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Citation de darkdays


Il ne sait pas pourquoi, mais le visage du vieux livré aux dents et à la lutte, il ne l'a pas supporté.
Il ne sait pas pourquoi, mais il s'est levé, a couru dans la pente en hurlant. Les loups, surpris et sans doute en partie rassasiés, n'ont opposé aucune résistance, ont filé dans l'herbe haute.
Ngem s'est assis près des restes de Ghamo.
Et l'idée lui est venue d'un coup. Sans chercher. L'idée de protéger, d'épargner à l'homme en charpie le déchirement des crocs. Prendre une pierre et creuser un trou dans la terre. Y enfoncer le corps et le recouvrir, l'abriter des dents et du froid...
Ce qui a échappé à son attention, c'est ceux qui le regardaient. Tout le groupe, comme figé autour du feu vacillant à tenter de comprendre.
Lui, il a traîné Ghamo par les pieds. Puis il a regardé autour de lui, a choisi un caillou et s'est mis à fouiller le sol. A dessiner un drôle de rectangle, à déblayer la terre autour.
Et puis, quand le trou lui a semblé suffisamment profond, il a niché le corps pantelant de l'ancien, a entrepris de le recouvrir.
A genoux, de l'arête de ses mains, il a rassemblé la terre amoncelée autour de lui. Très vite, les chairs à vif ont disparu sous la poussière et les feuilles mêlées.
Très vite, le corps s'est estompé sous la couche brune, puis ce fut le tour du visage déchiré. Et là, face à la disparition progressive, à l'effacement inhabituel, Ngem a senti dans son ventre une douleur qui n'est pas celle de la faim. Comme une boule qui monte jusqu'à la gorge, qui dérange et fait les yeux se mouiller d'une pluie soudaine. Une nappe venue de l'intérieur, comme une crue, et qui fait trembler les épaules et la poitrine.
Alors, il s'est levé, a jeté un regard aux autres. Il s'est senti à part, affaibli, comme étranger. Différent d'eux.
Il a décidé de partir. Décidé de grimper jusque là-haut, là où la colline semble gratter le noir de la nuit.
Décidé de s'abandonner au vent glacé, de regarder le ciel jusqu'à ce que les petits points lumineux, innombrables, soient chassés par la lumière du jour quand il revient.
Décidé d'être plus fort que cet orage dans son ventre et sa tête, qu'il n'a pas senti venir.
Ne plus penser au vieux Ghamo, à la protection de la terre, au corps désormais épargné. Echapper à cette vague soudaine qui l'a surpris et dont il craint le retour. Un craquement intérieur, une tempête jusque-là inconnue que la simple disparition d'un corps a provoquée. Un tumulte qu'il ne saura sans doute jamais identifier ni nommer, mais auquel il doit se soustraire.
Face au mort enterré pour la première fois, ce que l'on nomme chagrin...
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