariage s’agit-il ?

Le mariage dont Ilonka nous fait le récit ? Il est très vite oublié. Apparemment il ne s’agissait que d’un mariage de convenances et d’apparences qui n’était important qu’aux yeux d’Ilonka, dont l’amour était certes sincère mais dictées par les conventions de la bourgeoisie.

Le second mariage de Péter avec Judit ? Bien que revêtant un peu plus d’importance il est aussi le constat d’un échec cuisant. Péter a semblé succomber à un désir de jeunesse, s’est laissé dicter sa conduite par des envies adolescentes, des rêves de révolte, la naïveté de croire qu’il pourrait trouver un sens à sa vie s’il bousculait les conventions préétablies. Pure utopie. Apparemment ce n’est pas non plus ce mariage là qui mérite plusieurs métamorphoses.

Le mariage des parents de Péter ? Tous deux issus de la haute-bourgeoisie, un mariage dans les règles, sans amour. Bof…

Ces mêmes mariages vus par les yeux de Judit ?… Pas très convaincant !

Le non-mariage de Judit et de son musicien ? Là l’amour semble être sincère et partagé, mais bien que consommé ce mariage n’en est pas un !

Quel pouvait être donc ce mariage qui subissait ces métamorphoses ?

Dans tout cela je ne voyais que des mariages qui ne subissaient pas de métamorphose, ou une seule si l’on considère le divorce, qui serait tout au plus qu’une conséquence logique quand les deux êtres sensés s’aimer ne sont plus en phase. Mais de là à qualifier un divorce de métamorphoses d’un mariage, ça me semblait quand même un peu exagéré !



Alors peut-être que pour trouver la réponse à cette question il fallait considérer l’œuvre de Marai dans sa globalité, et essayer d’en dégager un sens général.

Deux thématiques du roman semblent être de première importance aux yeux de l’auteur.

La première découle directement de son statut d’écrivain et d’artiste. Cette thématique est largement illustrée par les propos de Lazar, écrivain, double de Marai, Sandor Marai lui-même. Lazar, l’écrivain qui divorcera d’avec la pratique de son art. De même, Péter se définit lui aussi comme un artiste, mais un artiste sans instrument… un solitaire… en somme un célibataire de l’art ?!

D’ailleurs, soit dit en passant, faut-il impérativement pratiquer un art pour être artiste ? Ne peut-on pas être artiste sans art ? Vaste question ???

L’artiste et son œuvre, ne pourrions-nous donc pas les considérer comme les protagonistes d’un même mariage ? L’artiste n’est-il pas en quelque sorte marié à son œuvre ?

La deuxième nous est énoncée par le contexte politique et historique dans lequel Marai situe les évènements de son récit. Le roman raconte la fin d’une époque, celle de l’entre-deux-guerres où l’Europe est déchirée et subit les bouleversements des nationalismes émergeants et du communisme. Les idéologies changent et la bourgeoisie en fait les frais. Les rennes du pays changent de main. C’est le communisme, les coopératives, les biens appartiennent désormais au peuple. Au récit de ces évènements l’auteur, issu lui-même d’une famille bourgeoise, ne nous cache pas sa grande déception. Les sentiments qui l’animent passent par la désillusion, un grand fatalisme, une envie de fuite et d’exil. Il nous est raconté là l’histoire d’un divorce, le divorce d’un citoyen d’avec son pays. Un patriotisme contrarié.



Ainsi c’est peut-être de ce mariage là dont Sandor Marai nous raconte les métamorphoses, le mariage d’un artiste avec son pays, et au-delà son histoire et sa culture.

Et force est de constater que ce mariage se solde par un échec comme tous les mariages qui nous sont racontés au fil de ces pages, mais ici l’enjeu est de première importance, il s’agit de la perte et de la fin d’une culture et par extrapolation de la Culture au sens large du terme.

Avec l’avènement du communisme on assiste au nivellement de toute chose et de toute individualité. La société s’en trouve arasée, chaque être est l’égal de son semblable, il n’a du coup plus de spécificité propre ou n’est en tout cas plus considéré comme individualité pleine et entière mais est ramené à l’échelle de la masse et de ses congénères. Un camarade, rien de plus ni de moins qu’un camarade. Insupportable pour tout artiste qui n’existe que par la relation unique et individuelle qu’il établit avec le monde dans lequel il vit. La société telle qu’elle est ainsi offerte ne laisse plus de place à l’improvisation, la vie de tout à chacun est contrôlée, planifiée, régentée, partagée. Tout y est codifié. Le partage des richesses devant bénéficier à tout citoyen s’en trouve être au final une somme de devoirs et de responsabilités. Le fruit du travail de chacun n’apporte plus ni joie ni satisfaction puisqu’il est aussitôt reversé au bénéfice de la collectivité. Pour le bien de tous, soit disant. Mais Marai n’est pas dupe et il confesse au travers de son œuvre que le monde qu’on lui propose désormais ne laisse plus de place à la joie. Ce nouveau monde semble désormais ne plus vouloir de la culture, de cette culture qui était le trésor détenue par la bourgeoisie.



"L'écrivain, comme le note son éditeur, doit se résigner à l'évidence : l'humanisme est assassiné, on assiste au triomphe d'une nouvelle barbarie à laquelle, une fois de plus, le peuple se soumet."

Márai finira par choisir l’exil et quittera son pays :

"Pour la première fois de ma vie, j'éprouvai un terrible sentiment d'angoisse. Je venais de comprendre que j'étais libre. Je fus saisi de peur." écrit-il la nuit de son départ en 1948.

(Sources : Wikipédia)
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Divorce à Buda

Roman publié en 1935 qui se construit en deux parties

Dans la première on y fait connaissance de Kristof Komives juge installé à Buda la capitale de la Hongrie née quelques années plus tôt des décombres de l'ancien empire austro-hongrois dissous après la Première guerre mondiale.

L'auteur nous y décrit non seulement la vie de Kristof Komives mais aussi l'atmosphère bien particulière qui règne à cette époque en Europe centrale dans laquelle on se demande si une nouvelle guerre ne pourrait pas avoir lieu tout en refusant d'y croire.

Ce soir-là en quittant le Tribunal pour rejoindre sa femme pour une sortie mondaine, il ne peut s'empêcher de penser au dossier qu'il a laissé sur son bureau.

Il devra le lendemain prononcer le divorce d'Imre Greiner un médecin « à la mode » dans le Buda de ces années folles d'entre-deux guerres et de Anna Fazekas son épouse. Il les a connus tous les deux

Imre alors qu'ils étaient tous deux étudiants sans le sou.

Anna pour l'avoir brièvement rencontrée 10 ans auparavant, alors qu'ils étaient encore tous deux célibataires

Kristof, qui n'apprécie guère la soirée mondaine à laquelle il assiste, rentre chez lui avec son épouse et se rend compte que la bonne n'est pas encore couchée à près de minuit.

Et pour cause….. un visiteur inconnu a lourdement insisté pour rencontrer Kristof.

Ce dernier n'a qu'une idée : mettre dehors ce visiteur importun.

Jusqu'à ce qu'il se rende compte que cet homme n'est autre que celui dont il doit prononcer le divorce le lendemain : Imre Greiner qui veut lui parler d'Anna

Un huis-clos d'une nuit entre le juge et le médecin, qui fera qu'à l'aube de la journée nouvelle qui s'annonce la vie des deux hommes sera irrémédiablement changée.

Un très beau livre qui nous replonge dans le milieu de ces années 1930 entre fureur de vivre et inquiétudes liées aux bruits de bottes qui commencent à se faire entendre en Europe.

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Métamorphoses d'un mariage

(... suite...)



Les personnages de Judit et Lazar.



Les deux personnages les plus importants du roman sont sans conteste Judit, la bonne issue du peuple qui finira par devenir une dame de la bourgeoisie (enfin… pas tout à fait !) et Lazar, l’écrivain ami de Péter.



Judit de par son parcours fait le pendant entre le peuple et la haute bourgeoisie. C’est elle qui est la plus à même de comprendre l’évolution et les changements qui s’opèrent en ces instants troubles. C’est le témoin privilégié mais aussi l’actrice et l’initiatrice de ces évènements. La famille dont est issue Judit est une famille pauvre et à plusieurs endroits du roman elle nous explique les conditions de vie difficiles dans lesquelles elle a passée son enfance. Elle dit avoir vécu dans un trou creusé à même la terre et partager sa couche avec les rats. Mais tout cela n’a pas nui à son développement puisque Judit est maligne, intelligente et belle et que les conditions extrêmes dans lesquelles elle a vécue lui ont procuré la capacité de s’adapter à toutes les situations et ainsi de pouvoir évoluer aussi bien parmi le peuple que parmi la haute bourgeoisie avec le plus grand des naturels. Elle le dit elle-même, elle apprend vite. Mais une incompatibilité de taille ne pourra jamais s’estomper entre les deux mondes dans lesquels elle évolue.

Péter, son futur époux, est tout entier centré sur lui-même, c’est un intellectuel qui cherche à donner un sens à sa vie. Il a hérité de la situation dans laquelle il vit et à vrai dire il n’a guère besoin de travailler. Son travail ne consiste plus qu’à faire acte de présence dans l’usine qu’il dirige puisque les affaires initiées par son père tournent d’elle-même. Du coup il est en un perpétuel état de questionnement quant à son être au monde, il cherche plus ou moins à remettre en cause la classe sociale dont il est issu. Il s’interroge beaucoup, c’est un cérébral, mais au final il erre dans la vie, solitaire. Judit, elle, est foncièrement différente. Elle est dans l’action, dans le faire, le geste. Elle est dans le ressenti, l’intuitif et l’instinctif. Elle revendique l’intime et le sensitif. Elle est dans le vécu, elle est critique et attentive au monde qui l’entoure. L’épisode de son enfance dans la boue en compagnie des rats n’est pas anodin. En effet Judit est sensible à toutes les manifestations du vivant et en particulier les odeurs.



«On dit que dans ce monde pourri qu’on appelle civilisation l’odorat se perd, que les gens ne sentent plus rien. Mais moi, je suis né au milieu des bêtes, comme le petit Jésus, j’ai reçu, avec ma naissance le don de l’odorat que les riches ont perdu. » Confession de Judit p.315



S’agissant de Péter, elle dit de lui :



«[…]

Et par-dessus tout, cette odeur de foin pourri. En entrant pour la première fois dans le lit de mon mari, j’ai senti à nouveau cette odeur de mâle, à la fois raffinée et perverse, celle que j’avais respirée autrefois en repassant ses caleçons et en les empilant dans son armoire à linge… J’étais si heureuse, si émue, tu vois, que je n’ai pas pu m’empêcher de vomir. » Confession de Judit p.314



Elle est au corps ce que Péter est à l’esprit. Mais tout deux sont en recherche, tous deux se mettent en quête pour trouver une part de leur vérité... une part de la vérité de l'autre. Péter, idéaliste, romantique, cherchera dans l’amour quelque chose comme l’espoir d’un miracle, une quête héroïque et passionnée, un acte sacré.



« Oui, les vrais amoureux risquent leur peau au sens propre du terme et, dans leur entreprise, la femme est la créatrice, l’héroïne, au même titre que l’homme, ce chevalier parti à la conquête du Saint Sépulcre. Les vrais amoureux, ces braves, sont éternellement en quête de ce mystérieux sépulcre, ils se battent, ils se blessent et ils meurent pour lui… » Confession de Péter p.270



Il croyait ainsi que toutes les différences de classe allaient fondre dans le creuset de l’amour. Mais impuissant, ampoulé dans ses habitudes bourgeoises, il ne saura se donner les moyens de son ambition, il ne saura ni offrir ni recevoir le « merveilleux don de la joie », cette vérité simple et grave qui est l’essence même de toute relation amoureuse. Et de cela Judit en a parfaitement conscience, et ce depuis le début, elle sait pertinemment et intuitivement que Péter en est incapable, et dans le fond ce n’est pas ce qu’elle attend de lui. Péter est un lâche, bousculer les conventions comme il se propose de le faire en épousant la bonne, n’est que courage de façade. Judit va se jouer de lui, opportuniste, elle profitera de l’occasion qui lui est donnée par Péter. Son projet est simple, elle veut, elle aussi, « sa place au soleil ». Mais tout comme Péter elle échouera dans sa quête.



« … je t’avouerai donc que si je haïssais les riches c’est - avant tout – parce que je n’avais pu prendre que leur argent… Quant au reste, ce supplément qui constitue à la fois le secret et le sens de la richesse, cette différence, porteuse, au même titre que la fortune, d’une magie redoutable, ils ne me l’ont pas donné… ils l’ont dissimulé… bien mieux que les valeurs qu’ils avaient déposées dans les coffres-forts des banques étrangères, ou les lingots d’or qu’ils avaient enfouis au fond de leurs jardins. » Confession de Judit p.346



Judit est le seul personnage du roman à posséder un nom de famille et pas n’importe lequel, elle s’appelle Aldozo, ce qui signifie en hongrois celui qui communie, celui qui sacrifie. Et ainsi que pour Lazar, ses nom et prénom font directement référence à la Bible et on ne peut ne pas penser à Judith, celle qui séduisit Holopherne avant de la décapiter.



Voici le récit biblique :



« Nabuchodonosor II a envoyé Holopherne châtier les peuples de l'ouest parce qu'ils ont refusé de le soutenir dans la guerre qu'il a menée contre le roi perse Arphaxad (cf. Judith I, 1). Après avoir pillé, tué et ravagé dans tout le Proche-Orient, Holopherne assiège Béthulie, une ville juive (probablement Massalah) qui barre un passage dans les montagnes de Judée. Comme l'eau vient à manquer, les habitants sont sur le point de se rendre, mais une jeune veuve, Judith, d'une extraordinaire beauté et d'une richesse considérable, prend la décision de sauver la ville. Avec sa servante et des cruches de vin elle pénètre dans le camp d'Holopherne ; ce dernier est tout de suite ensorcelé par la beauté et l'intelligence de cette femme ; il organise en son honneur un grand banquet à la fin duquel ses domestiques se retirent discrètement pour ne pas troubler la nuit d'amour qui, pensent-ils, attend leur maître. Mais elle continue à l'enivrer et, quand il est hors d'état de se défendre, elle le décapite avec l'aide de sa servante et revient à Béthulie avec la tête. Quand les soldats découvrent au matin leur chef assassiné, ils sont pris de panique : les uns s'enfuient et les juifs vainquent facilement ceux qui restent. » (Source Wikipédia)



Néanmoins il faut, semble-t-il, ne pas pousser la comparaison dans ses extrêmes. Judit Aldozo reste malgré tout bien différente de la Judith biblique. Encore que… Elle aussi est allée prendre contact avec l’ennemi, avec l’autre, le différent, pour le tromper, le voler et… sauver les siens. En est-il de même pour Judit Aldozo, son entreprise a-t-elle pour but de « sauver » ceux de sa classe sociale ? Quoi qu’il en soi, elle s’en est allé à la conquête de la bourgeoisie. Elle aura non seulement voulu leur prendre leur argent mais elle voulait aussi en comprendre l’essence et en percer le mystère.

Son entreprise se soldera par un échec… la tête coupée ne lui révélerait rien du secret de son âme.



Seul Lazar semblait être en mesure de lui en révéler la teneur…
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Métamorphoses d'un mariage

Livre en 3 parties. 1ere partie : Sa version à elle. Elle, c'est Ilonka. Femme divorcée qui relate à une amie, son histoire. Sa rencontre avec Peter, leur mariage, leur divorce. Elle lui explique les années de doute, la mort de leur fils, le caractère distant de Peter et sa trahison.

2eme partie : Sa version à lui, Peter. Comme Ilonka, il discute avec un de ses amis et lui explique son premier mariage avec Ilonka, leur divorce, son deuxième mariage et son deuxième divorce.

3ème partie : La version de l'autre. L'autre c'est judit. La deuxième épouse de Peter. Celle pour qui il a divorcé d'Ilonka. Elle, elle discute avec son amant et lui explique comment elle est entrée dans cette famille riche. Petite fille très pauvre, elle est entrée au service de la maman de Peter comme femme de ménage. Elle raconte comment elle a rencontré Peter, comment elle a assisté à son divorce pour se remarier immédiatement avec lui.

A travers ces 3 personnages et cette idée de roman "confession", l'auteur décrit parfaitement les sentiments de chacun par rapport à la classe sociale dont il fait partie. Mais aussi, il dépeint à merveilles (un peu cynique parfois) la bourgeoisie hongroise de l'entre-deux-guerres.

J'ai beaucoup aimé la structure du roman. Très intéressante cette façon de donner à chacun la parole ! Je sais qu'aujourd'hui encore la vision du monde dépend totalement de la classe sociale dans laquelle tu grandis ... mais même si c'est vrai, même si c'est intéressant ça me gonfle !! Pour moi, que tu sois riche ou pauvre... si t'es con, même avec de l'instruction que ton statut social a pu te permettre d'acquérir, tu restes un con ! A l'inverse, si tu as envie de "grandir", qu'importe ta fortune, tu trouveras toujours un moyen de devenir quelqu'un ! C'est beaucoup plus facile, certes, quand tu as les moyens mais c'est trop facile de s'arrêter sur ton nom de famille ! Biensuuuur, comme à chaque fois, ce n'est que mon humble avis que j'aime partager avec vous !
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Divorce à Buda

Sándor Márai (de son vrai nom Sándor Grosschmied de Mára) né en 1900 à Kassa qui fait alors partie du Royaume de Hongrie dans l'Empire austro-hongrois (aujourd'hui en Slovaquie) et mort en 1989 à San Diego aux Etats-Unis, est un écrivain et journaliste hongrois. La vie de l’écrivain fut itinérante, européenne et quasi-vagabonde dans sa jeunesse pour fuir la Terreur Blanche de 1919, hongroise pendant vingt ans, américaine et italienne après le passage de la Hongrie dans la sphère soviétique et le choix par Márai de l’exil qui le mènera de New York à Salerne, en Italie, puis en Californie où il se donnera la mort à 89 ans, quelques mois avant la chute du mur de Berlin. Divorce à Buda date de 1935.

Un soir très tard, Imre Greiner, médecin, se présente au domicile de Krystof Kömives, le juge chargé d’instruire le dossier de son divorce avec Anna son épouse, et déclare : « L’audience ne peut avoir lieu demain parce que cet après-midi j’ai tué ma femme. »

Le roman est construit en deux parties, la première et la plus longue campe la silhouette du juge Kömives, son origine sociale et sa famille, son parcours depuis l’enfance jusqu’à l’âge adulte, son mariage avec Herta et leurs deux enfants, sa carrière professionnelle. Tout ce passé permet à l’écrivain de dresser un portrait psychologique pointu de l’homme, « Trop correct, trop formaliste » selon son supérieur et investi d’une mission claire, « elle consistait à sauvegarder et à conserver », c'est-à-dire « sauver et éduquer la société. »

La seconde partie, et nous en venons au cœur de l’affaire, ressemble vaguement dans la forme à un autre roman de l’écrivain, Les Braises, où deux hommes discutent toute une nuit, dans un huis-clos pesant et lourd de sens. A cette différence près qu’il s’agit ici, non pas d’une discussion mais plutôt d’un long monologue de Greiner. Et à mon humble avis, c’est ici moins réussi même si ce roman est bon.

La situation prend rapidement un tour plus épais quand le lecteur découvre petit à petit, que les deux hommes se sont un peu connus à l’époque où ils faisaient leurs études et qu’ils ne s’étaient plus revus depuis, mais surtout, que le juge a croisé jadis Anna avant qu’elle épouse Greiner. Et c’est ce point crucial que le médecin veut éclaircir avant le lever du jour, quels étaient/quels sont les sentiments de Kömives pour Anna ? Car s’il est certain que sa femme l’a aimé, Greiner sait aussi que son épouse était restée attachée au juge. Cette révélation tardive va ébranler Kömives et soulever des questions sur l’ambivalence des sentiments, la réalité de l’amour total.

L’écrivain greffe son histoire sur une vision critique de la bourgeoisie de son époque et plus largement, sur la crise de la société (« les dossiers qu’il consultait témoignaient de la putréfaction de la famille, dévoilant entre leurs lignes, la « crise » générale de la société… »). Le vieux monde s’effondre, un autre va lui succéder, la longue nuit s’achève, le jour se lève, le juge Kömives « veut croire en ce monde visible et aussi en l’autre, qu’il ne connait pas. »

Un bon roman, un de plus pour cet écrivain que j’invite chaudement tous ceux qui ne l’ont jamais lu, à découvrir au plus vite.

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Métamorphoses d'un mariage

Budapest, entre les deux guerres mondiales. Deux femmes dans un salon de thé de luxe. Une d’entre elles, Ilonka, reconnaît son ex-mari venu acheter des friandises. Cela l’amène à raconter l’histoire de leur couple, de leur mariage, jusqu’à la séparation. Une séparation très douloureuse dont elle ne s’est pas vraiment remise. L’impossibilité qu’elle a eu d’établir un véritable lien avec son mari, malgré tout son amour.



Nous aurons ensuite le récit de son ex-mari, Peter, puis de la femme, domestique de sa famille, pour laquelle il a quitté Ilonka, qu’il a épousé, et dont il a assez rapidement divorcé. Vient enfin le récit de Judit, la deuxième épouse de Peter. Et en guise d’épilogue, le récit du dernier amant de Judit, émigré aux USA. A ce moment du récit, le temps a passé et nous sommes après la deuxième guerre mondiale.



Au départ, le livre semble avoir comme sujet les sentiments amoureux, les attachements fondés sur l’impalpable, sans raison, l’impossible communication de deux êtres. Tout en dépeignant un monde, un mode de vie disparu, celui de riches bourgeois, possédant domestiques, et surtout une façon de vivre, qui les éloigne des ceux qui ne sont pas passés par le même moule. Le roman dégage le charme subtil des choses à demi-mortes mais encore belles. Les différences entre les personnages sont très finement dessinées, et leurs antagonismes mis en évidence avec subtilité.



Mais l’ambition de Sándor Márai est plus vaste que simplement évoquer un couple, des relations entre quelques personnes. Il veut dépeindre des antagonismes de classes, la fin d’un monde, d’une culture. Et je trouve que la fin du livre en devient trop didactique et pesante.



Mais les trois premiers quarts du livre ont été un grand plaisir de lecture, et la fin malgré ce qui m’a gêné reste touchante.
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Métamorphoses d'un mariage

Ce pourrait n'être qu'une banale histoire de divorce et de remariage ou encore le récit de la passion morganatique d'un riche industriel hongrois pour la jeune servante de ses parents ; ce pourrait n'être qu'une fresque historique supplémentaire évoquant les mutations politiques et sociales qui ont suivi la 2ème guerre mondiale.



Il y a tout cela dans Métamorphoses d'un mariage, tout ce qui constituerait déjà la trame de n'importe quel bon roman et justifierait amplement qu'on le lise. Il y a bien plus aussi, qui relève à la fois d'une étonnante maîtrise des techniques narratives et de profondes implications existentielles.



Trois grandes parties structurent le livre, qui correspondent aux points de vue, sous forme de confidences à des amis, des trois protagonistes principaux : Peter, l'industriel grand bourgeois, Ilonka, sa première femme et Judit, la bonne qu'il épousa en seconde noces. Trois points de vue sur la même histoire nous donnant à mesurer cet abîme qui sépare la perception des mêmes événements par chacun d'entre nous et, par voie de conséquence, la solitude essentielle dans laquelle nous sommes tous enfermés, chacun dans son monde, quand bien même nous serions mari et femme, partageant la même maison, le même lit.



Une dernière partie, sous forme d'épilogue, introduit un quatrième point de vue, à la fois plus synthétique et plus lointain, car c'est celui du dernier amant de Judit, ce jeune batteur, beau comme un dieu, à qui elle s'est confiée dans la chambre d'un hôtel romain avant d'y mourir parce que son temps était fini. Nous ne sommes plus en Hongrie, nous ne sommes plus à Rome; pour fuir son pays bolchevisé il s'est exilé dans le nouveau centre du monde, l'Amérique ; là, il a dû renoncer à son art pour gagner sa vie comme barman à Broadway et devenir l'un des adeptes forcés de la nouvelle société de consommation.



C'est pour l'un des ses clients qu'il évoque cette histoire qu'il n'a pas vécue mais que Judit lui a racontée ; un récit au troisième degré en quelque sorte, encore mis davantage à distance par l’éloignement dans l’espace et le temps. Et c’est en cela que consiste la véritable métamorphose, celle qu’opère sur le réel toute grande œuvre romanesque : en cette mystérieuse alchimie qui restitue les simples événements à l’Histoire et confère à nos vie particulières la dimension d’un Destin.

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Divorce à Buda

Comme l’indique son titre, ce roman, publié en 1935, se déroule à Buda et il y est question d’un divorce.

Krystof Kömives est juge. Un après-midi de septembre, il compulse « quelques dossiers relatifs à des procès de divorce ». L’un d’eux doit être présenté à l’audience le lendemain et concerne deux personnes qui ne lui sont pas étrangères. Le futur ex-mari, Imre Greiner, a été son condisciple pendant une partie de ses études secondaires. Aujourd’hui médecin d’excellente réputation, il divorce d’Anna, que Kristof a croisé deux ou trois fois alors qu’ils étaient encore tous deux célibataires.

En rentrant d’une réception ce soir-là, Kristof va avoir la surprise de trouver Imre qui l’attend.



Divorce à Buda est divisé en deux parties de longueur inégale. La première (la plus longue) est consacrée à Kristof. Sándor Márai nous présente un personnage conservateur, représentant du Vieux Monde, un professionnel du droit « barricadé dans le plus rigide des formalismes », et nous fait part de ses réflexions sur la société, ce Nouveau Monde et ses nouvelles valeurs, qu’il condamne et rejette. Peu enclin à les accepter, il se voit comme le garant de valeurs qu’il ne veut pas croire appartenants au passé. Juge de père en fils, droit dans ses bottes, il n’est pas homme à douter de ses principes. Et s’il avait des doutes, il les chasserait bien vite. Or, il est la proie de vertiges depuis quelques temps, manifestations psychosomatiques des affres de son âme ?

La deuxième partie est consacrée à la discussion entre Kristof et Imre.

La surprenante confession et les révélations de ce dernier vont placer le juge face à la complexité de l’amour, des rapports hommes/femmes et de l’être humain. Ce face à face nocturne, confrontation entre deux mondes et deux modes de pensée, ira-t-il jusqu’à l’ébranler ou le faire douter ?



Encore un superbe roman psychologique de la bourgeoisie hongroise, sur fond de crise de la société, d’une rare finesse. Un roman sur l’amour, « l’illusion de l’amour total et l’ambivalence des sentiments » qui n’a pas pris une ride.

Si je lui préfère L’héritage d’Esther ou Les métamorphoses du mariage, il est un petit bijou littéraire qui est incontestablement à lire !
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Métamorphoses d'un mariage

Un homme et deux femmes. L’homme a été marié à ces deux femmes. Péter, Illonka et Judit. Chacun à son tour va raconter son histoire dans un long monologue et va revenir sur la relation qui les lie. Péter et Illonka se sont mariés. Issus du même monde bourgeois, leur union allait de soi. Mais très vite, Illonka a senti une fêlure chez son mari. Elle a compris qu’elle était seule à aimer, que Péter était pris ailleurs. De désillusions en dialogues qui tournent court le couple se délite jusqu’au divorce. De son côté Péter est un être constamment insatisfait, toujours en quête de quelque chose qu’il n’a pas. Et ce qu’il n’a pas, c’est cette autre femme qui occupe tout son cœur et son esprit. Judit, domestique chez ses parents et pour qui il éprouve une attirance irrépressible. Judit pour qui il finira par quitter Illonka et qu’il épousera. Avant de découvrir que cette femme ne l’aime pas mais l’a utilisé pour sortir de sa condition.



Un jeu de miroir semble donc s’être installé entre Ilonka qui aime Péter sans retour et Péter qui aime Judit sans être aimé d’elle. 



Chronique de la déception, de l’échec amoureux, de la solitude et de l’exil ce livre possède une véritable atmosphère. Sans grandiloquence et de manière feutrée Sándor Márai donne la parole à ses trois personnages livrant des vies faites de compromis, de renoncements ou de prises de décisions à la fois courageuses et irrévocables. Des vies conditionnées par une appartenance à une classe sociale, à un sexe, à une époque, à un pays. Mais des vies qui se dévoilent sans far dans ce qu’elle ont de plus magnifiques comme de plus mesquins, ne cachant rien de leurs sentiments et de leurs actes. 



C’est magnifiquement écrit, dans une langue pleine, riche et élégante qui donne toute sa dimension aux récits des trois personnages. Ainsi malgré la longueur des monologues le lecteur n’éprouve aucun ennui, totalement happé par les confessions des personnages. L’aspect historique et politique joue aussi son rôle dans ce roman donnant au lecteur un aperçu de la Hongrie du XXème siècle jusqu’au delà de la seconde guerre mondiale.



Un récit d’une grande profondeur qui se lit à plusieurs niveaux. 
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Divorce à Buda

Un auteur dans la lignée d'un Zweig, d'un Arthur Schnitzler. Un petit défaut, parfois c'est trop descriptif au détriment de l'histoire. Mais quelle histoire ! Un retournement , un inattendu toujours percutant. c'est un huis clos comme son dernier roman: "les Braises " que je recommande. Un juge, un meilleur ami, une femme. Qui est le vrai coupable… le meurtrier ou les circonstances d'une vie et ses non-dits ?

Cette question est un tourment, une rumination qui questionne la Justice. L'acte en lui même ou ce qui le précède en sa causalité ?
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Divorce à Buda

La spécialité de Sandor Marai, ce sont les confrontations entre deux hommes dans un endroit confiné durant une nuit.

Si dans ce domaine Les Cendres frappait déjà fort, Divorce à Buda fait encore mieux. J'avais adoré Les Cendres, mais Divorce à Buda est encore mieux écrit, et surtout mieux construit.

Le roman se divise en deux parties, avec une introduction, un passage que je qualifierais d'interlude et une conclusion. Donc, après une petite introduction nous présentant le personnage du juge, la première partie nous raconte sa vie. Puis vient l'interlude, le meilleur moment du livre, ou intervient un retournement de situation, après quoi on quitte les pensées du juge pour écouter le médecin nous raconter sa propre histoire, avant que le livre ne revienne au personnage du juge pour une conclusion touchante.



Vous l'aurez compris, le roman est construit des oppositions: oppositions entre les deux personnages. Opposition bien sûr entre leurs caractères et leurs histoires personnelles, mais aussi dans la façon dont elles nous sont décrites: monologue intérieur pour le juge, conversation pour le médecin.

Cette construction en deux parties bien distinctes est un pari risqué: l'une des deux parties pourrait être bien meilleures que l'autre, ou cette construction en soi pourrait être juste lassante. Mais Marai connaît son art, et Divorce à Buda est l'une de ses meilleure œuvres. C'est, honnêtement, un petit bijou, et je ne puis que vous le conseiller chaudement pour que vous puissiez, vous aussi, en profiter.
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Métamorphoses d'un mariage

C'est assurément une oeuvre de Márai d'une grande maturité, un oeuvre de réflexion, du début à la fin de ce copieux roman.

J'ai toujours pensé que mon roman préféré de Márai était "Les braises" , mais je reconnais que dans "Métamorphoses d'un mariage" il y a davantage de matériel de réflexion et de maturité.

La trame du roman est un triangle amoureux où trois voix différentes donnent une version de ce qui fut un amour. Et la perception "juste" de cet amour pour l'homme ou les femmes, mais ce sont de toute façon trois perceptions différentes.



On sent très bien dans ce livre que Sándor Márai nous narre la fin de quelque chose, la fin d'une bourgeoisie, la fin d'un style de vie.

Livre excellent.

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Divorce à Buda

"Divorce à Buda" date de 1935, c'est encore un roman de Márai avec une confrontation entre deux personnages. Un médecin et un juge ont été étudiants en même temps autrefois, il y a plus de vingt ans...

Le médecin veut divorcer parce que son mariage l'ennuie; il n'a plus rien de commun avec cette femme qu'il a aimé autrefois.

Mais il demande à son ami le juge si toutefois, il y a longtemps, il a aimé sa femme car il a l'intuition qu'en fait sa femme a toujours été amoureuse du juge.



Encore une confrontation à travers le temps et les sentiments secrets enfouis dans la profondeur de l'âme humaine.
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