Tu quittes tes rivages,
franchis l’enfance du gué.
Tu perds de vue la berge
mais s’ouvre large
l’horizon des pas
en liberté.
Confinement
La ville
en arrêt,
comme chien de chasse
renifle la proie cachée,
tout se tait.
Attente traversée de l’humeur vagabonde
des oiseaux sémaphores
Qui relie l’homme mis à terre
au langage oublié du ciel.
Jour à jour
les mots s’exercent,
nouent les fils,
bouquets d’ondes
bienveillants
tandis que pleure
le Monde
sur l’épaule de ce mal élagueur
de nos arbres de vie.
Désormais, tu marches
sans appui.
Des arbres écartés du chemin
tu ne feras ni feu ni canne.
Dans l'attrait de l'étoile
ne brille aucun berger.
Du pain mâché,
tu ne gardes plus provision
de parole.
Seule compte la coupe
d'eau vive que tu offres
à la soif de tes jours.
Quel regard l'enfant tapi en moi portera-t-il
sur la nappe à carreaux du pique-nique de sa vie ?
Que verra-t-il au fond du panier
à même le sol où gisent les restes de ce qui
fut fraîcheur et source au temps de la marche ?
Quel vent retroussera la chevelure
éprouvée par les ans ?
De quel rire accueillera-t-il la chute des écorces
et la repousse des bourgeons ?
A quelle hauteur sa vue se posera-t-elle quand
viendra le dernier vol ?
Que trouvera-t-il dans la gueule du petit chien qui
toujours rôde :
la branche morte des illusions ou la balle
bondissante des amours partagées ?
Curieux, le soleil
s'est fait de l'ombre
pour mieux voir
la lumière.
Tu es ma liberté,
mon espace, mon chant,
mon ressac profond
en l'intime secret
des plages consentantes.
Tu es la trace,
le pas qui côtoie l'autre pas,
le chemin qui avance
vers l'ardente chaleur,
la force de la soif,
l'apaisement du vent.
Tu es ma liberté,
baiser qui ouvre
et en appelle au monde.
Jambes croisées
au-dessus du néant,
Dieu se cure les dents,
indifférent aux slogans
dont l'affuble
le commerce des religions.
Lent, si lent
l'arbre s'est dépouillé sous le regard accru
noir, si noir sur le parloir des branches
se dé-tache l'oiseau
une note, une seule
blanche, si blanche
un cri nu
têtu
comme l'enfance désertée...
Cette blessure encore
à la fenêtre de l'enfance
qui toujours claque
au vent de l'abandon.
Elle ouvre le ventre gris
du ciel.
Un couteau entre les dents,
elle fouille les entrailles
pour en extraire
ce qui pourrait encore rester
de Dieu.