Cela commence toujours par un rêve. Comme celui que Yazid avait l’habitude de raconter à ses collègues de travail, en Algérie. Ou plutôt un fantasme. Il fait nuit. Il vient juste de sortir du bureau. Devant lui, la route est droite et rectiligne. Pratiquement déserte. Une petite neige commence à tomber. Et Yazid pense qu’il a bien fait de mettre ses pneus d’hiver. Par anticipation. Il met la radio et écoute ...les nouvelles. On annonce une tempête de neige. La première de la saison. Puis l’animateur enchaîne avec une chanson de Beau Dommage :
Dimanche soir à Châteauguay
Les pieds pendant au bout du quai.
La voiture prend la bretelle et quitte l’autoroute. Encore cinq minutes et il serait chez lui. Un verre de gin tonic l’attend. Il tâte sa poche. Les clefs de son appartement sont là. Il arrête la voiture devant un bel immeuble, propre et calme. Pas d’adolescents dans la cage des escaliers. Ni de voisins à l’épier derrière les volets. Avec la télécommande, il verrouille sa berline allemande. Il introduit le code pour ouvrir la porte principale du bâtiment et se dirige vers les ascenseurs.
Mais avant, il jette un coup d’œil à la boîte aux lettres pour récupérer son courrier. Des factures. Et des cartes de souhaits. De ses amis restés en Algérie. Il se sent fier de sa réussite. Une belle voiture. Un bel appartement. Et surtout un travail que tous lui envient.