"Comment comprendre son histoire familiale sans la connaissance du passé?"
Moi qui aime tant la douceur et prendre le temps d’apprécier chaque instant… Vivre au rythme des saisons, s’émerveiller de chaque étape de la nature qu’elle soit en bourgeon, épanouie, en sommeil, admirer ses multiples couleurs que ce soit les feuillages, le ciel ou la terre.
Et, toujours comme Miró, je ressens au plus profond de ma chair et de mon âme « la musique qui émane des fleurs minuscules », l’infinie poésie des pétales douces et délicates comme de la mousseline de soie, des bourgeons fragiles, des gouttes d’eau gelées, des feuilles mortes multicolores [...]
Quand la vieille femme parlait de lui, elle avait les yeux qui brillaient.
Elle raconta qu’elle l’avait connu à la Libération et elle était très admirative de ce qu’il avait pu faire pendant la guerre. Elle narra quelques anecdotes et Rachel sentait bien que c’était cet amour-là qui la faisait tenir encore et lui donnait envie de perpétuer la mémoire de son époux. Cela la rendit un peu triste car elle se dit qu’elle n’avait jamais connu ça pour quelqu’un et qu’elle ne le connaîtrait peut-être jamais.
J’aime cette impression d’intemporalité lorsque je me promène en forêt, au bord de la mer, ce retour aux sources primitif et vital. Dans ces moments-là, je ne suis plus qu’une femme issue d’une lignée d’hommes et de femmes, un être de sang, d’eau et d’air, immuable, éternel et mortel, sans identité, transmettant le fl ambeau de ses connaissances, émotions, histoires aux futures générations.
Des êtres de chair et de sang, des sentiments, des souffrances et des joies… Des vies… Des histoires et des guerres… Des souvenirs… En découvrant ce passé, Rachel ne s’était jamais aussi sentie aussi ancrée dans la vie. Restait l’avenir. Que lui réservait-il? Il ne tenait qu’à elle de se laisser porter…
Peut-être n’aurait-elle pas été sensible à ce récit avant… Avant. Avant quoi exactement ? Avant tous ces souvenirs surgis du passé, avant la découverte de cette région, avant d’être touchée par les alvéoles d’un chardon, la délicatesse d’une rose, le blé en herbe et le gazouillis d’un ruisseau.
Les hommes sont fous. Et, quand ils agissent en groupe, ils sont pires que des bêtes. Heureusement, je ne participe pas aux interrogatoires. J’en serai bien incapable tant j’ai de l’empathie pour ceux qu’on arrête. Je ne devrais pas dire cela mais cette cruauté me révolte tant et…
La tendresse, le respect, la sérénité. Rachel avait l’impression d’avoir perdu son temps durant des années pour des chimères. À présent, elle se sentait enfin à sa place.
Jamais elle n’avait imaginé sa famille cacher tant de secrets et sa mère tant de souffrance. Les fils étaient dénoués, elle trouvait enfin presque toutes les réponses.