Gustave Macon

Le duc d'Aumale suivait aussi les ventes qui avaient lieu à Paris; c'est ainsi qu'il acquit, en janvier 1863, au prix de 92.000 francs, le célèbre tableau d'Ingres qui représente l'émouvant épisode de Stratonice et Antiochus; puis une toile de Gérôme, le Duel après le bal masqué (15.750 fr.), deux de Protais, Avant et Après le combat, une de Rosa Bonheur, Berger des Pyrénées (12.000), un petit tableau de Mèissonier, Dragon sous Louis XV (15.625), et une charmante aquarelle du même maître, un Atelier d'artiste au XVIIIe siècle (14.375), un Samuel Reynolds, Vue du pont de Saint-Cloud (1.180 fr.). L'amitié contribue aussi à l'enrichissement des collections du prince Francess, comtesse Waldegrave, lui donne une délicieuse toile de Joshua Reynolds représentant deux Waldegrave, mère et petit enfant ;
LordHolland lui lègue le magnifique portrait du prince de Talleyrand, par Ary SchefIer, qui règne aujourd'hui dans la Tribune de Chantilly.

Dans l'inventaire des tableaux de Chantilly dressé en 1709, je relève un tableau de le Brun, Vénus et Vulcain . — On ne voit dans les comptes aucun paiement fait à Le Brun ; on en trouverait sans doute l'explication dans les marchés passés entre le prince et l'artiste, marchés portant donation de terrains sur lesquels fut construite la magnifique propriété de Montmorency; M. Germain Bapst a vu dans le minutier du successeur actuel de Me Lange, notaire de la maison de Coudé, ces marchés et des quittances de Le Brun. Le Mercure de juin 1679 relate longuement la visite faite à l'artiste dans sa maison de Montmorency par le duc d'Enghien, fils du
Grand Condé. Les rapports étaient donc assez intimes entre le peintre et les princes, qui s'intéressaient à tout ce qui touchait l'artiste

Le Grand Condé mourut 11 décembre 1686, sans avoir eu le temps de construire la chapelle dont il avait choisi l'emplacement dès 1684. Elle fut édifiée par les soins de son fils, de 1687 à 1691.

Cette population comportait - rien n'est nouveau sous le soleil - une proportion d'indigents, et cette proportion était parfois forte. En 1740, sur les 121 feux dont se compose Chantilly, il y a 31 familles de pauvres mendiants et de pauvres honteux, avec 61 enfants en bas âges.

Les acquéreurs de Laversine appartenaient à cette riche bourgeoisie qui s'élevait sur les ruines de la petite noblesse territoriale pour devenir elle-même noblesse à son tour. Dès 1360, un Jean Binaille achète des terres sur le terroir de Saint-Maximin; un Pierre Binaille habite Saint-Leu en 1408. Quant à Simon Binaille, sa femme était la soeur d'un conseiller du roi, maître Jean Romain. Simon mourut en 1415, laissant la moitié de sa terre de Laversine à sa nièce Jeannette Romain, l'autre moitié appartenant à sa veuve. La famille Romain conserva Laversine jusqu'en 1480 : nous trouvons en 1461 « Baugeois Romain, écuyer, demeurant à Creil », faisant foi et hommage du fief de Laversine, à lui échu par la mort de son frère Henri ; puis son fils, Philippe Romain, écuyer, qui, en 1474, baille à cens à Guillaume Leblond, manouvrier, « une masure séant à Trossy, à la fontaine Saint-Mesmin, avec un arpent et demi de terre derrière, moyennant 13 sols parisis de droit cens ». C'est le moment où nos campagnes se relèvent des ruines accumulées par la guerre de Cent Ans.

La dévastation des forêts et pars était notoire, qu'une brochure imprimée à Paris annonça le pillage et la destruction du château et des écuries ; selon l'auteur les aristocrates eux-mêmes soudoyaient des bandes de gens sans aveu pour ruiner les propriétés du prince de Condé, afin d'irriter le prince contre la nation française et de lui inspirer des désirs de vengeance.

Sur le père du Grand Condé, il n'y a rien; sur le Grand Condé lui-même, peu de chose avant la dernière période de sa vie. De rares documents nous renseignent sur ses goûts artistiques, sur son souci de rassembler des oeuvres d'art.

À cette époque les Anglo-Bourguignons sont les maîtres incontestés du pays ; il n'y exercent aucune violence, administrent sagement, et l'on recommence ça et là à cultiver la terre. Cette accalmie fut de courte durée.