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Critiques de Hélène Thiollet (4)
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Migrations en Méditerranée

Dans l’imaginaire populaire, les migrations en Méditerranée se présentent spontanément sous un mode misérabiliste et sensationnaliste : le cadavre du petit Eylan sur le rivage turc, les pateras surchargées de migrants subsahariens au large des côtes espagnoles, l’espace Schengen qui se claquemure derrière des fils barbelés… Sans rien nier de cette dimension tragique, les actes du colloque « Le modèle migratoire méditerranéen dans la tourmente » qui s’est tenu à Rome en mai 2014 restituent l’espace, le système et le régime migratoire méditerranéen dans toute sa complexité, loin des idées reçues.



La première erreur serait de considérer la Méditerranée comme un espace homogène. Bordée de vingt Etats, la Méditerranée est en fait constituée de trois ensembles aux profils migratoires très différents : l’ensemble Maghreb/Europe occidentale avec en première ligne l’Espagne et l’Italie qui accueillent des migrants maghrébins et des migrants subsahariens, l’ensemble balkanique où se mêlent des migrations intra-européennes et des migrations extra-européennes via la Turquie et la Grèce, l’ensemble proche-oriental qui connaît sur la longue durée des flux de réfugiés massifs, palestiniens, irakiens, syriens…



La deuxième erreur serait la symétrique exacte de la première : refuser de considérer l’espace méditerranéen dans son unité. Car les trois espaces qui constituent la Méditerranée ne sont pas étanches les uns aux autres. Lorsqu’une route se ferme, les passeurs en ouvrent une autre. Lorsque la Libye de Kadhafi ferme l’émigration, les flux se reportent à l’ouest vers l’Espagne ; lorsque l’Espagne parvient à endiguer l’arrivée des cayucos de Sénégal, les flux se reportent à l’est. Cette adaptabilité des réseaux condamne par avance la réponse sécuritaire à l’échec : le renforcement de contrôle sur tel ou tel point de la frontière européenne n’aura d’autre effet que de reporter la pression sur le point le plus faible de la frontière.



La troisième erreur est sociologique. Elle consiste à assimiler la foule des émigrés à une masse indéterminée, poussée à l’exode par la misère économique et/ou la répression politique. Or, les plus pauvres n’émigrent pas, faute d’avoir les ressources – financières, relationnelles – pour le faire. Le profil type de l’émigré est un jeune diplômé, sans opportunité professionnelle dans son pays, en quête d’une vie meilleure au nord de la Méditerranée où le PIB par habitant est 14 fois plus élevé qu’au sud. A-t-il joué un rôle dans l’éclatement des printemps arabes ? Réconciliant les catégories « exit » et « voice » , Nicholas Van Hear suggère dans sa postface que ces émigrés ont d’une part, par leur défection, signé l’échec des régimes autoritaires nord-africains à donner du travail aux jeunes générations et d’autre part, via leur prise de parole dans les réseaux sociaux, semé le grain de la révolte dans l’espace social.



La dernière erreur serait de réduire les échanges migratoires à leur seule dimension Sud-Nord. Les contributions de cet ouvrage collectif évoquent des flux Sud-Sud ou Nord-Sud ignorés mais bien réels. La multiplication de ces flux contribue à brouiller les cartes. Les pays du Maghreb par exemple ne sont pas seulement des pays d’émigration, mais aussi des pays d’immigration et des pays de transit (Mehdi Alioua dénonce avec justesse l’usage de ce terme et lui préfère celui « d’étape »). Idem pour la Turquie dont on voit aujourd’hui le rôle crucial qu’elle joue – et qu’elle instrumentalise – dans le régime migratoire européen. Ils sont une terre de départ pour leurs propres ressortissants « brûleurs de frontières » et pour des étrangers qui ont fait étape, plus ou moins longtemps sur leur territoire. Mais ils doivent aussi se penser, non sans mal, comme une terre d’accueil : pour des populations d’Afrique subsaharienne ou du Moyen-Orient qui souhaitent, mais pas toujours, gagner l’Europe, pour des émigrés illégaux réadmis en vertu d’accords bilatéraux, voire pour des Européens, binationaux ou pas, à la recherche de leurs racines ou d’une retraite ensoleillée.
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Migrants, migrations

Répondre à 50 questions d'actualité en 150 pages, n'est-ce pas un peu trop ambitieux ? A mon sens, c'est le cas.



C'est un livre qui se veut facile d'accès : un condensé d'informations, de réflexions. Mais parfois, j'ai eu du mal à m'y retrouver. Les notions abordées sont complexes, et les auteurs ont réussi à bien les simplifier : je leur accorde cela. Sauf que parfois, elles mériteraient d'être explorées bien plus amplement pour que la réponse à la question soit complète, et même claire à certaines reprises. Parfois, je l'avoue humblement, j'ai été laissée sur le carreau : je n'ai pas tout saisi.



Toutefois, j'ai appris des choses, dans ce livre, qui m'ont permis d'élargir ma vision des événements : qu'est-ce qui est regroupé sous le terme de migrants, pour commencer. Les étudiants peuvent être incluent sous cette appellation, et donc "gonfler les chiffres" alors même que dans l'esprit des gens, "migrants" ne ramène pas à eux. Tout ce qui englobe les dynamique de migration également, qui se font plutôt en parallèle, contrairement à ce qu'on pense généralement : entre pays pauvres ou entre pays riches, et pas majoritairement des pays pauvres aux pays riches (type qui ne compte que pour 1/3). L'histoire des migrations, ramenant à la seconde guerre mondiale, à la guerre en Yougoslavie, etc. et le fait que la très très grande majorité des réfugiés de guerre de Syrie se trouvent dans les pays voisins (comme le Liban) et que l'Europe n'en accueille qu'une très petite partie : ces informations permettent aussi de prendre du recul par rapport à la peur d'invasion" ambiante.



En conclusion, je dirais qu'il s'agit d'un très bon livre d'introduction, pour se familiariser avec ces questions et donner envie de les approfondir. Il donne des pistes de réflexion, bien qu'il ne suffise pas, à mon sens, pour répondre de façon approfondie aux questions soulevées. Il y a donc un léger sentiment de frustration à la fin de la lecture.



Merci à Babelio et aux Editions Armand Colin.
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Migrants, migrations

Lorsque j'ai sélectionné ce livre lors du dernier masse critique de Babelio, j'y ai mis beaucoup d'attente. Je voulais que les questions soient celles que je me pose, je voulais que les réponses soient accessibles, objectives, chiffrées, documentées, analysées tout en laissant une ouverture pour ma propre interprétation. En gros je voulais des armes pour tordre le cou à certains clichés que l'ont entend ici et là, sans pour autant avoir l'impression de subir un lavage de cerveau .

Et je dois dire que le bouquin est très bien fait. Les réponses sont claires et pas trop longues, pour chacune d'entre elle nous avons le "pedigree", si je puis dire, de l'auteur (anthropologue, sociologue, politiste, économiste, géographe, historien...) et son analyse. Des parties plus historiques (notamment sur l'origine du passeport international) m'ont beaucoup intéressée également. Et si l'ont souhaite aller plus loin sur une thématique en particulier, une longue liste bibliographique est proposée.
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Migrants, migrations

Pourquoi l'Europe qui fut elle-même une terre de forte émigration à la fin du XIX ème siècle (entre 1861 et 1920, 30 millions d'européens ont émigré en Amérique du nord et du Sud, ou en Australie) se montre t-elle si frileuse à accueillir les migrants d'aujourd'hui?

Pourquoi a t-on l'impression que l'immigration augmente alors que celle-ci reste stable au niveau mondial (aux alentours de 3% depuis le début du XX ème siècle)? Immigrerait-on surtout en Europe? Non. Sur les 3,4 Millions d'immigrants en Europe, 1,2 M sont des Européens, mais ce sont les 1,4 M non européens qui affolent les médias et les politiques, particulièrement ceux venus de la zone sud de la Méditerranée et de l 'Afrique Sub-Saharienne à forte "visibilité".

Quelles sont les raisons qui poussent les pays dits"riches" à croire que toute la misère du monde se déverse sur son sol, alors que les migrations se font essentiellement à l'intérieur d'un même continent? En 2015, 38% des migrants de pays dits "pauvres" ou en voie de développement vivaient dans d'autres pays pauvres, contre 34% vivant dans des pays "développés". Et si l'on parle de réfugiés le constat est encore plus frappant. L'immense majorité d'entre eux se trouvent dans des pays pauvres, à proximité de leur pays d'origine.

L'actuel afflux de réfugiés de Syrie, d'Irak, d'Erythrée, ne fait que renvoyer l'Europe à sa situation géographique : sa proximité avec le proche et le moyen Orient, et son ancrage méditerranéen. Néanmoins c'est la Turquie, avec plus de 2,5 Millions de réfugiés syriens, qui en accueilli plus que les 28 états membres de l'UE, et sur les 1,2 M de demandes d'asile déposées en Union Européenne, seules 6% concernaient la France.

D'ailleurs de quoi parle t-on quand on parle de migrants, de réfugiés, d'immigrés, de demandeurs d'asile? Bien que la Convention de Genève ait donné une définition de la situation de réfugié, les états restent maîtres de son application et celle-ci a beaucoup varié au cours de l'histoire en raison d'enjeux politiques. Seraient considérées comme réfugiées des personnes qui migrent sous la contrainte ou pour des raisons politiques, alors que les migrants seraient des personnes qui se déplacent volontairement pour améliorer leur situation économique. En quelque sorte mourir

en prison vaudrait mieux que mourir de faim. Et qu'en est-il des personnes qui migrent en raisons de catastrophes naturelles non prévues par la Convention de Genève?

Voici quelques unes des 50 questions abordées par ce petit livre très intéressant et instructif. Les auteurs, spécialistes des questions migratoires (démographes, historiens, sociologues, politistes..) se proposent de répondre aux grandes questions que l'on se pose sur les migrations en France et au delà en essayant pas des données chiffrées et vérifiées de distinguer ce qui relève des faits et de leur analyse, de ce qui relève du discours ou des cadres politiques abordant ces mêmes questions. Le tout étant très accessible à un public à même de s'intéresser et s'interroger sur ces questions.
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