Propos rapportés par Louis Gillet, fevrier 1943
J'ai été frappé par l'exemple du vieux Renoir. J'allais le voir à Cagnes. Dans les dernières années de sa vie, ce n'était qu'un paquet de douleurs. On le portait dans son fauteuil. Il y tombait comme un cadavre. Il avait les mains bandées, des doigts comme des racines, tellement tordus par la goutte qu'il était incapable de tenir un pinceau. On lui passait dans son pansement le manche d'une brosse. Les premmiers mouvements étaient si douloureux qu'ils lui arrachaient une grimace. Au bout d'une demi-heure, quand il était en train, le mort ressucitait : je n'ai jamais vu d'homme si heureux. Et je me suis promis qu'à mon tour je ne serais pas un lâche.
(extraits de "l'allongé - Une visite à Henri matisse", Candide, 24 février 1943)