Georges Le Gentil

... nous décidâmes, avec quelques marins qui étaient restés, de construire une embarcation où pussent tenir soixante ou soixante-dix personnes. On résolut aussitôt de se rendre à la nef sur un radeau qu'on fit avec une antenne, pour y chercher du bois de charpente. Alors on choisit comme chef de chantier, pour construire la barque, un marin qui s'appelait Braz Gonçalves, originaire de Vila do Conde. Et pendant qu'on faisait le radeau, la nef fut détruite, de telle sorte qu'on ne vit plus apparaître ni planche, ni bois de construction. Pour la quille, on prit une antenne longue de vingt-trois empans. Comme nous n'avions pas de liaisons pour la carcasse, nous fîmes les couples avec des pièces droites. Nos planches ne pouvaient servir que pour le fond. Pour le reste, on ne trouvait pas des matériaux appropriés. Nous dûmes fabriquer une scie. Autrement nous n'aurions pu en venir à bout. Notre-Seigneur voulut que, parmi nous, il y eût un forgeron et un cordonnier. On fit la scie avec une épée. Un bambou que nous trouvâmes, nous fournit des tuyaux pour le soufflet. On fit le soufflet avec les peaux que la mer avait rejetées et que le cordonnier cousit. Avec la scie, on scia quelques pièces de bois pour construire la barque. Il n'y avait pas d'homme capable bien scier. Mais quelques-uns d'entre nous se mirent à l'oeuvre et, sans prétendre égaler de bons maîtres, nous sciâmes quelques planches et les pièces dont on fit l'embarcation. le marin qui nous dirigeait n'avait jamais tenu la hache. Mais on pouvait croire à la présence visible de Dieu parmi nous. Il nous aidait, nous enseignait la manière de nous y prendre. Nous ne mîmes que seize jours, à la faire, avec tous les mâts et les vergues. Tout ce qui était nécessaire, même le goudron, Dieu nous l'envoya...

" le capitaine donna l'ordre au pilote d'amener les voiles, ne lui permettant ni de les déployer ni de courir la nuit. Cet ordre, il le donnait de la part du roi, mais l'autre ne voulu jamais l'exécuter malgré les requêtes les prières et les menaces, disant et donnant comme réponse des paroles bien dignes de châtiments [...] Il montra les instructions du roi ; elles ordonnaient de ne pas entreprendre son métier, interdisait à toute personne, quelle que soit qualité, d'intervenir en pareil cas. Ces attributions étaient si larges qu'on eut dit que la volonté royale, non contente de lui confier ses biens, livrait et remettait la vie des hommes à l'entêtement d'un rustre, opiniâtrement attaché à l'idée qu'il avait de sa fonction et incapable d'admettre un conseil, vint-il d'un ange".