J.E. Birk

— Gabriel, au point où nous en sommes, nous pouvons tout aussi bien annoncer que ce soir sera la prochaine grande comédie romantique de l’année et commencer à planifier le moment du tour de grande roue pendant lequel nous commencerons à nous peloter. Devrions-nous attendre le sommet, ou commencer alors qu’elle continue de monter ? Je veux dire, il y a quelque chose à propos de la montée qui crée de la tension, mais c’est tout aussi intéressant d’attendre un point culminant avant que nous…
  À cet instant, il se penche vers moi et plaque ses lèvres sur les miennes.
Peut-être est-ce parce que je n’ai embrassé personne depuis très longtemps, mais le baiser me semble énorme. Total. Ses lèvres glissent d’avant en arrière sur les miennes tandis que nos langues voyagent ensemble et explorent. Je le rapproche de moi, l’enveloppe de mes bras et les noue ensemble. Je continue à m’attendre un peu à cette scène de comédie romantique où nous perdrions le contrôle et commencerions à tournoyer et la foule nous entourerait en applaudissant notre baiser. Mais quand j’arrache finalement mon visage du sien, le carnaval entier continue autour de nous comme si de rien n’était. Personne n’a même remarqué que je viens officiellement de quitter le monde du célibat dans lequel je vis depuis si longtemps.

Gabriel a englouti la moitié de son assiette quand il brise le tabou qui vole au-dessus de nos têtes.
— Je devrais peut-être te le dire, dit-il, que le Syndrome de Stress Post-Traumatique n’est pas quelque chose de nouveau pour moi.
  — C’est ce que je me suis dit. Tu as déjà dit que tu avais de l’expérience là-dedans.
  Il hésite.
— Oui. Une expérience personnelle.
  D’une certaine manière, je l’avais compris également. Je ne suis pas certain que quiconque sorte de l’armée sans avoir acquis une expérience personnelle du Syndrome de Stress Post-Traumatique. Mais je le laisse poursuivre.
— Tu as dit que ce qui s’est passé était la pire chose qui te soit arrivée.
  — Eh bien, dis-je. Oui.
Évidemment. Et certainement pas uniquement pour moi.
— La pire chose qui me soit arrivée s’est produite lors de mon deuxième déploiement en Irak. Beaucoup de mauvaises choses s’étaient produites lors du premier, mais le deuxième…

— Inspiration… expiration… murmuré-je désespérément à moi-même, sans savoir ni me soucier si quelqu’un m’entend.
Tout ce qui compte, c’est de ramener l’oxygène dans mon corps.
Tout ce qui compte, c’est de faire cesser les cris.
Au bout d’un moment, les cris se dissipent et je commence à retrouver une respiration stable. J’ouvre les yeux et trouve une foule de spectateurs aux yeux écarquillés et la moitié du personnel du Musée des sciences debout autour de moi.
— Monsieur ? dit une petite femme avec une coupe de cheveux au carré. Qui pouvons-nous appeler ?