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Citation de Angele


Dans la vraie vie, rien ne répond aux codes de la littérature et du cinéma, les seuls dont on dispose.

Nous voilà déconnectés de ce que nous avons toujours été. Un nouvel exil, loin de la mère partie.

Ce compte à rebours-là ne place le départ sur aucun curseur : on sait où on va, mais on ignore où on en est. […], si on en a pour trois semaines ou trois jours.

Ce dont maman a mis un soin rigoureux à nous protéger comme elle-même n'avait pas pu l'être est arrivé. Je ne concevais ce moment que comme une plongée dans une épouvante sans fond. Il faudrait toujours affronter ce dont on a le plus peur. C'est alors qu'on s'aperçoit qu'il n'y avait pas de quoi ressentir une telle terreur.

Ne plus voir quelqu'un, perdre son regard, c'est ça la mort.

Que dire lorsque disparaît quelqu'un qui nous a connus toute notre vie ? Qu'elle emporte avec elle un petit peu de chacun d'entre nous.

J'enfermerais sans ménagement, à l'intérieur de moi, ma double hurlante, bouclée, prisonnière et me ravageant les entrailles comme le renardeau que le jeune Spartiate cacha sous sa toge.

Cette horripilante habitude peut être constatée par quiconque se déplace en compagnie d'une vieille personne. Il me parle, je me tourne vers elle et j'attends qu'elle réponde. Mais elle, humiliée, me fait signe de parler à sa place.

Le plaisir se partage, la douleur s'additionne.

L'impuissance pousse à prendre des décisions totalement irréalistes.

Ce qui change quand on est vieux, c'est que si un matin on a mal quelque part, on sait que c'est pour toujours, que cette douleur-là ne partira plus jamais.
La vieillesse se paye cash, au quotidien.

C'est bête, hein, l'émotion, ça vient vous cueillir au moment inattendu, quand l'esprit est ailleurs, dans les dates, les plannings et tout ça…

Au nom de quoi ai-je refusé ? Elle, elle m'a donné sans compter quand j'avais besoin. Parce qu'elle est ma mère. Moi pas. Parce que je suis la fille. Et que la vie est comme ça; Ley de vida. Un brin dégueulasse, et je n'ai pas le beau rôle.

La petite étincelle que nous tentons de préserver comme si elle pouvait durer n'est plus que le pâle reflet du feu d'artifice qu'elle a été pour nous.
Ces jours-là, on ne peut que penser à sa disparition. En retrouvant l'extérieur, la circulation, les boutiques, les gens, on se demande comment il possible que la vie normale continue pour les autres gens. Que nous soyons les seuls à ressentir cet écroulement permanent.

Les thérapeutes pleines de bonne volonté, qui commencent par lui poser des questions anodines, ont-elles conscience une seule seconde que les interrogatoires de police ne commencent pas différemment ?
Quand on doit réaffirmer les principes évidents par voie d'affichage, c'est justement qu'ils n'ont rien d'évident.

Comment être sûrs que nous faisons le mieux pour elle ? Il n'y a pas de bonne solution. Seulement le choix entre deux cauchemars.

Mais comment ils t'ont attifée, maman, heureusement que la vraie toi n'est plus là tout le temps, on n'aurait pas fini de t'entendre râler, toi qui aimais tant être impeccable.

Un si petit rêve, si absolument hors d'atteinte.

(Dans les hôpitaux) Quand on pose des questions, les uns ne savent pas, les autres ne sont pas disponibles. Le jour où le cursus universitaire de la gent médicale sera doté d'une formation à l'échange entre humains appelé parole, la vie des hôpitaux se couvrira de pétales roses.

Article I : "Toute personne âgée dépendante garde la liberté de choisir son mode de vie". Son mode de vie, oui, mais dans des limites décentes. Pas ses horaires de repas, ni l'endroit où elle les prend. En volapük, ça s'appelle de la socialisation. En français, du cynisme.

Tout est en train de changer. L'enfance meurt avec ceux qui en furent les témoins.

Nous avons tendance à voir nos parents plus solides qu'ils ne le sont. Ils gardent à nos yeux la figure de géants qu'ils eurent autrefois quand on leur arrivait aux genoux.

Comment ai-je pu être aussi optimiste ? Aussi aveugle, encore une fois dans le déni, pour voir non pas la réalité, mais seulement mon désir à moi.
Une fois encore les aiguilles, les hématomes, les pilules, les moniteurs, l'angoisse, la solitude. Une fois encore brinquebalée, analysée, bombardée sans aucune certitude quant au résultat, juste l'acharnement qu'aujourd'hui on considère comme la seule réponse à l'angoisse ultime. Que convient-il de faire ? Se donner bonne conscience en essayant tout jusqu'à ce qu'elle implose de souffrance ? La garder respirante et amoindrie pour le seul soulagement de pouvoir dire : oui, j'ai encore ma mère ? Grignoter quoi ? Quel répit ? Pour qui ? Dans quelles conditions ? Assumer que quoi que nous fassions, nous allons la perdre et qu'au point où nous en sommes, tout sursis implique plus de douleur que de bonheur ?

Devons-nous la forcer à vivre ou l'aider à mourir ? L'amour véritable ne consiste-t-il pas à faire passer les besoins de l'autre avant les siens propres ? La situation implique beaucoup plus de questions que de réponses. Des réponses, il n'y en a pas.

Maman, je pense à toi et ça me fait souffrir. Je ne pense pas à toi et j'ai l'impression de te trahir.

Tu as fini par nous quitter. Et je m'en veux d'avoir pu parfois penser, même si c'était vrai, que le plus tôt serait le mieux. Epuisée, impuissante, à bout de force de te voir ainsi tirer sur la corde.

On devient adulte, paraît-il, quand on comprend que ses parents ne sont ni des héros, ni des géants, mais des humains émouvants par leur banalité même.
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