Emprunter les sentiers des pensées en exil,
Marcher à contre jour,
Juste un instant,
Juste le temps de poser un sourire sur notre ombre,
Puis reprendre sa route
Avec ses souvenirs polis comme des pierres
Percevoir le chant de la terre
Marcher jusqu’à la faille énigmatique du silence.
L’été siphonnait l’eau des sources
Et volait un à un les miroirs d’eau perdue
Entre les bras des fleuves
Tassées le long des rives
Des ombres aux pieds de plomb
Cherchaient refuge sous les arbres.
Nul n’aurait osé dire où finissait la Terre
Où commençait le ciel.
Une lumière liquide,
Jaune et funeste
Réduisait l’horizon à une incertitude.
Le regard. Et ce vent qui soufflait sur la cendre. Tout était là. Dans les pudiques
couleurs du silence ouvertes sur le vertige de l’inconnu.
Je recueillais les mots éphémères qui un à un germaient sur des terres improbables
peuplées d’invisibles présences et qui se déposaient au gré des feuilles blanches où le
vent les faisait tournoyer.
Au frôlement de l’ombre, ils devenaient oiseaux de cendre, renaissant des brasiers de
l’oubli d’où s’échappaient, brillantes dans le noir, les fulgurantes étoiles du souvenir.
Extrait 6
Il faudrait aller au matin
Sur les hautes terres qui longent la falaise.
Juste avant que ne s’ouvrent les fleurs.
Les pensées s’y allègent.
Surtout le ciel y est plus grand
Comme à portée de main.
Enchantement de l’ombre où se pose le jour !
Quand le matin ouvre sa porte
Sur la brume
Vouée à l’éternelle errance.
Dès le premier soleil l’aurore
Succombe aux apparences
Et se livre à des jeux de hasard.
Extrait 4
La rouille du soir consume les crêtes.
Sur le versant de terre et de cendre
On ne perçoit plus que ce geste de la main
Vers le plus haut sommet
Comme pour retarder le lent déclin du jour
Et ce rien
Qui invite au silence.
Immensité suprême devant laquelle infimes, misérables
Nous tombons à genoux.
Le crépuscule est un aveu.
L’humilité y a toujours le dernier mot.
Extrait 5
Incertitude du ciel.
Azur taché de gris ou gris troué de bleu ?
À scruter ces nuages plus lourds que la pierre
On pourrait se laisser surprendre par la pluie.
Pourtant le bleu persiste.
Un défi.
Extrait 7
C’était près du volcan dans la forêt brûlée.
Le tracé des chemins se perdait sous la cendre.
Nous marchions dans un désordre de broussailles
Aux lueurs de brasier.
Entre les branches l’horizon
Surpris
Parfois nous regardait.
Puis l’ombre de la pluie a voilé la montagne
Et la nuit est tombée sur un ciel encore rouge
Des blessures du jour.
Calligraphie du givre
Toi. Partout et nulle part.
Ma main te cherche dans la paix du matin.
Le givre écrit sur la vitre
des lettres de cristal que viendra brûler
le premier soleil
dans l’indifférence insolente du Jour.
Extrait 2
L’aube.
Toujours.
À demi-mots.
Légère comme un oiseau au premier chant du jour.
Sa discrétion.
Sa clarté vaporeuse dans le froid de la nuit.
Aux abords du torrent
L’iris.
Le velours de sa chair
Sature nos pupilles avides de bleu.
Un pas de plus et l’on pourrait sombrer
Tel un papillon ivre de couleur
Dans ce bleu délectable
Qui puise son parfum au milieu de l’enfance.
Qui sait, peut-être en ce jardin perdu
Où des iris en sentinelles
Contenaient la beauté frémissante des roses ?
Les jours couraient devant nous.
Nous étions immortels.
Le temps a emporté les iris et les roses
Violé les jardins et vidé les enclos
Ne Laissant au regard que parcelles d’absence
Cernées de cendres noires.
Un homme sans visage est assis dans le soir.
Sa longue silhouette se mélange à la nuit.
Un homme-paysage
Qui ne craint plus le vent
Ni le froid
Ni la pluie
Personne ne le voit.
Seul un chien efflanqué semble veiller sur lui.
Des mots en dispersion…
Des mots en dispersion
errent sur la page,
se dérobent, s’absentent,
laissant autour d’eux
de grands vides.
Le poète préfère parfois le silence
de peur que les mots ne brûlent le papier.