AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de Manyoth


À distance
 
Reste à distance, toi
à distance
à distance
 
sans pouvoir lancer jusqu’ici la longue lance téléphonique
 
à distance
 
neutralisée
paralysée
 
Que mon nom s’efface en toi
que mes traits s’embrouillent en toi
que ma personne se dérobe en toi
 
en toi, appelant, éperdue
appelant à la cantonade
appelant des numéros faux
des numéros impossibles
des numéros qui ne répondent pas
qui ne répondent à rien
qui n’existent plus
des numéros dans des quartiers abandonnés
 
appelant toujours, folle comme la douleur d’une jambe cassée dans un déraillement
appelle, appelle, sous l’essieu qui l’écrase
qui est bien arrêté dessus
et toi aussi bien arrêtée
 
loin de moi
loin de moi qui respire ici un air parfait
un air plein de poussière
mais si pur à mes poumons soulagés
hors d’atteinte
hors d’atteinte des clous de tes doigts
des clous de tes desseins sur moi
 
Que mal entre en toi, masse idiote
flamme vineuse
 
Que mal entre en toi
troublée de fumée
éparpillant des clameurs
renversée par des buffles !
 
Braise sur ta bouche avide
braise sur tes lettres radoteuses
à grands jambages, à grands départs, à grandes écharpes !
 
Pieuvre sur tes seins trop lourds
anfractuosités sur ta joue
maillet sur tes doigts froids
maillet sur ton allant horripilant
à cent faces, à cent trappes, à cent petits fracas !
 
Machines sur toi à dévaster
à rompre
à étendre
à abattre
à affoler
machines incoercibles, infatigables
à assommer la plus assommante !
 
Tonneaux roulants sous ton front afin que tu ne dormes plus
éboulements et chantiers sous ton front afin que tu ne dormes plus
fourmis trotteuses, soucis, soucis
chars de Lilliput sous ton front afin que tu ne dormes plus
fronde tournoyante, arc tendu à tes oreilles
afin que tu n’entendes plus !
 
Hurlements dans ton cou
hurlements sur les songes qui t’applaudissent
sur les bêtas que tu ébahis
sur ta mémoire qui se délabre
sur le manchon de ton moi dorloté !
 
Que les culs-de-jatte te prennent pour trottoir
que les babouins arracheurs de rameaux te prennent pour cocotier
que ton interminable langue
devenue encore plus longue immensément étirée
serve dans les usines de courroie de transmission
serve dans les grues à haler les marchandises
serve dans le port à élinguer bailles et barriques !
 
Felouque affolée mère de nains
rire à matelots
 
à distance
à distance
à distance !
 
À distance tu gravis des monts sans fin
tu tombes dans une forêt de cordes
tu es emportée par un onagre
par un troupeau de bisons
par un rhinocéros furieux
par n’importe quoi
n’importe quoi
n’importe qui
 
passant du monde de la passion au monde de l’horreur
de l’infection
de la putréfaction
de la dissociation
 
par viduité
par bouchage
par glaciation
 
par tremblement indéfiniment répété
 
à distance
à distance
à distance
Commenter  J’apprécie          00









{* *}