Hubert Hervé

TOUT RENNES COURT

Un vrai crachin breton ! Le pavé humide luit et glisse Beaucoup ont enfilé un blouson imperméable, certains même arborent un sac poubelle bricolé pour faire office de protection de fortune. Le départ des dix kilomètres dans les rues de la ville sera donné dans quelques instants, mais déjà les semi-marathoniens qui partiront à onze heures s'échauffent. Ils sont parfois venus de loin. De tous les départements bretons et bien au-delà. "Tout Rennes court" est maintenant une référence chez les amateurs de foulées de l'endurance.
Ils sont des milliers formant dès le matin des grappes multicolores. Du mail au Blosne jusqu'aux portes de Cesson ou sur les pelouses de Villejean, des centaines de voitures, coffres levés, sont garées un peu pêle-mêle offrant aux familles des coureurs un abri sommaire dans l'attente du départ.

Lucas et Lisa sont déja en marche, continuant à parler, comme pour signifier aux autres de manière inconsciente qu'ils souhaitent rentrer sans eux La discussion a glisse maintenant sur les auteurs contemporains. Lisa explique qu'elle vient de découvrir Patrick Modiano et tente de faire partager les émotions et sentiments que lui procure la lecture de cet auteur.
- Tu connais Le Clézio?
- J'ai essayé, mais je n'accroche pas. C'est trop onirique.
- Ses premiers romans, oui, mais depuis Désert, l'est moins, essaie encore.
- Oui, peut-étre...

Elle est incapable de faire autre chose que d’arpenter les pièces de sa maison et de penser à ce type qu’elle a désigné comme étant son voleur de vélo. Il s’agit bien plus que du vol d’un vieux clou. Par sa dénonciation, elle a peut être condamné un innocent. Elle, la militante pacifiste, elle qui avait tant de fois fustigé la justice bourgeoise, voilà qu’elle y collabore ! Mais si ce type est vraiment un assassin il faut l’arrêter et le juger.

Il fait un pas, le bateau abat et prend une brusque gite qui déséquilibre le bonhomme et le projette vers l’avant.
- Bordel, touche pas à cette…
Il tente de s’agripper au hauban bâbord, mais il glisse sur la toile trempée du foc et ses jambes heurtent le filin de la toile de protection. Ses souliers de caoutchouc glissent sur le pont et il bascule d’un coup tombant dans l’eau grise perlée de milliers de gouttes de pluie.

L’assassin de Patricia a mis son meurtre en scène. Il ne s’est pas contenté de la tuer et de fuir en effaçant les traces. Il l’a conduite au bord de la mer, l’a installée au volant de sa voiture avant de s’enfuir à vélo. Un assassin qui met en scène ses crimes n’est pas un assassin ordinaire.

Ce que l'on appelle notre liberté se révèle être souvent une tromperie. On croit l'avoir gagnée mais il s'agit d'un ernfermement qui a pris son apparence et c'est longtemps aprés son choix de vie que l'on a conscience de s'être engagé dans une impasse. Alors, il est trop tard.

Vendredi 4 août 1944,

7H15 Il fait déjà très chaud, la journée sera longue et difficile. Dans le moindre village, on n'entend plus parler que de l'avancée alliée et du départ des boches que l'on nommait encore les Allemands, seulement quelques jours auparavant.

Le printemps peine à s’installer et ce soir Boris a bien envie d’un feu de cheminée, sans doute le dernier de la saison. Il aspire à une ambiance douillette devant un ou deux films accompagnés d’un armagnac.

Tu sais comme moi que les meurtres sont très souvent commis par des intimes qui ont eu des liens très forts avec la victime. ll ya peu entre l'amour et la haine et celle-ci est un puissant mobile.

Alice a son billet pour le concert d'Arno. Frédéric n'a pas pensé un instant que d'accompagner Alice au concert du crooner à la voix brisée pourrait être l'occasion de lui faire un cadeau. Elle aime le tendre et déjanté chanteur Belge son art d'amener l'émotion en mariant accordéon, guitare, synthé et accents gentiment rocailleux et caressants. Un poète de la chanson, fou, bouleversant, généreux et profondément humain, qu elle aurait aimé partager avec Frédéric.