La cécité est loin d'être telle que le supposent les voyants et de se borner à un voile noir, opaque et uniforme. En réalité, il n'y a pas une mais des cécités. Certains aveugles distinguent les couleurs, les ombres, les mouvements. D'autres aperçoivent une tête d'épingle au bout d'un tunnel sombre. Gabriel, quant à lui, est immergé dans un brouillard gris nuancé de blanc, parsemé de lumières éblouissantes en mouvement constant, comme s'il se tenait à la frontière d'une autre dimension d'où il ne savait revenir, et ne perçoit du monde qu'une forêt de masses informes dont seuls les sons lui rappellent que, jadis, il voyait. Si ce mur brumeux l'isole de la beauté, Gabriel reste à l'affût de tout le reste.