Gilbert Pago

La défense se place donc délibérément du coté de l’ordre et condamne unanimement l’insurrection. Elle ne cherche ni à l’expliquer, ni à la comprendre. L’insurrection est présentée par elle comme un malheur regrettable, un événement fortuit qui n’a pas sa place dans la vie martiniquaise. Cet événement serait le fait d’insensés, de mauvais génies, de brebis galeuses. Pour la défense, il ne peut s’agir d’un acte de protestation contre les inégalités sociales, contre l’injustice. Il n’y aurait là qu’aveuglement et folie.

Etre femme à la Martinique en 1848, c'est vivre dans un milieu ségrégationniste : celui d'une société à économie de plantation reposant sur le système esclavagiste. L'organisation juridique et sociale se fonde à la fois sur une classification en trois groupes et sur la séparation entre deux ethnies.

L'ethnie blanche, se réserve pour ses couches supérieures -i-totalité des prérogatives, des privilèges et des droits. I.e est détentrice du pouvoir, propriétaire des richesses et prépondérante socialement.

A l'autre pôle, l'ethnie noire est soumise à l'esclavage, c'est-à-dire se trouve privée de liberté. Elle reste livrée à une grande part d'arbitraire, puisque dotée de peu de droits, subit la domination et, pour une grande partie de ses membres. vit quasiment dans l'indigence et en l'absence de te considération sociale.

Ceux-là jouissent de la liberté personnelle et souvent ne connaissent pas l'indigence du groupe des esclaves. Cependant l'égalité avec les Blancs ne leur est pas reconnue, tandis que leur statut les place au-dessus de la masse servile.

Les femmes partagent le statut juridique des hommes de leur condition et vivent donc la ségrégation à différents niveaux, selon leur position sociale et la couleur de leur peau. Le fait d'être femme ne crée nullement une homogénéisation de leur « condition féminine »; elles se vivent et sont vécues comme blanches, libres de couleur, ou esclaves noires. Cette structuration sociale ne favorise pas la solidarité entre les femmes ni ne crée le sentiment de constituer une catégorie spécifique. Une telle éventualité ne pourrait exister qu'en brisant la barrière de la couleur, c'est à dire en remettant en cause le fondement de la société coloniale et pas seulement de son système esclavagiste.

comprendre le chemin qu’il reste à parcourir pour consacrer une place reconnue à l’histoire des peuples coloniaux dans leurs interactions avec celles des colonisateurs

les portes d’entrée ouvertes par l’histoire du genre qui permettent non seulement de rendre visibles ces actrices de l’histoire que sont les femme mais surtout d’interroger les rapports de force entre les sexes qui imprègnent toutes les relations à l’intérieur des formations sociales