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Citation de Charybde2


« Tous les crever ! Tous les rayer ! » Ruine au milieu des ruines, il n’en revient toujours pas, ne sait guère ou plutôt ne comprend pas ce qui a pu l’amener ici, sur cette terre d’apocalypse où des remparts semblent s’être d’eux-mêmes dressés pour défier les profondeurs, au siège de Missolonghi, face à Lord Byron, et pourtant crache et tonne et hurle comme s’il était sûr de son fait, plus implacable et péremptoire que la fièvre des marais s’apprêtant à siphonner le poète en uniforme rouge, à quelques mètres de lui, dans sa trente-sixième année. De sporadiques échappées d’intuition lui laissent deviner qu’il est, d’une manière ou d’une autre, le metteur en scène de cette boucherie bicentenaire en bonne et due forme. Alla Turca. Il ressent jusque sur son échine et sous son scrotum le frétillement des vaisseaux sillonnant la baie, entend malgré lui la huée des bombardements qui n’en finissent plus de cingler ses halètements pour trois secondes plus tard s’abattre sur le sol en friche, tout près d’une mer céruléenne à peine émue de ce barnum à tombeau ouvert, par un ciel opaque et divinement serein. Les chocs répétés lui font l’effet d’une séance d’électrochocs, de ceux qui lui ont maintes fois déchiré l’épiderme, entre quatre murs blanchis à la chaux, peut-être, il y a fort longtemps, sûrement, alors qu’il était rose encore de ses illusions d’aurore et paré pour l’apothéose des plus folles épopées, les plus inavouables aussi. Les yeux pointés vers son for intérieur, forteresse a priori imprenable, il se souvient. Il faisait jour et froid. La veille ? Transi de fatigue, il venait de vomir sa bile en jets d’alexandrins filandreux sur le carré blanc-pixellisé de son écran d’ordinateur, puis s’était assoupi, comme l’aurait fait n’importe quel homme humainement constitué, après cinq heures de labeur et de rumination. Les mots lui reviennent, comme par régurgitation. Alors il les remâche, les sourcils froncés, la mine grave, les récits à voix haute, oubliant dans son navrant soliloque le jeune-poète- prématurément-vieilli.
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