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Citation de Sachka


Elles ôtèrent leur sweat en silence, les échangèrent, et les enfilèrent de nouveau.

- Je suis 208, dit 209.
- Et moi 209, dit 208.

Je poussai un soupir.

Pourtant, dans les moments où il me fallait absolument différencier les jumelles, j'étais forcé de m'appuyer sur ces numéros, car je n'avais à ma disposition aucune autre méthode.
En dehors de ces sweats, les jeunes filles n'avaient pour ainsi dire pas de vêtements. Comme si, au cours d'une promenade, elles avaient soudain décidé de s'introduire chez quelqu'un et de s'y installer. Ce qui, en fait, n'était guère éloigné de la réalité. Au début de la semaine, je leur donnais toujours un peu d'argent pour qu'elles puissent s'acheter ce dont elles avaient besoin, mais en dehors de leurs repas, elles ne s'offraient qu'une boîte de biscuits à la crème au café de temps en temps.

- Ça ne vous gêne pas, de ne pas avoir d'habits ? leur demandai-je.
- Pas du tout, répondit 208.
- Les vêtements, ça ne nous intéresse pas vraiment, dit 209.

Une fois par semaine, toutes deux lavaient amoureusement leur sweat dans l'eau du bain. Lorsqu'il m'arrivait de lever les yeux depuis mon lit, où je lisais la Critique de la raison pure, je voyais les jumelles nues, l'une à côté de l'autre, occupées à leur lessive sur le carrelage de la salle de bain. À de pareils instants, j'éprouvais pleinement la sensation d'être parti très loin. Je ne sais pas pourquoi. Depuis que j'avais perdu une couronne sous le plongeoir de la piscine, l'été dernier, j'avais cette impression de temps à autre. Quand je rentrais chez moi après le travail, j'apercevais fréquemment ces sweats et leurs numéros 208 et 209, mis à sécher aux fenêtres exposées au sud. Ces moments- là me faisaient monter les larmes aux yeux.

Extrait de la nouvelle : Flipper, 1973.
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