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Citation de lesptitchats


L’officier chargé du briefing, nous expliqua notre mission. Il s'agissait de bombarder la petite ville de Royan, dans les environs de Bordeaux. (J'appris après la guerre qu'il s'agissait d'une petite station balnéaire où Picasso avait ses habitudes.) Nous nous regardâmes interloqués. Une mission en France? Pourtant, nos armées avaient déjà libéré la France? Pourtant, nos armées avaient déjà libéré la France et se trouvaient désormais en Allemagne.
On nous apprit que quelques milliers de soldats allemands s'étaient retranchés dans Royan pour y attendre la fin de la guerre et que nous devions les en déloger. En outre, nous ne transportions pas nos douze bombes habituelles (une fois en territoire ennemi, le bombardier devait ramper dans la soute de l'avion pour y armer les bombes afin qu'elles puissent faire leur travail de destruction). Non, cette fois-ci, il y aurait dans nos soutes quelques choses de bien différent : trente récipients de cinquante kilos contenant tous de l'"essence gélifiée" -sorte de feu visqueux. Ils n'employèrent pas le terme mais je compris bien après la guerre qu'il s'agissait d'une des premières utilisations du napalm.
C'est ainsi que nous avons exterminé non seulement ces soldats allemands (douze forteresses volantes pour bombarder quelques milliers de soldats!) mais aussi les habitants de Royan. Après la guerre, je suis tombé sur la dépêche rédigée par le correspondant du New York Times : "Quelques trois cent cinquante civils hébétés ou blessés [...] ont réussi à s'extraire des ruines et ont déclaré que ces attaques aériennes leur avaient paru "une expérience infernale dépassant l'imagination"."
A l'altitude à laquelle nous bombardions -ente sept mille cinq cent et neuf mille mètres -, nous ne pouvions ni entendre, ne voir quoi que ce fût, et encore moins le sang versé ou les membres arrachés. Je ne me souviens que des récipients qui s'enflammaient, comme des allumettes, l'un après l'autre, en heurtant le sol qui défilait en dessous de nous. Du haut du ciel, je me contentais de "faire mon boulot". Éternelle excuse des soldats qui commettent des atrocités.
La guerre devait prendre fin trois semaine plus tard. Je n'ai entendu personne douter de la nécessité de ce raid aérien sur Royan. Moi-même, je ne l'ai pas fait. Ce matin-là, il ne me serait pas venu à l'idée de me lever pendant le briefing pour demander pourquoi nous devions encore tuer alors que la guerre touchait à sa fin.
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