Peine perdue. Je savais qu'elle ne pouvait pas tourner la tête. Ainsi, il ne resta plus devant moi que le petit homme. Etrangement, il me semblait le connaître. Je hâtai le pas sans courir pour autant, comme si la chose eût été interdite. Lui aussi hâta le pas. Alors, j'hésitai. De même, l'autre hésita comme un reflet dans le miroir. Sans y prendre garde, je portai la main à ma tempe. L'autre fit de même. Nous étions déjà très proches quand enfin, je me reconnus sous les traits de l'autre et me demandai - la sueur me perlait au front - ce qu'il adviendrait quand, pour de bon, reflet et réalité se rejoindraient ?
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Stupéfaits nous nous regardions. Je ne peut me rappeler ce qui m'étonnait le plus : son apparition soudaine, l'étrange expression somnambulesque de ses yeux, qui semblaient plus grand que d'habitude, ou sa féminité presque excessive quand elle apparut pieds nus dans sa trop courte chemise de nuit, ses épaules recouvertes d'une écharpe qui cachait qu'à moitié son sein débordant d'un côté. 'Ca va ? je demandai , 'tu ne te sens pas bien ? Ne reste pas dans le froid. Viens t'asseoir près du poële. 'Non' répondit-elle comme absente, 'ne te donne pas de peine'.
Cette nuit là, elle ne s'est pas revêtue. Elle était assoupie, sa bouche légèrement ouverte, dévoilant ses jolies dents blanches et respirait régulièrement, sa main droite, ses doigts écartés sur son sein, comme percevant les battements régulier de son cœur. C'était un sommeil léger. Quand le carillon se remit à jouer, elle ouvrit les yeux et s'agrippa à moi.
'La carillon', soupira t'elle, 'entends-tu comme le son est pur ?'.
Nous nous embrassions avec tant de passions, que nous ne remarquions pas que le carillon ne semblait plus vouloir s'arrêter. Je regardai ma montre. 'Une heure vingt. Je n'y comprenais rien. Je n'avais jamais vécu ça'.
Voulant savoir j'allai vers la fenêtre ouverte et Simone vint pieds nus à moitié endormie me rejoindre.
J'ouvris la porte de la salle d'attente.
Elle me regardait droit dans les yeux et souriait, sure d'elle même. A tour de rôle les autres patientes la regardaient, me regardaient. , pas complètement à l'aise par la présence de quelqu'un, qui n'appartenait pas à leur milieu, malgré qu'elle avait fait des efforts en s'habillant de façon la plus simple avec sa longue jupe foncée, sa blouse à carreaux et ses sandales à talons plats qui dévoilaient ses orteils vernis.
'Le prochain' je dis très brièvement.
'Tu ne peut t'imaginer le plaisir que j'ai de te rencontrer' dis-je, en serrant sa main un peu froide, et je le pensais vraiment, en cherchant la clé dans ma poche.
'Ne fais pas attention au désordre en haut' ajoutai-je, je suis un solitaire.
Elle portait une jolie jupe, dessinée de grandes fleurs sur fond noir et en dessous des sandales pieds nus, en cuir avec de très hauts talons, si fins que je ne comprenais pas comment elle pouvait garder son équilibre.
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Pourtant tu devrais aisément pouvoir te représenter un quartier populaire un dimanche après-midi d'été, non : des fillettes pieds nus qui jouent à la marelle, des femmes devant la porte de leur maison, les hommes, les mains dans les poches qui regardent les pigeons, puis tout le monde qui connait tout le monde.