Je n’avais pas besoin que l’on m’aime, je ne recherchais pas les congratulations, hypocrites ou sincères d’ailleurs. Il venait de se passer un événement dans ma vie au cours duquel j’avais assisté à la fracture de mon ego. C’est une sensation que je ne souhaite à personne, pas même à mon pire ennemi. Désormais, je voulais me prouver que j’étais capable de tout quitter pour partir à la recherche de ce que j’avais perdu : mon bonheur.
Depuis que j'avais posé le pied en Egypte, je n'avais pas manqué d'observer des différences entre le monde chrétien et l'Orient. Au début, cela m'avait amusé, puis intrigué, avant de réaliser qu'il s'agissait bien plus que de codes vestimentaires, ou de bienséance, cela touchait à l'essence même de la société.
Le monde chrétien vivait dans l'attente de la fin du monde et nos théologiens glosaient ad libitum sur les signes que prendrait ladite fin des temps: tantôt ce serait un ciel de sang, tantôt des incendies monstrueux; l'on décortiquait le Livre de l'Apocalypse pour lui faire dire ce que l'on voulait lui faire dire.
A Fustât, l'on jouissait de la vie, avec la bénédiction divine, in sha Allah.
Dieu était-il unique?
Toutes les différences que j'avais pu observer s'était cumulées pour façonner le bélier qui avait enfoncé la porte de mes certitudes.
Sache que s’il y a une chose dont je ne me suis jamais préoccupé, c’est la politique. Mais ce n’est pas parce que je ne suis pas versé dans cet art que je ne connais pas les politiciens. Ce sont des individus qui n’admettent pas qu’on leur rappelle leurs erreurs.
Sais-tu que, chaque jour, des couples divorcent. (Il me regarda, interloqué.) Des hommes, des femmes, rompent avec l’opulence de notre société. A la suite d’une overdose, ils se retirent dans les monastères - ça marche le tourisme religieux - ou bien se mettent hors circuit de la société de consommation. Je veux éprouver la sensation de manquer de tout. Mon cas n’est pas unique; il est même banal. Pour te rendre compte de l’ampleur du phénomène, étudie les sorties littéraires. Lorsque les romanciers scénarisent la réalité, tu peux te dire que tu assistes à un bouleversement de la société.
S’il est une chose qu’apprécient les gens de pouvoir, c’est la flatterie. Ils seront d’autant plus sensible aux louanges s’ils sont cajolés par celui qui n’est pas réputé en faire.
...idée idiote que celle de relater ce que l’on voit, car il s’ensuit que l’on écrit en fait sur soi ; idée doublement idiote car écrire sur soi ne fait pas se connaître mais se chercher, je courais le risque de ne jamais me trouver; mais idée rassurante, car griffonner chaque soir le ressenti de la journée participait à la phase de reconstruction de ma personnalité, telles les pièces d’un puzzle que je m’efforcerai d’assembler, jeu de patience pour trouver l’emplacement idoine.
L’on sait que raison et foi ne font pas bon ménage. L’une et l’autre ne se comprennent pas, donc s’ignorent. Comment faire entendre raison à qui en est totalement dépourvu ?
La vérité est que je n’ai pas choisi cette… activité, c’est elle qui m’a élu pour la servir. Le fait est que le curieux coup du sort qui a chamboulé ma vie m’a permis d’élucider des affaires que le bon sens qualifie de crimes impossibles. Des crimes qui seraient restés inexpliqués, si je n’en avais été le témoin providentiel.
C’est pour les besogneux, cette mesure ! Ceux qui croient que c’est en travaillant qu’ils vont s’enrichir.
La perspective que l’on s’intéresse à sa personne procure à l’hypocondriaque un soulagement immédiat.