Ce jour-là, après son propre cours, remplaçant M. Gardebois retenu par l'accouchement de sa femme, Yveline, debout devant le tableau, dictait à voix haute, en déliant les syllabes, le sujet d'une rédaction choisi par son collègue :
- La vérité de cette vie, ce n'est pas qu'on meurt, c'est qu'on meurt volé. (...)
(Puis) une main se leva : celle de Lorraine, une Martiniquaise aux cheveux multinattés, chef de classe :
- Peut-on vous demander une précision, mademoiselle? Il y a deux interprétations possibles. La première, c'est qu'on meurt volé de ce qu'on a, de ce qu'on aime, puisqu'il faut tout abandonner...
- C'est juste, mais le roman nous montre qu'il y a pire. Dis voir la seconde...
- La seconde, c'est qu'on meurt volé de ce qu'on aurait dû avoir et qu'on n'a pas eu.
- Et c'est plus grave, dit Yveline, parce que les déshérités sont légion à n'avoir rien reçu en fait de biens, de joies, de santé, de beauté, d'instruction, de tendresse ou d'amour. Va, Lorraine! C'est toute la question.