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Citation de enkidu_


Nous avons vu qu’une partie du marché cognitif s’est organisée pour stimuler des attentes profondément implémentées dans notre cerveau en jouant notamment sur les réseaux de production de dopamine. Dans un livre qui a eu un certain retentissement outre-Atlantique, The Hacking of the American Mind, le neuroendocrinologue Robert Lustig distinguait fermement la recherche du plaisir et la recherche du bonheur. Si le premier dépend directement de la production de dopamine, le second dépend, lui, de la sérotonine, qui crée une sensation plus durable. Or, la recherche du plaisir s’oppose bien souvent à celle du bonheur, y compris en termes chimiques. En effet, explique Lustig, la dopamine est un neurotransmetteur qui excite le neurone. Il se trouve que les neurones voient leur niveau d’excitabilité s’élever à mesure qu’ils sont excités. Pour obtenir le même effet, il en faudra toujours plus ; cela décrit exactement ce qui se produit dans les phénomènes d’addiction. Le professeur de l’université de Californie souligne que ce processus décrit le rapport que nous pouvons avoir à l’alcool, aussi bien qu’au sexe ou aux réseaux sociaux.

Nombre d’offres et de stimulations de notre environnement social convoquent la recherche de plaisir à court terme de notre cerveau. Tels les rats de l’expérience de James Olds et Peter Milner, nous aurons tendance à vouloir appuyer frénétiquement sur le levier à dopamine. L’objectif d’un certain nombre de marketeurs et de publicitaires est de nous faire confondre le plaisir et le bonheur. Contrairement aux rats, nous avons assez de ressources métacognitives pour comprendre que nous sommes enfermés dans des boucles addictives et en souffrir, mais pas toujours suffisamment de ressources mentales pour en sortir.

Il faut rappeler que les grands opérateurs du Net, que l’on nomme parfois les Gafam, ont délibérément utilisé ces boucles addictives. En juin 2019, Tristan Harris, un ancien ingénieur de Google, a décrit en détail, devant le Sénat américain qui l’auditionnait, les tactiques cognitives utilisées par ces géants du Web pour cambrioler l’attention de nos contemporains : stimulation des réseaux dopaminergiques (par les likes, les notifications diverses), enchaînement des vidéos qui, lorsqu’elles ne sont pas vues en entier, créent un sentiment d’incomplétude cognitive, incitation à faire défiler sans fin un fil d’actualité, incitations à la peur de manquer une information cruciale… Tout est organisé pour nous faire prendre le vide ou le pas grand-chose pour un événement. Les manœuvres qui visent à instrumentaliser les grands invariants de notre système cognitif sont désignées sous le terme inquiétant de dark patterns. Ces cadres de manipulation ne sont d’ailleurs pas si obscurs puisqu’à présent, tout le monde les connaît ou presque. Une entreprise au nom évocateur, Dopamine Labs, vend même aux concepteurs d’applications un outil leur promettant d’augmenter l’engagement des utilisateurs de 30 % en leur procurant des « shots de dopamine ».
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