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Citation de Lmargantin


Si je repense à ce village et à cette maison paternelle, je vois de l’histoire partout. L’alcool a tué mon père jeune, à cinquante ans seulement. Quand il était soûl, trente ans après la fin de la guerre, il entonnait des chants nazis avec ses camarades. Petit village, grands mariages : on buvait beaucoup aux longues tables de bois, et on entendait ces chants avinés toute la nuit. Le policier du village était roumain ; il ne comprenait rien à ces couplets qu’on chantait, mais il dodelinait en cadence. Comme ces hommes-là n’ont jamais changé d’avis, je n’ai pas pu voir dans leur période nazie un simple péché de jeunesse.
Mon père était mort depuis longtemps, et j’avais quitté la Roumanie, alors je suis allée à Coventry. Le mot inventé par Goebbels pour dire « raser une ville entière », « conventriser », était tout à fait palpable, comme la ruine de l’église qui rappelait cette dévastation. Le vent s’engouffrait entre les arbres, et moi, je revoyais ces grandes tables de bois, et j’entendais encore dans l’air, entre les arbres, les chants avinés des villageois. Des lieux dévastés comme celui-là, il y en a beaucoup, et en pareil cas je ne peux pas m’empêcher de penser que mon père m’a précédée dans tous les endroits où je vais. Que je le veuille ou non, ma famille me suit en catimini dans le monde entier ou presque. Ou bien c’est moi qui l’emmène dans ces endroits parce qu’on ne pas laisser son front à la maison. Je ne suis pas obligée de me sentir coupable pour mon père, mais je suis obligée d’y réfléchir.
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