Laisse CCLXXIII
Ganelon se tenait là debout devant le roi.
Il a le corps solide, une belle couleur au visage.
S'il était loyal, il ressemblerait bien à un baron.
Il voit ceux de France et tous les juges,
et trente de ses parents qui sont avec lui.
Puis il s'écrit très haut, à pleine voix :
"Pour l'amour de Dieu, entendez-moi, barons!
Seigneurs, j'étais dans l'armée avec empereur;
je le servais avec fidélité et amour.
Roland son neveu me prit en haine,
il me condamna à mort et à la douleur.
Je fus messager auprès du roi Marsile;
par mon adresse, j'obtins mon salut.
Je défiais Roland le guerrier
et Olivier et tous leurs compagnons.
Charles l'a entendu, ses nobles barons aussi.
Je me suis vengé, mais il n'y a pas trahison."
Les Francs répondent : "Nous irons en tenir conseil."
Laisse CXXXI
Roland dit : "Pourquoi cette colère contre moi?"
Et l'autre répond : "C'est votre faute,
car la vaillance accompagnée de sens n'est pas la folie;
la mesure vaut mieux que la témérité.
Les Français sont morts à cause de votre légèreté.
Jamais plus Charles ne recevra notre service.
Si vous m'aviez cru, mon seigneur serait revenu;
cette bataille, nous l'aurions faite ou remportée (?);
le roi Marsile serait prisonnier ou mort.
Votre prouesse, Roland, c'est pour notre malheur que nous l'avons vue!
Il n'y aura jamais un tel homme jusqu'au Jugement dernier.
Vous mourrez, et la France en sera déshonorée.
Aujourd'hui prend fin notre loyale camaraderie:
avant ce soir, la séparation sera très dure."
Laisse CXXXVII
La fin de la journée est pleine de clarté.
Au soleil, les armes brillent,
hauberts et heaumes jettent de grands feux,
ainsi que les écus, qui sont bien peints de fleurs,
et les épieux, les gonfanons dorés.
L'empereur chevauche, plein de colère,
et les Français, peinés et courroucés;
il n'en est aucun qui ne pleure amèrement,
tous sont remplis de crainte pour Roland.
[...]
Laisse CXXXVIII
Hauts sont les monts et ténébreux et grands,
les vallées profondes, les eaux rapides.
Les clairons sonnent et derrière et devant,
et tous reprennent en réponse à l'olifant.
[...]