sur le toit
Vivre ce n’est pas vivre
la gorge nouée face au miroir,
sur le plancher des vaches
enceintes poussées vers l’abattoir
Vivre ce n’est pas comme
avoir toutes les nuits été rêvé
par l’immanence des oracles,
par une pucelle aux yeux délavés
J’étais né au pivot de l’automne
pour me baigner dans la fange salutaire
de l’amour et de l’amitié, puis vieillir
avec les refuzniks de tout inventaire
Me voilà nu sur le toit, un pinceau de lune
titille mon âme désossée,
ma verge témoin des joyeux naufrages,
mourir ne sera pas ma dernière pensée
*
comme si
Poésie d’un jour, papillon
docile à l’instant qui nous fige
comme l’élyme des dunes sarmates
Cœur ébloui, lèvres à vif,
clameur tentaculaire
venant couvrir le pathos
d’un macrocosme hors de portée
On rampe sur nous-mêmes,
le poing serré,
on expire une aria indigène,
une rengaine détournée
Peut-être y avait-il
autre chose,
une folie plus âpre, des blés
chantants nés de la pierre
Peut-être aurions-nous pu
entendre chuchoter les ossuaires
sous des ciels innocents
Poésie d’un jour
qui nous empoigne, nous écartèle
comme si nous étions encore
sans âme entre les mains de Dieu,
à l’unisson des cristaux
et de leur flamme bleue
*
belles heaulmières
Ainsi en prend à maints et maintes
Maintes avaient tant de mains
qu’elles auraient pu broder
la trace des voix évanouies,
ma doublure ayant repris son arc
pour des duels surannés
Maintes avaient égaré en chemin
le don des circonstances fugitives,
mais paraissaient plus glorieuses encore
que le ciel-fleuve des conquérants
où les siècles ne coulent plus
Maintes, déployées sur parchemin,
gardaient à leurs lèvres en sang
le goût et sentiment de l’aborigène,
la haine glissant vers un abîme
tapissé d’ongles et d’injures imberbes
Maintes aussi vivaient des lendemains
tripatouillés, flétris, recomposés
par deux ou trois positions illicites,
et le soleil jouait sur leur paillasse à l’aube
comme une annonce de salut