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Citation de enkidu_


James était membre d'un mouvement réunissant les hommes d'affaires, les politiciens et les intellectuels éminents qui avaient fondé la Ligue anti-impérialiste en 1898 et mené une longue campagne pour sensibiliser les Américains aux horreurs de la guerre des Philippines et aux méfaits de l'impérialisme. Il s'agissait d'un mouvement étrange (Andrew Carnegie en faisait partie) , qui rassemblait des aristocrates ennemis du mouvement ouvrier et des intellectuels, unis dans une condamnation morale de ce que l'on faisait subir aux Philippins au nom de la liberté. Quelles que fussent leurs divergences sur d'autres questions, ils tombaient tous d'accord avec James lorsqu'il s'emportait : « Dieu maudisse les États-Unis pour leur misérable conduite aux Philippines. »

La Ligue anti-impérialiste publia des lettres de soldats faisant leur service aux Philippines. Un capitaine originaire du Kansas écrivait : « La ville de Caloocan était censée abriter dix-sept mille habitants. Le 20" du Kansas est passé par là et maintenant il n'y a plus âme qui vive à Caloocan. » Un simple soldat du même régiment affirma : « J'ai mis moi-même le feu à plus de cinquante maisons de Philippins après la victoire de Caloocan. Des femmes et des enfants ont été victimes de nos incendies. »

Un volontaire de l'État de Washington écrivit pour sa part que « notre esprit combatif était au plus haut et nous voulions tous tuer du "nègre". [...] On les a tirés comme des lapins. »

C'était une époque de racisme intense aux États-Unis. Entre 1889 et 1903, deux Noirs, en moyenne, étaient assassinés chaque semaine (pendus, brûlés vifs ou mutilés) . Les Philippins avaient la peau sombre, p résentaient des caractéristiques physiques spécifiques, parlaient un drôle de langage et semblaient étranges aux yeux des Américains. À la brutalité aveugle habituelle de la guerre venait donc s'ajouter le facteur de l'hostilité raciale.

En novembre 1901, le correspondant du Ledger de Philadelphie à Manille rapportait : « La guerre actuelle n'est pas une guerre d'opérette menée en gants blancs. Nos hommes ont été impitoyables. Ils ont tué pour exterminer hommes, femmes, enfants, prisonniers et otages, rebelles avérés et individus suspects de plus de dix ans. Lidée qui a prévalu est qu'un Philippin en tant que tel n'a pas plus de valeur qu'un chien. [...] Nos soldats ont fait ingurgiter de l'eau salée à des individus pour les faire parler. Ils ont également fait prisonniers des individus qui se rendaient pacifiquement, les mains en l'air, et une heure plus tard, sans un atome de preuve qu'il s'agissait bien là d'insurgés, les ont emmenés sur un pont et les ont abattus les u ns après les autres. Pour finir, ils les ont jetés dans la rivière, les laissant aller au fil du courant afin qu'ils servent d'exemple à ceux qui découvriraient leurs corps criblés de plomb. »

Un général américain en poste dans le sud de Luson déclarait, de retour aux États-Unis au début de 1901 : « Un sixième des indigènes de Luson ont été tués ou sont morts de la fièvre au cours de ces dernières années. Les décès par exécution ont été très nombreux mais je pense que toutes ces morts ont été nécessaires à la poursuite de nos objectifs de guerre. Il était nécessaire d'adopter ce que dans d'autres pays on aurait pu qualifier de mesures cruelles. »

Le secrétaire à la Guerre, Elihu Root, dut se défendre contre des accusations de barbarie : « La guerre aux Philippines a été menée par les armées américaines selon les règles les plus scrupuleuses de la guerre civilisée, [...] en faisant preuve de pondération et d'une humanité jamais égalée. » (pp. 360-361)
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