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Citation de migdal


Il entendit la messe étendu sur la dalle, entre deux tréteaux, les pieds tournés vers l'autel. Après le dernier amen, on lui donna ses habits de ladre. C'étaient des braies de tricot, une tunique de gros drap et, pour tout recouvrir, une housse noire à capuchon. Servais s'en revêtît, et le cortège se remit en marche par un frayé désert, qui, contournant le perron des Communiers, gagnait les cailloutis de l'Étang Rompu.

Là se trouvait un groupe de cabanes abandonnées. L'une, la plus proche de la forêt, allait recevoir ce vivant dont le nom, désormais, figurait aux registres abbatiaux parmi les morts de la paroisse. Servais Lubin entra. La masure, lavée à la chaux par les soins des clercs, contenait une table, un lit, un pot, un escabeau, un barillet. Sur la table, il y avait une baguette, un couteau, une lampe. Une ceinture de cuir pendait au mur. Soudain, le reclus frémit ; il venait d'apercevoir sur le lit une crécelle. Une cliquette de bois semblable à celles dont les Bouâmes accompagnaient leurs danses et leurs chansons.

Accablé, Servais Lubin s’assit.
⁃ Debout, lépreux ! ordonna le moine.

Et, criant ainsi, il lui jetait une pelletée de terre sur les pieds :

⁃ Lubin Servais, ajouta-t-il, d'une voix forte et qui couvrait les murmures de la foule et la rumeur du feuillage, au nom de Dieu, je te retranche et te défends de paraître dépouillé de ton brun chaperon. Cette maison est léproserie. Tu n'en sortiras pieds nu, ni sans que retentisse aux oreilles du passant et du voyageur cette crécelle. Aux fontaines et aux ruisseaux, tu ne lavera ni ton corps ni ton écuel!e. Tu n'entreras plus à l'église. Ton baril, que tu poseras aux portes, recevra aumônes de vin et nourriture. A ceux qui, dans le pays, t'interrogeront, tu ne répondras que sous le vent. Tu ne marcheras ni dans les chemins bordiers, ni dans les ruelles ; tu ne t’approcheras pas des enfants. Ta maison sera brûlée et tout ce que touchèrent tes mains. Cependant, Servais, frappé de Dieu, tu nous est sacré ! Que les anges te conduisent au paradis, que les martyrs t’accueillent, avec le pauvre Lazare, aux portes du ciel. Bats ta coulpe. Servais, afin que ton corps mortel ne souille point la terre chrétienne !... Requîem aeternam dona eîs. Domine... Requiescat in pace !

Les paysans, les clercs, le lépreux, répondirent d'une seule voix :
⁃ Amen !
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