La terre et la mer fournissent des sensations diverses, procurent chacune une expérience totalement différente et difficilement comparable. L’une ancre le corps, l’autre, plus subtile, le prend tout entier en son sein. La terre offre tout, la mer, rien, ce qui, au bout de quelque rêve, revient peut-être presque au même.
En ce qui concerne l’appartenance québécoise, elle semble aller de soi, puisqu’on sait ce qu’est la littérature du Québec, les oeuvres qui la composent. Il n’y a qu’à consulter les manuels et les anthologies, les noms sont là. Comment une oeuvre qui a été écrite en grande partie au Québec, qui a été publiée et couronnée au Québec – je pense évidemment au Prix de la revue Études françaises – pourrait-elle être exclue de la littérature québécoise ? On observera sans doute que Garcia n’est pas né au Québec, qu’il n’a fait qu’une partie de ses études à Montréal, dans un collège anglophone, et qu’aussitôt publié son premier recueil à l’Hexagone, il est passé en France et n’est jamais revenu au Québec, sauf par poèmes interposés.
Au coucher une lune presque pleine. un visage qui s'élève d'entre les morts. Le visage du nouveau-né empreint d'une nouvelle vie d'avant la vie, comme une fleur opaque ouverte sur l'éternité. Le cargo glisse sous son regard profond, bienveillant. Au bord du visible.
Lorsque je tiens entre les mains un livre qui me parle, je sens qu’il me travaille autant que l’écrivain qui l’a composé. Les pensées se répercutent en moi, affectent mes cellules, sans parler des ramifications qui naissent dans mes rêves. Ou mes cauchemars.
Redescendue à la cabine, je me mets à lire et à rêvasser. Ce voyage en mer me délestera. Comme tous ces émigrants embarqués pour l'Amérique, je me déferai de certitudes, me déchargerai du monde. Comme eux, je quitte une terre pour aller vers une autre.
Il me faut avancer dans la vie comme le fait l’écriture : en me dépouillant et en trouvant, retrouvant plutôt, l’espace où le corps se dénoue, et où les mots émergent. Une échappée vers la lumière qui a son envers. Un envers arrivant avant la lumière mais la rendant possible. Non : un seuil, où tout peut basculer d’un côté comme de l’autre.
L’écriture exige patience et humilité. Une avancée vers le renoncement. Mouvement las des épaules mais aussi détachement, ouverture à tous les possibles. Que ma joie demeure.