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Citation de enkidu_


...les synarques n'ont participé directement au pouvoir politique que sous le régime de Vichy et, même alors, que pendant une période assez brève. Mais il ne faut jamais oublier que pour la Synarchie, le pouvoir politique n'est qu'un instrument conjoncturel au service de I'Autorité avec un grand A, autorité à la fois économique, idéologique et métapolitique qui seule procure la véritable puissance. Pour les synarques, il ne suffit pas d'agir dans l'ombre des palais officiels, et toujours par personnes interposées: il faut encore et surtout pénétrer par capillarité tous les rouages et tous les étages de la société. Saint-Yves d'Alveydre rejoint ici saint Ignace de Loyola, tous deux précurseurs du lobbying.

Que la puissance de la Synarchie se fasse sentir encore de nos jours, il suffit, pour s'en persuader, d'évoquer, parmi beaucoup d'autres, les noms de quelques synzrrques ou même d'ex-cagoulards qui, après avoir servi l'État vichyssois (comme Raoul de Vitry d'Avaucourt ou Gabriel Le Roy-Ladurie) ou dans la Résistance (comme Loustaunau-Lacau, Louis Vallon ou Ghislain de Bénouville) se retrouvèrent en selle sous les Quatrième et Cinquième Républiques, soit dans la grande industrie, la finance ou les allées du pouvoir.

Mais parmi ces noms, celui qui domine de très haut tous les autres est Jean Monnet.

Né en 1888, fils d'un négociant en cognac, le personnage n'a jamais occupé que des fonctions officielles de « brillant second », et pourtant sa carrière est une ascension continue en termes de pouvoir réel.

En 19L4, il se fait réformer et envoyer en mission à Londres par Clémentel, synarque qui est alors ministre du Commerce et de I'Industrie, pour s'occuper du ravitaillement de la France en produits stratégiques. Clemenceau, Président du Conseil, que cette sinécure irrite, menace de le mobiliser ou de le déclarer insoumis, mais le Tigre, qui n'était pourtant pas de papier, doit s'incliner devant les protections occultes dont jouit déjà ce jeune homme de vingt-sept ans.

Quatre ans plus tard, Monnet est secrétaire général adjoint de la Société des Nations à Genève. Ce poste lui permet de nouer de fructueuses relations avec des personnalités du monde entier, jusqu'en Chine où il se lie à T. V. Soong, président de la Banque centrale, et plus étroitement encore à la sœur de celui-ci, épouse de Chiang Kai-Schek.

En 1922, comme nous l'avons vu, Jean Monnet inspire la création du Comité synarchique central ; en même temps, il s'active au sein d'une autre société secrète, le Mouvement synarchique international auquel, aux côtés du comte hungaro-belge Coudenhove- Kalergi, il donne une façade légale sous le nom de Mouvement paneuropéen.

Pendant, et aussitôt après la Seconde Guerre mondiale, il joue les éminences grises auprès du général de Gaulle, puis conçoit et met en pratique le fameux Plan Monnet destiné à rajeunir et moderniser le capitalisme français ; il n'a alors d'autre profession que celle de banquier, mais son influence internationale est proprement tentaculaire. Il meurt en avril 1979, àgé de quatre-vingt-onze ans, après une vie, comme on le voit, bien remplie. C'est alors que le grand public découvre en cet homme de I'ombre qu'on a pu appeler « le plus américain des hommes d'affaires français » le « père de l'Europe » , de cette Europe technocratique qui, en petits comités, sans aucun contrôle des citoyens, se construit avec des hauts et des bas sous nos yeux. De ce synarque des premiers jours, aussi efficace et intelligent que discret, Henry Kissinger a pu écrire : « Peu d'hommes ont joué un tel rôle dans l'histoire du monde. »

L'Union européenne née dans les derniers mois de 1993 et qui fut l'idée-force de Jean Monnet, de Coudenhove-Kalergi et de I'archiduc Otto de Habsbourg, est par bien de ses aspects un rêve synarchique. Dans le nom du Mouvement synarchique d'empire, le mot « empire », en effet, ne concernait qu'accessoirement I'Empire colonial français: il devait plutôt être entendu dans le sens latin d'imperium qui signifie « pouvoir, autorité », à la fois matérielle et spirituelle, et dont le modèle fut jadis fourni par le Saint Empire romain germanique. (pp. 208-210)
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