C’est au départ que les voyages sont les plus beaux parce qu’ils sont pleins de promesses ! Je pars à la guerre et ma curiosité est plus grande que ma peur. Je suis comme ça. Je me sens plus vivant même si de grands dangers m’attendent.
C’est une question de vie ou de mort pour l’Europe. La puissance allemande peut tout raser. Toutes nos grandes cultures sont en jeu, langues, littérature, philosophie, peinture, sculpture, liberté, démocratie, tout, tout est menacé. Si Hitler gagne, être Français, Anglais, Autrichien, Hollandais ne voudra plus rien dire. Nous serons tous des nationaux-socialistes, des nazis, et nous parlerons allemand ! En tout cas, c’est le rêve d’Hitler. Rien que d’y penser, ça me donne envie de vomir. Donc, il faut les massacrer, et un massacre, c’est un massacre et ça inclut celui qui frappe comme celui qui tombe !
Il faut dire qu’on ne prépare pas une grande armée au combat en criant ciseau ! C’est donc toujours l’entraînement et l’apprentissage du maniement des armes qui nous occupent. Notre régiment se déplace souvent. On découvre la campagne, qui est très verte malgré la saison. Je voudrais bien que tu voies les maisons aux toits de chaume qui se trouvent au village non loin d’ici.
Par contre, on sent de la tension partout, comme si la guerre planait avec les nuages au-dessus du pays.
Ici, les gens ne savent même pas où se trouve l’Allemagne sur une carte ! Une guerre mondiale menace, puis nous, on pense à se protéger d’Ottawa. Je n’en reviens jamais de voir comment les Canadiens français se coupent du reste du monde tout le temps. L’ennemi, c’est l’Anglais, personne d’autre, le reste ne les regarde pas. Maudit, il faut voir plus loin ! Il faut que les hommes libres comme moi mettent leur culotte pour aller se battre !
La guerre ne ralentissait rien ; au contraire, elle accélérait tout, le rythme de travail, les déplacements, la production en général et l’introduction d’éléments nouveaux dans la vie quotidienne. Sans l’approuver, on s’habituait peu à peu à l’absence de ceux qui étaient partis comme volontaires, d’autant qu’aucun n’avait encore souffert au combat.
Hitler est un fanatique, puis les Allemands le suivent comme un troupeau suit son mâle. Son armée est rentrée en Pologne au début du mois. Il a fait alliance avec Staline. Il ne s’arrêtera pas là. Je te le dis, la Grande Guerre n’était rien à côté de celle qui s’en vient.
Avec la guerre qui commence et tous ces départs, on ne sait plus ce que l’avenir nous réserve. Alors, on revient sur le passé, bien inutilement puisqu’on ne peut rien recommencer dans la vie. Je n’ai plus qu’à continuer à prendre soin de mon monde.
Pour l’instant, la vie militaire s’annonce donc plutôt agréable, à la condition que l’on accepte la discipline et tout ce qui vient avec. Il faut une permission pour tout, mais c’est bien normal quand on est soldat.