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Critiques de J.M. DeMatteis (72)
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Spider-Man, tome 4 : La dernière chasse de Kr..

Ça faisait un moment que je voulais lire ce récit de Spiderman considéré comme un must-have. Eh bien on peut dire que la préface ne ment pas : c’est très sombre, peut-être ce que j’ai lu de plus sombre en comics.



Pourtant Kraven est en général assez cool dans son genre chasseur mégalo voulant réaliser son chef d’œuvre en capturant le plus dangereux animal de la planète : Spiderman. Ici je ne le reconnais plus. De fait, je ne reconnais les caractères d’aucun personnage. Kraven, Spiderman Mary-Jane prennent un aspect schizophrène flippant. Leur personnalité principale est doublée d’une seconde voix plus ou moins inconsciente qui exprime toutes les peurs et les angoisses du personnage. La voix principale parle en haut de chaque case, alors qu’en bas une inquiétude voire une panique s’exprime. On découvre un Peter Parker qui a peur d’échouer, une Mary-Jane qui a peur de perdre son mari et un Kraven devenu psychopathe à moitié dingue qui « tue » sa proie et cherche à la remplacer, à se fondre en elle.

La couverture montre ce qu’il fait subir à Spiderman. Kill Bill vol.2 le retour. Le pauvre super-héros n’est pas à la fête.



Un récit impressionnant, très angoissant, absolument pas fun.



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Moonshadow

Ce tome comprend les 12 épisodes de la maxisérie parue de 1985 à 1987, ainsi que "Farewell, Moonshadow" paru en 1997.



Moonshadow, un vieil homme (plus de cent ans) écrit ses mémoires et s'adresse parfois directement au lecteur. Il s'intéresse plus précisément à ce qui lui est arrivé après ses 15 ans, jusqu'à ses 17 ans. Il est le fruit de l'union de Sheila Fay Bernbaum et d'un représentant de la race extraterrestre de G'I Doses (des sortes de sphères lumineuses dont les actes sont totalement arbitraires). Cette race collectionne les spécimens des espèces vivant dans l'univers et les rassemble dans un zoo où chaque individu a droit à son dôme. Pour son quinzième anniversaire, son père l'expulse du zoo en compagnie d'Ira (un humanoïde couvert de poils comme un ours en peluche avec un cigare aux lèvres, un chapeau melon et une bonne dose de cynisme), de Sunflower (sa mère, une hippie de 1968) et de Frodo (un chat nommé en hommage au Seigneur des Anneaux de Tolkien). Moonshadow raconte les différentes expériences qui lui ont permis de confronter sa vision romantique de l'existence à la réalité. Le lecteur découvre avec lui un vaisseau où une extraterrestre est proche de l'accouchement, il découvre les membres de la famille Unkshuss, il assiste à un enterrement. Moonshadow raconte comment il a été amené à voler l'Oeuf de Dieu, comment il a été enrôlé dans une guerre, comment il a été fait prisonnier, comment il a découvert la sexualité, etc. Ce tome se clôt avec "Farewell, Moonshadow" dont l'action se situe 20 ans après et qui apporte au lecteur quelques compléments sur la vie de Moonshadow devenu adulte.



En 1980, Marvel Comics tente de capter le lectorat de la version américaine de "Métal Hurlant" en publiant un magazine appelé "Epic illustrated". Puis ils éditent des comics dont les créateurs restent propriétaires des droits de leur série. "Moonshadow" fait partie de la deuxième vague desdites séries Epic. JM DeMatteis a déjà une belle carrière de scénariste de superhéros derrière lui. Mais "Moonshadow" n'a rien à voir avec le superhéros, ou avec quoi que ce soit d'autre qui se fait à l'époque. Le texte commence par une citation d'un texte de William Blake. DeMatteis met en exergue à chaque début d'épisode (sauf le douzième) un extrait d'un ouvrage qui a marqué sa vie ; défilent ainsi des textes de L. Frank Baum (Magicien d'Oz), Tolkien, Percy Shelley, James Matthew Barrie (Peter Pan), Robert Louis Stevenson, Dostoïevski, Keats, Henry Miller et Samuel Beckett.



Toutefois, si Moonshadow souligne par 3 fois l'importance de la lecture dans sa vie, il ne s'agit pas d'un récit sur les romans, ou du moins il n'est possible de qualifier cette composante de principale. Moonshadow a développé une vision idiosyncrasique de la vie à partir de ses lectures romantiques et comme tous les adolescents il découvre que la vie recèle bien des niveaux de complexités qu'il ne soupçonnait pas. Mais là encore il n'est pas possible de limiter cette histoire à un récit initiatique de l'adolescence, même si le Moonshadow âgé explique qu'il raconte son Éveil (journey to awakening). Du début à la fin, DeMatteis détaille les péripéties pétries de science-fiction de son héros qui voyage dans l'espace et qui croise des races extraterrestres et extraordinaires. Cependant toutes ces tribulations constituent autant d'occasion pour le héros de s'interroger sur le sens qu'il donne à la réalité (DeMatteis invente 2 ouvrages, l'un développant la thèse de la création de l'univers par un Dieu, l'autre la thèse du hasard et du "c'est comme ça"). Mais cet ouvrage n'est pas non plus réductible à une quête métaphysique ou à un récit d'anticipation. Il est évident qu'il s'agit également d'un récit intimiste et d'une forme décalée d'introspection (le décalage est imputable à la part importante des aventures et d'une forme douce de dérision). Cette histoire comprend de nombreux éléments qui semblent de nature autobiographique (en particulier les références à Brooklyn), sauf que DeMatteis n'a jamais voyagé à bord d'un vaisseau spatial.



"Moonshadow" n'a rien à voir non plus avec les formes traditionnelles de comics. Chaque page se présente effectivement sous la forme de plusieurs cases assurant une narration séquentielle (à part "Farewell, Moonshadow" qui est composé pour les 2 tiers d'une page de texte en vis-à-vis d'une illustration pleine page). Mais la nature des textes fait que la moitié des cases s'apparente à une illustration avec un texte accompagnateur, le plus souvent le flux de pensées du héros, ou des constations du narrateur (Moonshadow âgé de plus de 100 ans). "Moonshadow" détient également le titre de premier comics entièrement peint. À part pour 3 numéros où il a été aidé par Kent Williams et George Pratt, Jon J. Muth a illustré l'ensemble de cette histoire à l'aquarelle. Au-delà de l'anecdote, Muth prend 3 ou 4 épisodes avant de trouver le bon équilibre entre ce qu'il montre et ce qu'il évoque. Au début il se repose trop sur de l'encrage traditionnel (délimitation des formes par un trait foncé). Dès qu'il a trouvé le bon équilibre, ses aquarelles suggèrent des espaces où l'imagination du lecteur peut se déployer sans contrainte. Sa capacité à évoquer une forme, un objet ou un visage par une simple tâche relève du surnaturel. Une grosse tâche blanche et c'est la barbe de Moonshadow vieux qui resplendit en pleine lumière, un grand à-plat de vert et un autre de bleu et le lecteur se retrouve dans une vaste prairie dont l'herbe ondoie sous le vent léger, quelques tâches roses pales et des corps féminins surgissent du blanc de la page dont il émane une sensualité et un érotisme d'autant plus irrésistibles qu'ils suggèrent au lieu de montrer, etc.



Bien sûr, certains passages sont plus réussis que d'autres. Bien sûr le mélange des genres devient parfois plus déconcertant que signifiant. Mais je n'ai jamais rien lu de pareil et la forme comme le fond continuent de m'enchanter comme un conte pour adulte, plein de merveilleux et de poésie, sans mièvrerie. J'ai eu du mal à quitter Moonshadow après plus de 460 pages et il n'est pas près de me quitter. Après ce coup de maître, JM DeMatteis a continué avec les superhéros, mais aussi avec des récits métaphysiques (Blood, avec Kent Williams), ou dédié à son quartier d'origine (Brooklyn Dreams), ou même à un superhéros dont l'évolution suit celle de l'industrie des comics et de l'histoire des États-Unis (Life and Times of Savior 28). Jon J. Muth a réalisé un autre comics sous une forme inattendue (une adaptation de M de Fritz Lang) et des histoires pour enfants magnifiques (Les trois questions &La soupe aux cailloux).
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Spider-Man, tome 4 : La dernière chasse de Kr..

Avec le retour de l'un de ses ennemis jurés, l'homme sauvage Kraven, Spiderman est véritablement sur la sellette...

Kraven ayant compris que pour tuer spiderman, il lui faut devenir spiderman...

Une saga au rythme effréné plus trash et plus noire que les précédents tomes
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Blood : Tome 1

Il s'agit du premier tome d'une histoire en 2 tomes, parue initialement en 1987. Il s'agit d'une histoire complète indépendante de toute autre. Ce commentaire porte sur l'histoire complète.



L'histoire s'ouvre sur un dialogue de 2 pages, sous forme de texte, avec un bandeau de cases en haut de page, sa déroulant sur la double page, et un autre en bas de page. Un roi alité à l'article de la mort, mais toujours bien accroché à la vie, est visité par un esprit féminin qui lui raconte l'histoire de Blood. Son histoire commence avec la mer qui se transforme en sang, et la dérive d'un berceau sur un fleuve où il est récupéré par une femme nue qui adopte le nouveau né le ramène chez elle malgré la réprobation de sa mère. L'enfant grandit et la grand-mère indique qu'il est temps pour lui de partir. Il est confié aux bons soins d'un monastère qui veille à son éducation de manière stricte. Au bout d'un temps indéterminé, Blood quitte le monastère, ayant refusé de succéder à son responsable, s'enfuit en ballon et finit par s'écraser dans une vallée où des miséreux font la queue pour bénéficier des attentions d'un sage.



Ce résumé est factuellement exact, et complètement trompeur. La lecture de "Blood" est une expérience comparable à peu d'autres. John-Marc DeMatteis est un scénariste qui a débuté avec les superhéros Marvel (La dernière chasse de Kraven) et DC (Justice League International en anglais), avant d'écrire les siens propres (Life and Times of Savior 28 en anglais). Parallèlement à ce parcours classique dans les comics, il a eu la chance de pouvoir écrire des récits sortant du moule habituel. Grâce à la branche adulte de Marvel (Epic Comics), il a écrit le récit initiatique de Moonshadow (avec de magnifiques aquarelles de Jon J. Muth, en anglais). Pour l'une des branches adultes de DC Comics (Paradox Press), il a écrit une bande dessinée autobiographique de sa jeunesse Brooklyn Dreams (illustrations de Glenn Barr). Et il a souvent intégré à ses histoires des réflexions sur la création littéraire, mais aussi sur la spiritualité (Seekers into the Mystery, en anglais).



"Blood" est le récit indépendant qui a suivi "Moonshadow". Ce dernier prenait la forme d'un roman de science-fiction mâtiné de récit initiatique d'un adolescent, et de recherche du sens de la vie. S'il comprenait des passages plus réflexifs, le lecteur pouvait se raccrocher à la trame du récit sans se sentir perdu. Au contraire "Blood" favorise les sensations et l'expérience mystique. Le récit devient secondaire, il n'est plus que le support d'un voyage spirituel et parfois psychanalytique. C'est à dire que le lecteur suit bien les pérégrinations d'un personnage principal appelé Blood, les différentes séquences s'inscrivent dans une suite chronologique et elles sont reliées entre elles par des liens de causalité discernables. Mais dès le départ, le dispositif narratif, celui de l'histoire dans l'histoire, indique au lecteur que ces séquences sont autant de métaphores et d'allégories de la vie psychique.



DeMatteis a donc l'ambition de mettre en bandes dessinées la soif spirituelle de l'être humain. Cette BD réussit le pari de montrer cette soif de la spiritualité, plus par les images que par le texte. DeMatteis laisse les illustrations porter les 2 tiers de la narration. Kent Williams dispose d'une grande liberté pour représenter des concepts liés à la vie de l'esprit, à sa soif de compréhension, à son besoin d'absolu. La première fois que j'ai lu cette histoire, je n'y ai rien compris, la seconde non plus. Pris littéralement ce récit est une suite de scènes disjointes défiant la logique. Une lecture premier degré ne permet pas de comprendre l'inclusion d'une vie de bureau pour Blood dans la deuxième partie. Prise à part, cette scène évoque l'aliénation de l'individu dans la vie moderne. Insérée dans la narration globale, le lecteur se demande ce qu'elle vient faire là. Remise dans son contexte, elle montre par les images que le reste du récit doit se comprendre comme la vie intérieure de Blood, par opposition à la vie quotidienne.



Il faut donc aborder cet ouvrage avec un autre point de vue, sachant que DeMatteis ne donne pas de clef d'interprétation, il livre le récit comme un bloc, charge au lecteur de déterminer ce qu'il peut en faire. Pour pouvoir en saisir la substance, il faut donc lire, regarder, observer, déchiffrer et interpréter les images. Kent Williams réalise ses illustrations principalement à l'aquarelle, avec parfois de l'encrage pour délimiter le contour des formes. Il développe à la fois des narrations séquentielles (suite de case montrant un mouvement, ou mettant en rapport 2 actions, une action et une réaction, etc.), et des images pleine page. La fonction des images est à la fois de montrer des actions, mais surtout de développer des ambiances, de faire ressentir des sensations. De temps à autre, une scène exige une représentation réaliste, ce que Williams accomplit sans difficulté. La majeure partie du temps il doit montrer les sentiments et les sensations éprouvés par les personnages. Le lecteur contemple donc des individus à la morphologie plus ou moins détaillée, évoluant souvent nus dans des camaïeux de couleurs sombres et délavées. Ce mode de rendu met en avant la représentation de l'individu et la manière dont son état émotionnel colore la réalité qui l'entoure.



Passé la double page de dialogue, le lecteur est donc confronté à 6 cases figurant le sang et sa viscosité. À l'évidence il s'agit du sang comme symbole du fluide de la vie, mais aussi comme évocation des menstruations, et Blood naît de cette mer de sang, directement dans son panier en osier porté par les flots. Cette nouvelle image renvoie aux premiers jours de Moïse. Pourtant Blood ne devient jamais une figure messianique. Le sens de cette métaphore m'a échappé. L'apprentissage de Blood au monastère s'achève sur le meurtre de son mentor et de la personne qui l'a accueilli à son arrivée. Il est facile de percevoir dans ces images le meurtre du père, une notion psychanalytique de base. Pour entrer dans l'âge adulte, Blood doit détruire l'image de toute puissance de ses parents, afin de construire sa propre vie, avec ses propres valeurs. Dans le passage suivant, Blood arrive dans une vallée peuplée de personnes souffrantes, une vallée de larmes. Il rencontre cet individu accomplissant les fonctions de gourou pour cette communauté. Cet homme porte un rond sur le front et au cours de la séquence, il se trouve une image de crâne avec un rond sur le front. Ça se complique. En fait il n'y a pas d'explication du symbole, il n'y a pas d'indication sur son sens. Il faut attendre les chapitres suivants pour voir le motif du crâne réapparaître dans d'autres circonstances, et rester attentif au déroulement du récit pour percevoir le motif de cycle, et donc de cercle. Le titre du premier chapitre apporte un indice : "Uroborous". Il s'agit d'une variante orthographique de l'Ouroboros, l'image du serpent qui se mord la queue.



John-Marc DeMatteis et Kent Williams racontent une histoire un peu hermétique qui repose sur des symboles à l'interprétation délicate. Ce n'est qu'au gré d'autres lectures que j'ai pu faire le rapprochement avec la notion de symbole développée par Carl Gustav Jung. Les symboles utilisés par les auteurs ont effectivement la fonction de matérialiser des sensations ou des concepts indicibles ; ils leur permettent d'évoquer des expériences spirituelles ineffables. L'objet de "Blood" est de parler d'expérience mystique, de faire appel à des archétypes de l'inconscient collectif. De ce point de vue, il devient évident que la pensée de DeMatteis a été façonnée par les théories de Jung. D'ailleurs, les autres ouvrages personnels de DeMatteis montrent également qu'il est fortement influencé par la pensée orientale et hindoue où il est possible également de reconnaître des archétypes psychologiques.



DeMatteis et Williams proposent au lecteur un voyage plus spirituel que mystique dans l'inconscient collectif. Il s'agit d'une expérience spirituelle honnête qui n'impose pas la vision des auteurs, mais qui la présente. À l'instar du personnage principal qui est en quête de sens dans la vie, le lecteur se met en quête de sens dans les symboles charriés par le récit. Cette bande dessinée ne présentera d'intérêt pour le lecteur qu'à la condition que ce dernier soit sensible à ces questionnements.
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Batman : Absolution

Deux concepts subversifs : le pardon et la rédemption

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Il s'agit d'une histoire complète de Batman, en un seul tome paru à l'origine en 2002, indépendante de la continuité.



Dans une ville pauvre d'Inde, une femme blanche donne le bain à un vieillard autochtone que le lecteur devine vivant largement en dessous du seuil de pauvreté. Elle travaille pour une mission catholique. 10 ans plus tôt une bombe a explosé lors d'un gala organisé dans les locaux de l'entreprise Wayne. Jennifer Blake (la responsable de cet attentat terroriste) a réussi à s'enfuir, pendant que Batman impuissant était le témoin de la mort de plusieurs invités. De retour à l'époque actuelle, Batman a enfin retrouvé la trace de cette femme fanatique. La piste le mènera jusqu'en Inde pour une confrontation complexe. Les déplacements de Batman sous couvert de l'identité de Matches Malone sont entrecoupés par des scènes retraçant le parcours de la terroriste.



Attendez voir un peu : un comics américain qui parle de terrorisme et qui a été édité en 2002. John-Marc DeMatteis (le scénariste) souhaite se servir de cette histoire pour donner sa réaction sur les attentats du 11 septembre 2001. Mais par le biais d'une histoire de Batman ? N'est-ce pas un peu incongru ? Eh bien, DeMatteis n'est pas le premier venu. Dans les années 1980, il avait profité de la création d'Epic Comics (une branche adulte de Marvel Comics) pour réaliser 2 récits mature : Moonshadow avec Jon J. Muth et Blood : Tome 1 & 2 avec Kent Williams. En 1987, il avait écrit une histoire de Spiderman (Kraven's Last Hunt) qui traitait du suicide sur un mode adulte. En fait, en plus d'une palanquée d'histoires de superhéros traditionnelles, DeMatteis a donc réalisé des histoires illustrant ces réflexions et ses points de vue sur la spiritualité et la vie intérieure.



Finalement se servir d'un genre typiquement américain (le comics de superhéros) pour donner son point de vue n'est pas plus choquant que d'écrire des polars pour traiter de problèmes sociaux, ou de quête de sens, ou de rédemption. Le résultat sombre dans le ridicule uniquement si l'auteur n'a pas les moyens de ses ambitions.



Et des ambitions, DeMatteis, il en a : dans l'Amérique de George W. Bush, juste après les attentats terroristes sur le sol de la nation, il parle de pardon et de rédemption. Il raconte une histoire de superhéros en respectant les codes spécifiques à ce genre : bastons, action de nuit, héros mystérieux et au dessus des lois, aventure à grand spectacle. Il respecte les canons du personnage de Batman avec une évocation lourde de sens à la mort de ses parents, un objectif de vengeance, des certitudes inébranlables sur la justice, etc. Il utilise même un élément canonique du mythe de ce personnage : l'identité de Matches Malone.



Il met habilement en scène l'humanité de Batman et ses limites comme toute être humain, face à cette terroriste qui ne se limite pas à un cliché manichéen. DeMatteis se sert avec habilité et perspicacité de sa compréhension de Batman pour mettre en évidence les limites d'une justice qui ne serrait qu'un instrument de vengeance.



Pour illustrer ce récit, les responsables éditoriaux de DC Comics ont réussi à embaucher Brian Ashmore, un peintre ayant réalisé 2 ou 3 autres comics. Il illustre cette histoire en aquarelles. Dans les premières pages, il apparaît que ce peintre s'inspire du style inimitable d'Alex Ross pour le rendu des cases. Le résultat n'est pas vraiment convaincant parce qu'Ashmore souhaite également utiliser l'aquarelle pour laisser des zones que l'imagination du lecteur doit compléter. Ces 2 partis pris se neutralisent au lieu de se compléter. Au fil des pages, il devient plus à l'aise dans sa technique et il tire un meilleur parti de l'aquarelle pour avoir des illustrations plus évocatrices que précises. Malheureusement, il arrive que les besoins du scénario le contraignent à être plus précis et les peintures perdent alors de leur pouvoir suggestion pour ne plus être de simples mises en images factuelles. Globalement, les illustrations sont d'un bon niveau et agréables à regarder. Elles portent bien l'histoire, et un tiers du temps elles magnifient les ambiances et révèlent les sentiments des personnages.



Avec ce récit John-Marc DeMatteis utilise un genre de récit spécifique des États-Unis (les superhéros) pour donner son point de vue construit et intelligent sur la différence entre la justice et la vengeance, sur la possibilité de rédemption, sur le pardon des erreurs, dans un contexte où cette nation exigeait l'exécution sommaire de tout ce qui ressemblait à un terroriste. Il a utilisé à nouveau l'archétype du superhéros dans Life and Times of Savior 28 pour un questionnement existentiel plus abouti et tout aussi humaniste, en le liant à l'histoire des États-Unis au vingtième siècle.
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Superman: Speeding Bullets

Ce tome contient une histoire complète et indépendante de toute autre qui a été rééditée dans le recueil Elseworlds: Superman Vol. 1. Elle est initialement parue en 1993, écrite par John-Marc DeMatteis dessinée et encrée par Eduardo Barreto, avec une mise en couleurs réalisée par Les Dorscheid. Il s'agit de la première histoire estampillée Elseworlds consacrée à Superman.



Le narrateur non identifié s'interroge parfois sur la manière dont auraient pu tourner les choses : cette minuscule fusée partie de la planète Krypton, ce long voyage dans l'espace, et la possibilité qu'une saute de vent ait suffisamment décalé la trajectoire de cette capsule qui aurait alors atterri en Afrique, en Chine, dans un pays sous une dictature, au pied d'un prêtre hindou. La terre aurait-elle alors été privée de son plus grand héros ? Non, ces événements n'ont pu se dérouler que d'une seule manière. La capsule atterrit dans une zone vierge au nord de Gotham. Un couple sort de sa voiture alors qu'ils se rendaient à un dîner organisé par le gouverneur de l'état pour sa campagne politique : Martha et Thomas Wayne. L'enfant est vite adopté et intégré à la vie de famille dans la grande demeure : ils l'appellent Bruce. Le garçon gagne également vite le cœur d'Alfred Pennyworth. Les années passent. Un soir, Martha et Thomas Wayne emmènent le jeune Bruce voir un film à Gotham. L'esprit du garçon a été marqué par le costume et l'héroïsme de Zorro. Alors qu'ils se dirigent vers leur voiture en passant par une ruelle déserte, ils sont agressés par un individu armé : Joe Chill. Martha refuse de donner son collier de perles. Joe Chill tue les parents et la réaction de Bruce est terrible.



Les policiers retrouvent Bruce Wayne choqué, répétant inlassablement : les balles, les balles. Alfred Pennyworth s'occupe d'élever Bruce jusqu'à l'âge adulte, le jeune homme préférant vivre coupé du monde, en reclus dans le manoir familial. Il se lève vers huit heures le soir, et Alfred lui sert son petit-déjeuner. Il prend connaissance des nouvelles (ce jour-là l'installation de Lex Luthor à Gotham), et va se recueillir dans son bureau décoré avec les articles de journaux du meurtre de ses parents et de nombreux autres par la suite. Alors qu'il en ressort ce soir-là, 2 cambrioleurs se sont introduits dans le manoir avec l'intention de dévaliser Bruce Wayne. La confrontation prend une tournure inattendue. Cet affrontement physique fait resurgir les souvenirs enfouis de la nuit du meurtre des époux Wayne. Bruce se souvient enfin de ce qui s'est passé. Constatant ça, Alfred décide de l'emmener dans la grotte souterraine sous le manoir, où se trouve la capsule spatiale qui a amené le nouveau-né. Bruce Wayne touche les documents qui y sont contenus et prend connaissance de son héritage extraterrestre. Il s'envole et effectue des acrobaties dans la grotte, au milieu des chauves-souris.



En 1989, l'éditeur DC Comics publie Gotham by Gaslight (par Brian Augustyn & Mike Mignola), une histoire de Batman qui en propose une version alternative. En 1991, sort une deuxième histoire de Batman sur la base d'une autre version alternative : Holy Terror (par Alan Brennert & Norm Breyfogle) portant le sigle Elseworlds. Il s'en suit de nombreuses versions alternatives de nature très diverse, de Batman, mais aussi de Superman et la Ligue de Justice. Speeding Bullets est la première du genre consacrée à Superman. À l'époque, JM DeMatteis est déjà un auteur bien établi et le lecteur reconnait tout de suite sa patte littéraire avec le monologue intérieur d'un narrateur non identifié. Eduardo Barreto est un dessinateur régulier des séries DC Comics, en particulier de Batman: Master of the Future (1991, scénario de Brian Augustyn), la suite de Gotham by Gaslight. Comme pour la plupart des récits Elseworlds, il s'agit d'une histoire complète, parue sous un format plus étoffé que celui des comics mensuels, avec une pagination plus importante de 48 pages. Le lecteur sait par avance que l'histoire va devoir avancer rapidement pour que les auteurs puissent raconter quelque chose de conséquent en 48 pages, ce qui explique des sauts dans le temps, ainsi que des cartouches de texte qui peuvent être un peu fournis sur certaines pages.



Le lecteur saisit la nature du jeu dès la première page. Il est plus que vraisemblable qu'il connaît bien l'histoire des origines de Superman, et qu'il est familier de ses principales caractéristiques. Il va donc repérer les éléments spécifiques de sa mythologie : Lex Luthor, Lois Lane, Perry White, et bien sûr ses superpouvoirs. Il est tout aussi vraisemblable qu'il connaisse bien également les origines de Batman, ainsi que sa mythologie : l'assassinat de ses parents, le soutien indéfectible d'Alfred Pennyworth, la grotte sous le manoir, Joe Chill, Gotham ravagée par le crime. À l'évidence, le scénariste sait qu'il sait : il doit donc inclure les éléments attendus, tout en introduisant assez de variations pour que le déroulement de l'intrigue présente un quelconque intérêt. À ce petit jeu, l'artiste dispose de plus latitude pour introduire des variations dans les représentations. Barreto dessine dans un registre descriptif et réaliste très classique, sans le degré de simplification des décennies passées, sans la volonté d'esbroufe des années 1990. Il sait utiliser de manière compétente les raccourcis graphiques qui permettent de réaliser des pages plus vite, à commencer par les trucs et astuces pour éviter d'avoir à représenter les décors en arrière-plan. Au fil des pages, le lecteur peut voir qu'il fait preuve d'inventivité pour les mises en pages, peut-être pour partie en suivant les indications du scénariste. C'est ainsi que le récit s'ouvre avec un dessin en pleine page de la capsule spatiale de Kal-El. L'artiste réussit à la fois à reprendre le visuel de John Byrne pour Man of Steel, et à la fois à proposer un angle de vue original.



Par la suite, le lecteur apprécie le résumé de l'intégration du jeune garçon dans le manoir, sous la forme de 6 dessins disposés comme dans un album photographique, avec des textes à côté, le collier de perle de Martha sans chercher à singer les cases de Frank Miller ou de David Mazzuchelli, les dessins de décor servant de fond de page sur lequel sont apposées les autres cases. L'artiste doit donc insuffler une sensation différente pour la manifestation des pouvoirs de Bruce / Kal-El, et pour la première apparition de cette version de Batman. Le vol autonome de Bruce dans la grotte enténébrée au milieu des chauves-souris est magnifique et inquiétant. La première apparition de Batman s'effectue sur un toit dans un dessin en pleine page, une silhouette imposante, et Bruce essayant une posture pour effrayer le criminel. Barreto sait montrer que ce Kal-El n'est pas Superman en ne reprenant pas ses postures habituelles, et qu'il n'est pas Batman en ne reprenant pas non plus ses postures habituelles. Il développe une gestuelle spécifique pour ce nouveau héros, un individu sombre utilisant des superpouvoirs extraordinaires. Dans le même temps, Lois Lane et Perry White sont parfaitement conformes à l'allure qu'ils avaient dans les séries Superman à l'époque, montrant qu'il s'agit bien des mêmes individus.



Au regard des comics industriels paraissant mensuellement, la narration visuelle de celui-ci est d'une qualité meilleure. Il en va de même pour la narration du scénariste. Le lecteur sait donc que Kal-El est recueilli par les époux Wayne. Il connaît à l'avance le sort de ces 2 parents adoptifs, ainsi que le traumatisme qui va en découler et la conséquence sur le jeune Bruce. Effectivement, le scénariste ne dispose pas de beaucoup de latitude pour insuffler de l'originalité dans l'intrigue proprement dite, d'autant qu'il annonce rapidement la couleur sur l'ennemi (Lex Luthor). Le lecteur reconnaît donc tout l'art de DeMatteis au fait qu'il s'intéresse aux personnages. Le scénariste joue avec la connaissance que le lecteur a d'eux, mais avec parcimonie. Il indique que le jeune Bruce est un véritable rayon de soleil dans la maisonnée, ce qui évoque le caractère positif de Kal-El en tant que Clark Kent. À peine Bruce Wayne (Kal-El) se retrouve-t-il devant Lois Lane qu'il se montre maladroit, faisant sourire le lecteur qui y voit une référence au comportement de Clark Kent pour maintenir son identité secrète. Par petites touches, DeMatteis donne de la personnalité à ce Bruce Wayne, montrant en quoi les mêmes causes produisent les mêmes effets (le meurtre des parents), mais une personnalité différente conduit à une évolution différente. Il s'y prend avec assez de sensibilité pour que le lecteur soupire d'aise en voyant la trajectoire de Bruce/Kal-El s'infléchir. Il apprécie tout autant la personnalité inchangée de Lois Lane, second rôle important dans cette histoire.



L'exercice créatif d'un récit Elseworlds est très contraint : reprendre les caractéristiques qui font la personnalité d'un superhéros, tout en intégrant les variations d'un ou deux paramètres, dans une histoire plus ou moins originales, ou en reprenant la trame d'une histoire déjà connue. À ce petit jeu, Eduardo Barreto se montre très habile à proposer des variations visuelles enrichissantes sur le personnage. John-Marc DeMatteis fait preuve d'une inventivité créatrice nuancée pour pouvoir reprendre l'histoire des origines de Batman et donner une personnalité différente à cette version de Bruce Wayne pour rendre le récit intéressant. Il reste qu'il est un peu court et un peu prévisible.
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Justice League : Corporate Maneuvers

Ce tome comporte les 4 numéros épisodes d'une série trimestrielle dérivée de la Justice League, version Keith Giffen et John-Marc DeMatteis commencée en 1987, voir Justice League International Vol. 1. Il contient les épisodes 1 à 4, initialement parus en 1991.



Justice League Quarterly 1 : scénario de Keith Giffen & JM DeMatteis, dessins de Giffen & Chris Sprouse, encrage de Bruce Patterson. 72 pages - L-Ron est en train de flatter son interlocuteur Maxwell Lord comme à son habitude. Ce dernier est en train de regarder les photographies des superhéros recrutés par Claire Montgomery pour monter une nouvelle équipe : Booster Gold (Michael Carter), Echo (Terri Eckhart), Gypsy (Cynthia Reynolds), Maxi-Man (Henry Hayes), Praxis (Jason Praxis), Reverb (Armando Ramone) et Vapor (Carol Donahue). À Washington D.C., Claire Montgomery présente son équipe le Conglomérat devant les représentants des investisseurs. Au site des usines chimiques Dupree, Phil sème la destruction à l'aide de ses pouvoirs. La Justice League intervient, mais sans réussir à prendre le dessus. Le Conglomérat arrive également sur les lieux et neutralise rapidement Phil.



En 1987, Giffen & DeMatteis relance à la Justice League à partir de zéro (ou presque) après Crisis on Infinite Earths de Wolfman & Perez, avec la contrainte de ne pas pouvoir utiliser Superman, ni Wonder Woman, et presque pas Batman. Ils optent pour des personnages moins connus, et ajoutent une bonne dose d'humour, certains héros ayant des comportements moins matures que d'autres. En 1989, la série génère une première série dérivée : Justice League Europe. Le lecteur aura même droit à une Justice League Antarctica en 1990, le temps d'un numéro annuel. La série Justice League Quarterly a duré 16 numéros. Le lecteur entame ce tome en se disant qu'il va retrouver le parfum de la Justice League International, certainement un peu dilué. Les dessins de Giffen & Sprouse sont très propres sur eux : descriptifs, avec un encrage fin pour des traits de contour précis et un peu arrondi. Le lecteur habitué à Giffen identifie rapidement qu'il a fait le découpage, ainsi que les esquisses, avec des cadrages et des postures typiques de sa production de l'époque. Giffen, Sprouse et Patterson n'arrive pas à capturer l'expressivité des visages dessinés par Kevin Maguire, le dessinateur initial de la JLI, ni la grâce de ses personnages.



L'intrigue est assez classique avec une rivalité entre les 2 équipes JLI / Conglomérat, et des intérêts capitalistes qui prennent le dessus sur l'intérêt général pour le Conglomérat. De ce point de vue, l'histoire se lit sans déplaisir, mais sans déclencher d'enthousiasme. Par contre, dès la première page, le lecteur retrouve les dialogues ciselés de John-Marc DeMatteis, la flatterie de L-Ron le transformant en sycophante. Giffen & DeMatteis reprennent donc la recette de réparties qui fusent, et de mettre l'accent sur la comédie dramatique. Le lecteur est bien conscient que les auteurs ne mettent pas tout leur cœur à l'ouvrage, mais il se prend à sourire à plusieurs reprises, et reconnaît que la lecture lui procure un réel plaisir passager.



JLQ 2 : scénario Giffen & DeMatteis, dessins Tom Artis, encrage Randy Elliott & Bruce Patterson. 55 pages - Mister Nebula (Kirtan Rodd) est une entité cosmique dont la fonction est de redécorer les paysages et les environnements des planètes, ainsi que les modes vestimentaires des habitants. Son héraut Scarlet Skier (Dren Keeg) est coincé sur la Terre, en train de faire trempette avec G'nort (un Green Lantern incompétent) dans la piscine de l'ambassade de la JLI à Rio de Janeiro. L'arrivée de Mister Nebula sur Terre est inéluctable. Face à lui une Justice League composée d'Ice, Blue Jay, Crimson Fox et Martian Manhunter.



Le lecteur remarque tout de suite que les dessins de Tom Artis sont beaucoup plus quelconques que ceux de Giffen & Sprouse, sans beaucoup de personnalité, mais compétents pour raconter l'histoire. Par contre, DeMatteis & Giffen sont en pleine forme. Dès la première page, le lecteur sourit à cette parodie de Galactus, traitée au premier degré, mais redécorant les planètes plutôt que de les dévorer, ce qui ne l'empêche pas de causer des dommages irréparables… en matière de bon goût. Ensuite, G'nort est égal à lui-même : pleutre et plein d'entrain, très limité de la comprenette mais toujours avec la volonté de bien faire, avec comme effet de toujours aggraver la situation. DeMatteis est en très grande forme pour les dialogues, pleinement impliqué, et le lecteur sourit franchement aux piques lancées par les uns et par les autres ; la gentille bêtise de G'nort, les réponses très sérieuses de Martian Manhunter, le bon sens de Crimson Fox, le refus de Batman d'être impliqué dans une aventure aussi idiote. Le lecteur retrouve le duo Giffen & DeMatteis au meilleur de sa forme pour une aventure loufoque racontée avec sérieux, pour des personnages très humains dans leur caractère.



Cette histoire est complétée par une autre de 17 pages de Giffen & DeMatteis, avec des dessins d'Aldrin Aw, et un encrage de Malcolm Jones III. Ice & Fire se retrouvent à mettre un terme à un braquage réalisé par Captain Cold et Heatwave. Après la loufoquerie inventive de l'histoire principale, celle-ci semble un peu sage, un peu trop soap-opéra



JLQ 3 : scénario de Keith Giffen, dialogues de Gerard Jones, dessins de Mike McKone, encrage de Bob Smith. 72 pages - Mitch Wacky est un être humain en provenance d'une Terre d'une autre dimension appelée Angor. Lors d'une réunion de la Justice League, il croise Kilowog (un ex Green Lantern) qui lui explique qu'il doit être capable de construire une machine à voyager dans le temps permettant de retourner sur Angor avant qu'elle ne soit détruite par la guerre nucléaire. Kilowog et Mitch Wacky parviennent sur Angor peu de temps avant sa destruction, mais réduits à une taille de quelques centimètres. Ils sont suivis quelques temps après par Blue Beetle, Crimson Fox, Green Lantern (Guy Garnder), Flash (Wally West) et Power Girl (Kara Zor-L), eux aussi miniaturisés.



On peut compter sur Keith Giffen pour continuer à concevoir un scénario mêlant loufoquerie et premier degré, même en absence de son acolyte JM DeMatteis : une partie de la Justice League se retrouve miniaturisée sur une autre Terre qui est à quelques heures d'une guerre nucléaire anéantissant toute vie. Il reconnaît bien les moments Giffen : Gardner qui profite de sa petite taille pour aller reluquer sous les jupes des passantes, une équipe de superhéros qui rappelle les Avengers, un robot qui se déplace de manière saccadée et grotesque, Gardner qui se fait avaler par un chien et qui ne peut en ressortir que par les voies digestives. Mike McKone effectue une mise en image très propre sur elle et très détaillée, mais sans réussir à saisir des expressions de visage humoristiques. Gerard Jones écrit des dialogues fluides porteurs d'émotion, mais sans réussir à capturer la candeur enfantine propre à ce qui fait la saveur comique de la série. L'intention y est, mais l'exécution rappelle que JM DeMatteis est unique.



JLQ 4 : scénario de Will Jacobs, dessins de Jason Pearson, encrage de Randy Elliott. 35 pages - Big Sir, Clock King, Cluemaster, Major Disaster, Multi-Man et The Mighty Bruce formaient l'Injustice League. Ils ont décidé de se ranger des voitures, mais ils sont fauchés, sans aucune perspective d'avenir. Ils décident de se la jouer Robin des Bois, et de dévaliser un évangéliste ayant monté sa secte. Bien sûr, tout ce qui peut mal tourner dans le casse va mal tourner, à commencer par une opération simultanée par le FBI.



Il est impossible de résister à la candeur de ces supercriminels pas très compétents, mais faisant tout pour faire de leur mieux, avec une bonne dose de mauvaise foi. Jason Pearson dessine en mode réaliste et descriptif, avec un bon niveau de détails. Will Jacobs sait allier histoire au premier degré et comédie. Bien sûr, la comparaison avec le numéro 2 joue en sa défaveur, car il se montre moins loufoque, et ses dialogues sont moins justes, mais l'histoire de ces perdants pas si méchants reste agréable à lire.



Cracked Ice (24 pages, scénario de JM DeMatteis, dessins de Darick Robinson, encrage de John Beatty) - Tora Olafsdotter (Ice), Guy Gardner (Green Lantern), Beatriz da Costa et Oberon se promènent en civil dans l'East Village, à l'occasion d'une animation New Age. Tora Olafsdotter se retrouve à acheter un cristal contenant une entité démoniaque qui la possède. Darick Robertson dessine de manière très détaillée, rappelant parfois Shawn McManus. L'aventure est l'occasion pour le scénariste de ramener Jack Small et Petey le démon, en provenance de la série Dr Fate qu'il écrivait à l'époque. À nouveau, la comparaison avec le numéro 2 montre que la loufoquerie de Giffen fait défaut pour élever le récit au-dessus de la simple comédie dramatique un peu légère.



Cat Tales (4 histoires de 3 pages, scénario de JM DeMatteis, dessins de Marshall Rogers) - Le chat de Kara Zor-L mène la vie dure à Kara, puis à Ralph Dibny, puis à Jay, et enfin se balade dans l'ambassade de la Justice League Europe. DeMatteis se montre facétieux, avec des gags en 3 pages, dessinés avec élégance et précision par Marshall Rogers. Il a ciselé ses dialogues et trouvé une veine loufoque qui lui est propre pour des pages drôles.
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The Adventures of Augusta Wind

Il s'agit d'une histoire complète et indépendante de toute autre, initialement parus en 5 épisodes en 2012/2013. Le scénario est de John-Marc DeMatteis, les dessins et l'encrage de Vassilis Gogtzilas, et la mise en couleurs de Carlos Badilla.



À Rondout Heights, un quartier dortoir d'une petite ville de banlieue des États-Unis, Augusta Webster est en train d'inventer et de raconter une histoire pour le bénéfice de Mia et Owen (sa petite sœur et son petit frère). Il s'agit d'une histoire à la première personne expliquant comment elle est descendue du ciel avec l'aide de son parapluie magique, comment elle a découvert Rondout Heights et la famille Webster, et a décidé de s'y installer. Elle s'interrompt en entendant une voix, et en découvrant qu'une étrange bestiole les observe depuis la fenêtre (un Snabbit, contraction de Snake & Rabbit, un serpin, serpent-lapin). Les 2 autres enfants n'ont rien vu et rien entendu. En allant voir dans le jardin, elle retrouve son parapluie, enfin celui d'Augusta Wind. Pendant la nuit elle rêve d'être Augusta Wind et de se trouver un pays imaginaire Nowhere. Le lendemain elle raconte le tout au docteur Warden, lorsque de sa séance de psychothérapie. Mais voilà qu'il se transforme en Omniphant, et qu'elle ne doit son salut qu'à l'apparition et l'intervention de Snabbit. Ensemble ils s'envolent par la fenêtre pour échapper à l'Omniphant. Allant de découverte en découverte, Augusta va devoir s'interroger sur laquelle de ses incarnations est la vraie (Webster ou Wind) et aller sauver les enfants (Noah Fence, Hugo Rest, Wilhelmina Nilly, Sadley Mistaykin, Kris Misseeve, Euslace Dymwitt) dans le château sur Nowhere, menacé de destruction.



John Marc DeMatteis est un scénariste singulier (né en 1953) qui a commencé à écrire des comics à la fin des années 1970. Il a aussi bien écrits des superhéros de Marvel et DC (Captain America- Death of the Red Skull, The new Defenders, Justice League International avec Keith Giffen), que des séries pour la jeunesse (The Abadazad), ou des histoires très personnelles (Moonshadow, Brooklyn Dreams). Il s'agit d'un scénariste qui sait insuffler un petit supplément d'âme à ses récits (et même parfois un gros), car intéressé par la spiritualité, mais aussi les qualités morales. C'est ainsi qu'il a transformé un affrontement de plus entre Spider-Man et un de ses ennemis en une description poignante de la folie d'un homme (Kraven's last hunt), qu'il a transformé une crise de doute de Doctor Strange en une quête spirituelle honnête (Shamballa), qu'il a retracé l'évolution de l'inconscient collectif des États-Unis par le biais de l'évolution des valeurs des superhéros au fil des décennies (Life and times of Savior 28), et qu'il a créé l'un des rares comics mystiques lisibles et intelligibles (c'est-à-dire avec une réflexion qui ne s'adresse pas à un enfant de 6 ans), à savoir Blood, a tale.



Il est donc toujours intéressant de jeter un coup d'œil à ce qu'écrit DeMatteis, même si tout ne relève pas du chef d'œuvre. Le point de départ de cette histoire semble la classer dans les contes pour enfants, avec des personnages fantastiques un peu mignons, un ami imaginaire (Snabbit), des enfants comme auditoire et des enfants à sauver dans le pays imaginaires, des gros méchants pas beaux. Mais d'autres éléments en font une histoire pour plus grands, à commencer par les dessins et les cellules de texte conséquentes. Les dessins de Gogtzilas ne jouent pas sur la séduction par l'image. Ses coups de crayons sont comme autant de griffures rapides sur la page, à l'opposé d'un trait soigné en arrondi. Certaines silhouettes sont rapidement esquissées, avec à nouveau des traits rapides pour figurer les plis d'un tissu, parfois à la limite du gribouillis nerveux pour hachurer une surface (chevelure, ou dentition des monstres).



Malgré cette apparence un peu esquissée et nerveuse, les images de Gogtzilas sont lisibles et apportent souvent une bonne densité d'informations visuelles. L'aspect spontané des dessins donnent une forme de véracité et d'intensité aux expressions des visages. Il sait aussi bien évoquer les environnements de manière convaincante qu'ils soient ordinaires (quartier résidentiel, décoration d'intérieur du cabinet du psychologue, ville vue du ciel) ou fantastiques cité sous-marine, mur infini, château Zero à Nowhere). La conception graphique des personnages fantastiques mélange les archétypes propres aux contes enfantins et une approche plus personnelle, évitant ainsi la fadeur des ersatz.



Il n'en reste pas moins que le point de départ du récit et l'apparence de plusieurs personnages évoquent le conte pour enfants, alors que d'autres visuels sous-entendent un récit destiné à des lecteurs capables de dépasser les apparences peu flatteuses. S'il s'appuie sur des archétypes du récit pour enfant (pays imaginaire avec des compagnons à sauver), DeMatteis introduit rapidement d'autres thèmes, à commencer par ce jeu sur la dualité d'Augusta Webster / Wind. Rapidement, le lecteur constate que l'objet principal du récit est de parler de l'acte de création par le biais de l'imaginaire. Pour les lecteurs un peu distraits, DeMatteis joue sur les mots, en particulier avec les noms des personnages. Par exemple, Noah Fence peut se prononcer "No offense", ou encore Sadley Mistaykin ressemble à "Sadly mistaken". Aussi quand, Augusta se retrouve devant Miss Information ou Uncle Konchuss, le doute n'est pas permis, DeMatteis évoque l'utilisation de la connaissance et du savoir au service de l'imagination, ou la source de l'imagination dans l'inconscient. En bon scénariste, il raconte une histoire qui se lit à 2 niveaux : celui des aventures d'Augusta comprenant des retournements inattendus, et celui de la métaphore sur la création artistique. En bon scénariste, il lie les 2 niveaux de telle sorte que la découverte et la compréhension du rôle de l'inconscient par Augusta lui fait voir les événements précédents d'une nouvelle manière. La quête d'Augusta l'amènera donc à découvrir le matériau dont se nourrissent les artistes pour créer des histoires.



John-Marc DeMatteis est un créateur moins intellectuel que Morrison, et moins cynique qu'Alan Moore, son récit bénéficie de sa chaleur humaine. Le lecteur découvrira donc une représentation plus spirituelle de l'origine de la création littéraire (dans le Lac le plus secret) que la représentation qu'ont pu en donner ces 2 autres auteurs. Malgré le talent indéniable de Vassilis Gogtzilas, la forme du récit avec ces éléments évoquant les contes pour enfants dessert parfois le propos des auteurs, introduisant une dissonance entre le fond et la forme. Les aventures d'Augusta Wind forment un voyage amusant, présentant un point de vue sur la création et l'imagination, à la fois élaboré et convaincant.



Le tome se termine avec 20 pages de dessins pleine page, certains en noir & blanc, d'autres en couleurs, tous achevés, attestant des études préparatoires de Gogtzilas, parfois dans des styles différents de celui retenu au final.
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The girl in the bay

Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre. Il regroupe les 4 épisodes de la minisérie, initialement parus en 2019, écrits par John-Marc DeMatteis, dessinés et encrés par Corin Howell, avec une mise en couleurs réalisée par James Delvin.



En avril 1969, Katherine Angela Sartori (17 ans) est en train de couler dans la baie de Sheepshed Bay, du sang s'écoulant d'une plaie béante au ventre. Dans sa tête, défile le refrain d'une chanson de Winston Burton : j'ai rencontré une fille qui m'a dit qu'elle était morte. Elle énonce son nom et indique qu'il s'agit du récit de sa mort, alors que derrière sa silhouette en train de se noyer apparaît le visage d'une femme verte, mais aussi le récit de sa résurrection. En avril 1969, l'été de l'amour est passé depuis 2 ans, mais Charles Manson n'a pas encore déchaîné sa folie meurtrière, et les Rolling Stones n'ont pas encore donné leur concert à Altamont en Californie du Nord. Katherine Sartori est à fond dans les écrits d'Herman Hesse (1877-1962), dans les théories de Timothy Leary (1920-1996) sur la drogue, et dans la capacité rédemptrice du rock. Elle ne respecte aucun horaire de fin de soirée, et ingère toutes les substances psychoactives qu'elle peut. Ce comportement n'est pas du goût de ses parents, opposés à ce style de vie et inquiets pour elle, ce qui stresse aussi sa petite sœur Lizabeth. Pendant les vacances de pâques, elle sort le soir, et croise madame Marcia Horowitz qui rentre de son travail de secrétariat et qui lui dit de faire attention.



Dehors elle rejoint ses 2 copines Wendy & Ana. Ensemble, elles se rendent au bar Capt. Cook, où les jeunes peuvent picoler et se défoncer tranquilles, bénéficiant de la tolérance des habitués adultes de l'établissement. L'acide qu'elle a pris une heure auparavant commence à faire effet, et elle se retrouve dans un début de mauvais trip. Elle sort prendre le frais et se fait accoster par Hugh Lansky, un sympathique jeune homme. Ils se promènent bras dessus, bras dessous, jusqu'au bord du fleuve. Elle éprouve la sensation qu'ils se comprennent parfaitement, qu'ils sont sur la même longueur d'onde. Elle l'embrasse et se rend compte qu'il l'a poignardé dans le ventre. Elle choit dans l'eau, par-dessus la rambarde. Elle se souvient de la chanson de Winston Burton et se rend compte qu'il parle d'elle, jeune fille en train de mourir. Elle ressort de l'eau, toujours avec l'impression d'être en partie défoncée, et dans une sorte de brouillard vert. Elle rentre jusqu'à l'appartement de ses parents qu'elle trouve mystérieusement désert. Elle s'assoit contre un mur le temps de se remettre la tête à l'endroit. Une femme l'interpelle pour savoir ce qu'elle fait dans son entrée. Voyant son état, elle lui prépare un thé, lui explique que la famille Sartori a déménagé depuis un bail, et Katherine voit un journal dont la date est celle de 2019.



Difficile de résister à l'attrait de cette histoire : elle est publiée par Dark Horse dans la gamme Berger Books, Karen Berger ayant été la responsable éditoriale de la ligne Vertigo Comics (la branche adulte de DC) de 1993 à 2013, et son scénariste est JM DeMatteis, connu pour La dernière chasse de Kraven, mais aussi Moonshadow, Blood, ou encore Savoir 28. Le début est intriguant avec cette adolescente qui vit sa jeunesse en phase avec son époque : drogues et culture jeune, mourant dans la première page et annonçant que ce récit est celui de sa résurrection, de sa deuxième vie. Le scénariste a construit son histoire sur la base d'un double mystère : pourquoi est-elle revenue à la vie ? Pourquoi Hugh Lansky l'a-t-il tué et veut-il la tuer une seconde fois ? Dès le départ, il ne fait aucun doute qu'un élément surnaturel est en jeu, certainement en lien avec cette mystérieuse femme à la peau verte dont la tenue évoque l'Inde. Le lecteur observe donc Katherine Sartori en train d'essayer de comprendre ce qui lui est arrivé, de reprendre contact avec sa famille et de se retrouver en face d'elle-même, âgée de 68 ans. DeMatteis joue avec son lecteur ne révélant que très progressivement les règles du jeu. Il s'amuse à faire dire à Katherine que son nom de famille prend un R, pas comme Satori qui est le mot pour désigner la compréhension en japonais, et l'éveil dans le cadre du Zen. Ce double mystère constitue une dynamique très entraînante pour le récit, d'autant qu'il y a d'autres éléments fantastiques comme la femme verte, mais aussi des doppelgängers dont la forme perd parfois de la consistance comme s'ils étaient faits de glaise.



Corin Howell met cette histoire en images, avec des dessins réalistes et descriptifs, un peu simplifiés, avec quelques arrondis pas trop appuyés, les rendant très plaisants à l'œil et faciles à lire. Le lecteur voit bien qu'il s'agit d'une jeune femme, avec un visage ouvert et confiant où les émotions s'affichent encore assez franchement. L'artiste n'exagère pas ses formes, ne met pas en avant ses courbes, mais lui donne un langage corporel qui atteste du fait qu'il ne s'agit pas d'une petite fille. Le lecteur peut d'ailleurs la comparer à Jenny, la petite fille de Katherine en 2019, dont l'apparence est bien celle d'une enfant de quatre ou cinq ans. La dessinatrice sait donner une apparence spécifique à chacun des personnages, qu'il s'agisse des différentes femmes (Katherine *2, Jenny, Marcia Horowitz) ou des personnages masculins. En particulier, les marques de l'âge sont nettement visibles sur Katherine en 2019 et sur Hugh Lansky la même année. Sans exagération, elle reproduit la mode des années hippie, et celle de la fin des années 2010. Lorsque la scène le justifie, elle appuie les expressions des visages, sinon elle reste dans un registre naturaliste avec des protagonistes qui sourient régulièrement. Le lecteur éprouve tout de suite de l'empathie pour Katherine et sa personnalité ouverte, pour la jeune Jenny, ou encore pour Kenneth le mari de Katherine en 2019. La créature monstrueuse qui guide Hugh Lansky appartient à un registre plus fantastique et plus tout public, mais Lansky lui-même est montré comme un adulte préoccupé et tourmenté, réaliste.



Au fil des séquences, le lecteur se rend qu'il est facile de se projeter dans chaque lieu car l'artiste représente très régulièrement les environnements, n'usant qu'avec parcimonie de la facilité de ne pas dessiner les arrière-plans. Il peut ainsi se promener aux côtés de Katherine dans les rues de Brooklyn en 1969, regarder le fouillis entassé au fil des années par Marcia Horowitz dans son appartement, observer les autres voyageurs assis dans le train de banlieue, faire le tour des pièces du pavillon de banlieue à Katonah (hameau de l'état de New York), s'assoir sur les marches sur le devant d'un immeuble de West Village, jeter un regard dans la petite maison minable de Hugh Lansky, s'assoir sur un banc dans un jardin public pour regarder les enfants en train de jouer. James Devlin met en œuvre une colorisation naturaliste, avec des tons un peu vifs, rendant la aussi les pages très agréables à la vue. De temps à autre, le lecteur constate que Corin Howell réussit une composition plus complexe : le visage de Katherine qui se détend au fur et à mesure qu'elle lâche prise alors qu'elle se noie, l'aspect féérique de la dame verte, l'assimilation des souvenirs d'elle-même par Katherine sous la forme d'images accolées dans un dessin en pleine page, la mise en scène de l'enlèvement furtif de Jenny dans le jardin d'enfants, ou encore le passage dans un autre état de conscience à travers une ouverture dont la forme rappelle celle d'un yoni.



Le lecteur se laisse donc facilement emmener dans l'histoire par les dessins agréables et la confiance qu'il a dans les talents d'écriture de JM DeMatteis. La narration est accompagnée par des cellules de texte donnant accès aux pensées de Katherine Sartori, soit ses émotions, soit le détail de sa réflexion, soit parfois des phrases semblant s'adresser directement au lecteur, avec le recul qu'elle a de savoir ce qui se passe après. Le lecteur se dit dans un premier temps que le scénariste a choisi de montrer Katherine (17 ans) en 2009, de manière réaliste : les difficultés à expliquer sa situation à quelqu'un d'autre, la nécessité de prendre le train de banlieue, la difficulté d'assimiler les années passées entre 1969 et 2019 et tout ce qui a changé dans la société, mais aussi tout ce qu'ont entre-temps vécu les personnes qu'elles connaissaient en 1969. Il remarque bien que la dame verte constitue un élément fantastique, tout comme les doppelgängers en glaise, mais ils appartiennent à un autre registre. Il commence à se dire qu'il s'est fourvoyé dans la nature du registre narratif et dans les règles du jeu, quand Katherine trouve bien à propos une liasse de billets dans sa poche, ou quand sa penderie comprend toute une garde-robe contemporaine comme par magie. Bien sûr, ces mystères sont levés au cours du récit, et DeMatteis se montre assez facétieux en donnant 2 explications distinctes à plusieurs scènes d'écart. Le degré de satisfaction du lecteur à la fin du récit dépend de ses attentes et de sa sensibilité. L'auteur a déroulé un récit avec une solide logique interne jusqu'au bout et a levé les deux principaux mystères. Il a développé deux thèmes principaux dont celui du pouvoir de l'esprit sur la réalité. S'il est plutôt cartésien, le lecteur éprouve quelques difficultés à se satisfaire de ce thème, s'il accepte de le prendre manière moins littérale, il trouve plus de satisfaction dans la dimension poétique du récit.



C'est l'histoire de Katherine (17 ans) mourant dans la première page du récit et revenant à la vie pour se retrouver projeté 50 ans dans le futur. JM DeMatteis & Corin Howell racontent leur histoire de manière simple et claire, avec une narration visuelle au service de l'histoire agréable à l'œil sans être racoleuse, détaillée sans être empesée. Le lecteur éprouve une forte curiosité de découvrir le fin mot de l'histoire, tout en s'attachant au personnage principal et à sa situation où cette adolescente se retrouve en mesure de contempler qu'elle a été / sera sa vie d'adulte. Il ne s'agit pas du récit le plus profond ou le plus expérimental de DeMatteis, mais sa poésie agit en douceur.
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Scooby Apocalypse Vol. 1

Ce tome est le premier d'une série indépendante de toute autre qui ne nécessite aucune familiarité ou connaissance préalable avec les personnages. Elle comprend les épisodes 1 à 6, initialement parus en 2016, co-écrits par Keith Giffen & John-Marc DeMatteis, le premier ayant également réalisé le découpage des planches, et le second ayant écrit les dialogues. Howard Porter est le dessinateur attitré de la série qu'il encre également. Il est secondé par Dale Eaglesham dans les épisodes 3 à 5 (de 2 pages à la moitié de l'épisode, en fonction du numéro) et par Wellington Alves encré par Scott Hanna pour la séquence du passé de l'épisode 6, avec 5 pages réalisées par Dale Eaglesham et consacrées à un personnage secondaire de la série. Jim Lee a réalisé les couvertures des épisodes 1 à 4, Howard Porter ayant réalisé les 2 dernières. Enfin il est précisé que la série a été conçue par Jim Lee.



Il y a un an, Velma Dinkley se trouvait à Paris et relâchait des nanites dans l'atmosphère. De nos jours, Daphnée Blake et Fred Jones assistent à une variante du festival Burning Man dans un désert du Nevada. Daphnée Blake a répondu à l'invitation d'une informatrice souhaitant effectuer des révélations sur une opération clandestine associant des fonds publics à des fonds privés pour un projet secret. Elle est responsable et productrice d'une émission sur les phénomènes surnaturels, diffusée sur la chaîne Tricot (c'est dire sa popularité). Elle emploie Fred Jones comme caméraman, un ami de longue date. Velma Dinkley les retrouve un peu à l'écart du festival, dans le désert. Elle est accompagnée par un chien doté de quelques implants cybernétiques au niveau de la tête, de la race des grands danois. Il est suivi par un individu dégingandé s'appelant Norville Rogers, mais demandant qu'on l'appelle par son surnom Shaggy (Sammy en VF). Elle les invite à la suivre dans une base secrète souterraine.



À l'intérieur, Velma Dinkley fait faire le tour de plusieurs pièces aux autres, leur expliquant que cette base secrète est gérée par un groupe de scientifiques, se faisant appeler les Quatre. Elle les fait pénétrer dans une pièce qualifiée de Zone de sécurité. Alors qu'elle continue à leur révéler quelques-uns des objectifs des 4, une sirène commence à hurler, et les portes de la zone de sécurité se ferment d'elles-mêmes, condamnant la pièce. Après quelques minutes, la sirène s'arrête, les portes se rouvrent, et les 4 adultes avec le chien peuvent ressortir. Ils avancent avec précaution dans les couloirs, et finissent par tomber sur des créatures qui évoquent des êtres humains, et mêmes des collègues de Velma Dinkley, et de Norville Rogers, mais transformés en différentes sortes de monstres. Que s'est-il passé ? Et en quoi Velma Dinkley est-elle responsable pour tout ou partie de cette catastrophe ?



En 2016, les responsables éditoriaux de DC Comics annoncent la parution de plusieurs séries mettant en scène des personnages de dessins animés : Scooby-Doo, The Flintstones de Mark Russell & Steve Pugh, Wacky Raceland de Ken Pontac & Leonardo Manco, Future Quest de Jeff Parker & Evan Shaner. Dès cette annonce, ils indiquent également que les ces différents personnages vont bénéficier d'une version nouvelle, d'une forme de mise à jour pour un public contemporain. À partir de là, le lecteur peut soit se braquer sur le fait que la démarche est foncièrement malhonnête : reprendre le titre d'une série vendeuse, et tout transformer. Ou il peut trouver opportun de proposer une autre vision de ces personnages, puisque de toute façon le comics ne pourra pas reproduire les sensations du support d'origine, en l'occurrence du dessin animé. Il peut trouver qu'indiquer que cette version ait été conçue par Jim Lee relève aussi du coup médiatique, sans réelle épaisseur, ou il peut espérer que Jim Lee soit resté un créateur capable de proposer des choses nouvelles et intéressantes, en phase avec le public du jour. Dans tous les cas, il constate que cette série réunit à nouveau John-Marc DeMatteis avec Keith Giffen, les inventeurs de la Justice League International, et les auteurs de Larfleeze ou Justice League 3000.



Effectivement Keith Giffen & John-Marc DeMatteis reprennent les choses à zéro, à partir du concept développé par Jim Lee. Le lecteur retrouve bien les 5 personnages principaux : Daphnée Blake, Fred Jones, Scooby-Doo, Norville Rogers (Shaggy/Sammy) et Velma Dinkley. Il y a même une nouvelle version du van Mystery Machine. Par contre, ils apparaissent dans un environnement et une situation très différente de ceux des dessins animés, et même sans aucun rapport. Les scénaristes montrent dans quelle circonstance ils se rencontrent tous les 5. Velma est donc une scientifique de niveau génie. Giffen & DeMatteis lui consacrent la majeure partie de l'épisode 6 pour développer son histoire personnelle et expliquer comment elle en est arrivée à la situation du début du récit. Il s'agit d'une adulte de petite taille, sans être naine, incapable de développer des relations interpersonnelles avec d'autres personnes, toutes incapables d'être à son niveau intellectuel. Les auteurs ne se contentent pas de reprendre son côté intello, ils lui donnent une personnalité adulte et complexe qui la rend attachante, malgré sa part de responsabilité dans l'apocalypse évoquée dans le titre.



De la même manière, les compères Giffen & DeMatteis donnent une personnalité et une histoire à Daphnée et Fred, mais sans retour en arrière, juste par le biais des dialogues au temps présent. Norville Rogers a droit lui aussi à un métier, en phase avec sa personnalité, un peu trouillard sur les bords, et plutôt pacifiste dans l'âme. Ils opèrent une mise à jour tout aussi franche sur Scoubidou. Il s'agit toujours d'un grand danois, très attaché à Shaggy. Ce chien fait partie d'un groupe de chiens sur lesquels des scientifiques ont testé des implants cybernétiques, et quelques modifications génétiques. Il se montre très affectueux, voire attentionné, vis-à-vis du groupe des 4 humains. Les modifications expérimentales dont il a bénéficié lui permettent d'articuler quelques mots, un peu déformés, comme un très jeune enfant apprenant tout juste à parler. Globalement, sous réserve de ne pas être arcbouté à la version originale, cette nouvelle version des personnages prend de l'épaisseur d'épisode en épisode, en fait progressivement des individus complexes et attachants.



En ce qui concerne l'intrigue, l'apocalypse promise dans le titre de la série a bien lieu, et dès le premier épisode. Il s'agit donc pour le petit groupe de 4 humains et 1 chien de survivre contre des hordes de gros monstres pas commodes, de savoir s'il est possible de renverser le phénomène qui a provoqué ces mutations. Il s'agit donc d'un récit d'aventures avec des personnages sympathiques, sans être fades. Pour mettre en scène ces péripéties, les coscénaristes retrouvent le dessinateur des séries Justice League 3000 et Justice League 3001. Ils retrouvent également le studio Hi-Fi qui assure la mise en couleurs. Ce studio prend le parti d'utiliser des couleurs claires et assez soutenues, ce qui donnent une apparence très agréable et chaude aux dessins, comme si ce récit s'adresse avant tout à un public assez jeune. Howard Porter doit s'accommoder du mode narratif de Giffen & DeMatteis qui privilégie régulièrement les dialogues. Du coup, le dessinateur se retrouve souvent à représenter les personnages en plan poitrine. Cela a pour effet de mettre en avant la gestuelle des personnages, ainsi que leur visage. D'un côté, cela leur donne plus de présence et de personnalité visuelle ; de l'autre c'est plus ou moins intéressant, en fonction de l'investissement (fluctuant) de l'artiste dans les arrière-plans, ou dans les gestes accomplis par les protagonistes.



Par contraste, Howard Porter en met plein la vue dès qu'il s'agit d'une séquence d'action, ou même d'une séquence avec moins de dialogues. Ses personnages deviennent beaucoup plus vivants. Il a créé une technologie d'anticipation cohérente et pas trop délirante, pour rester plausible dans un contexte contemporain. Il réalise de beaux décors, qu'il s'agisse de la pièce-abri, ou du supermarché dans lequel l'équipe se réfugie le temps d'un épisode. Il prend plaisir à faire évoluer le costume et les accessoires de Daphnée qui prend la tête de la défense armée du groupe, et qui sait faire parler la poudre. Il glisse quelques touches d'humour visuel, comme les tâches sur la calandre du van Mystery Machine. Il appartient également à Porter de donner une forme aux gros monstres pleins de dents. Il choisit d'être dans l'exagération grotesque propre aux comics, des grosses bébêtes avec une belle inventivité, sans aucune velléité d'être plausible ou crédible en aucune manière. Les dessins de Dale Eaglesham et Wellington Alves sont professionnels, mais ils n'ont pas cette exagération qui donne un entrain supplémentaire à la narration dans son ensemble.



Au final, le lecteur passe un bon moment de lecture, avec une réinvention des personnages sans complexe et sans chichi, une intrigue finalement pas très épaisse, et des dessins plein d'énergie. Il peut se lasser du mode d'écriture un peu formaté, avec des dialogues appuyés qui portent la personnalité des protagonistes, des rappels de la situation dans chaque épisode. 4 étoiles pour un lecteur prêt à voir une nouvelle version du gang de Scoubidou, 3 étoiles pour un lecteur moins tolérant.
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Trinity of Sin - The Phantom Stranger Vol. ..

Ce tome fait suite à A stranger among us (épisodes 0, 1 à 5). Il contient les épisodes 6 à 11, initialement parus en 2013. Les épisodes 6 à 8 sont coécrits par Dan Didio et John-Marc DeMatteis, les épisodes 9 à 11 sont écrits par DeMatteis tout seul.



Épisode 6(dessiné par Zander Cannon & Gene Ha, et encré par Dan Davis) - Phantom Stranger n'a plus qu'un seul objectif : retrouver Elena (sa femme), Allie et Timl (ses enfants, ou ceux de Philip Stark) qui ont été enlevés. Sur les conseils de Terrence Thirteen, il se rend dans un casino de Las Vegas pour une partie de poker contre Trigon et ses rejetons. Épisode 7 (dessiné par Cannon & Ha, et encré par Andrew Pepoy) - Phantom Stranger doit abandonner sa quête pour accéder à une exigence du Chien (qui est sûrement Dieu) afin d'aider Jack Ryder contre un gros monstre détruisant tout sur son passage à Metropolis. Épisode 8 (dessiné par Philip Tan, et encré par Jason Paz) - Alors qu'il est grièvement blessé, l'âme de Phantom Stranger se retrouve face à celle de Sin Eater, son ennemi. Pendant ce temps, la Justice League Dark essaye de faire recouvrer la santé à son corps, avec l'aide de Nightmare Nurse.



Épisodes 9 & 10 (dessiné et encré par Fernando Banco) - Phantom Stranger chercher sa famille aux Enfers, puis aux Cieux. Épisode 11 (dessiné et encré par Fernando Banco) - Phantom Stranger guide Batman (Bruce Wayne), Deadman (Boston Brand) et Katana (Tatsu Yamashiro) dans les faubourgs des Cieux pour retrouver le Doctor Light (Arthur Light), dans le cadre du crossover Trinity war (Pandora 1 à 3, Phantom Stranger 11, Justice League 22 & 23, Justice League Dark 22 & 23, Justice League of America 6 & 7, et Constantine 5).



Le premier tome avait permis d'établir les bases de la nouvelle version du personnage, dans le contexte de "New 52", avec un parti pris assez risqué. En effet Dan Didio a choisi d'attribuer une identité biblique au Phantom Stranger, celle de Judas Iscariote. À partir de là les scénaristes suivants voient 2 option s'ouvrir à eux : oublier cette histoire de traître, ou essayer d'en tirer partie en intégrant des éléments religieux dans un comics de superhéros (ce qui n'est pas donné à tout le monde, voire une gageure). Fort heureusement Didio est aidé dans sa narration par JM DeMatteis, un scénariste chevronné, dont les propres œuvres prouvent une démarche spirituelle personnelle honnête et intelligente.



Le premier épisode constitue une bonne surprise, à la fois du point de vue de l'intrigue et du point de vue visuel. Didio et DeMatteis ont conçu une partie de poker à haut risque, avec un tricheur, sans combat physique. Contre toute attente, Phantom Stranger n'est pas présenté comme un héros, mais comme un individu prêt à compromettre son intégrité pour arriver à ses fins. Cet épisode réuni également l'équipe artistique de Top Ten d'Alan Moore, fournissant l'occasion à Zander Cannon de retravailler avec Gene Ha. Le résultat n'est pas comparable à la minutie de "Top 10" ou à sa densité visuelle, mais les 2 artistes réussissent à rendre intéressante cette partie de carte à fort enjeu.



L'épisode suivant semble n'être qu'un prétexte pour réintroduire le personnage de Jack Ryder, au cours d'un combat en bonne et due forme. Mais Didio et DeMatteis s'en servent également pour approfondir le mode de fonctionnement des pouvoirs du Phantom Stranger, apportant un petit éclaircissement sur le fonctionnement des médaillons qu'il porte autour du cou. Cannon et Ha s'implique fortement dans les décors, avec en particulier un très beau tabernacle finement ouvragé, ou encore un bar avec une belle collection de bouteilles d'alcool. Ils réussissent à rendre plausible le costume de Phantom Stranger, dans un environnement normal, ce qui visuellement est un vrai défi.



Le contraste visuel est assez important avec l'épisode suivant, Philip Tan dessinant sous forte influence "Marc Silvestri", tout en exagération dynamique et encrage agressif. Ulysses Areola a choisi des teintes vives et claires (en particulier pour le feu) qui contraste également fortement avec les teintes plus feutrées utilisées par Art Lyon dans les 2 épisodes précédents. Le lecteur passe ainsi de visuels réalistes et posés, à des visuels typiquement superhéros respirant l'urgence et l'énergie. Et pourtant Didio et DeMatteis racontent à nouveau une histoire sans combat (ni physique, ni magique), mais plutôt une discussion sur la nature de l'implication du Phantom Stranger dans la vie humaine. Même si c'est l'occasion pour le lecteur de lire plusieurs lieux communs, DeMatteis introduit quelques nuances qui rendent le personnage ambigu, à nouveau plus un personnage principal qu'un héros.



La partie visuelle se stabilise avec l'arrivée de Fernando Banco pour 3 épisodes d'affilée, dans un style réaliste simplifié avec un encrage un peu appuyé. Banco est là pour mettre en images le récit, pas pour se mettre en avant. Il réalise un bon travail d'artisan, insérant des décors régulièrement, soignant l'apparence des personnages, capable de transcrire plusieurs expressions différentes (en nombre supérieur à 3). S'il ne réalise pas d'images mémorables, il raconte l'histoire de manière claire et substantielle.



DeMatteis se retrouve seul aux commandes de la série, avec le défi peu enviable de promener son personnage, d'abord aux enfers, puis aux Cieux. Il s'inscrit dans la dichotomie simpliste Paradis / Enfer, et il fait même intervenir la hiérarchie des démons à la sauce DC, avec une apparition du Demon de Jack Kirby. Mais à nouveau, l'objet de ces 2 épisodes (9 & 10) n'est pas un combat basique à grand renfort de décharge d'énergie magique (i n'y en a pas), mais un approfondissement des motivations du Phantom Stranger, à la fois aux Enfers, comme aux Cieux. Pour le Paradis, DeMatteis a le bon goût d'exposer que ce que voit le lecteur n'est que la représentation que s'en fait Phantom Stranger et non une vérité absolue (lors du cheminement, les religions bouddhique et hindouiste sont évoquées). Non seulement, DeMatteis apporte une conclusion à la quête du Phantom Stranger pour retrouver sa famille, mais en plus il développe la solitude du personnage de manière nuancée et pertinente. Le dernier épisode conserve cette approche réflexive, mais perd un peu en intensité, crossover oblige.



Décidemment, la série "Phantom Stranger" déjoue les attentes du lecteur. Elle met en scène un personnage très secondaire de l'univers partagé DC, qui plus est dans une nouvelle incarnation. Elle fait du Phantom Stranger un individu aux motivations guère altruistes et aux méthodes discutables. Elle emmène le lecteur en Enfer puis au Paradis dans une imagerie stéréotypée, mais pour une introspection honnête et nourrie. Elle se permet de s'affranchir des combats physiques et magiques, pour préférer des antagonismes qui débouchent sur des discussions, et des dilemmes moraux abordés également sous d'autres formes qu'une résolution par un affrontement physique. Zander Cannon et Gene Ha réalisent des dessins réalistes et détaillés permettant au lecteur de croire à la possibilité d'un individu habillé comme le Phantom Stranger. Philip Tan ramène la série dans un comics de superhéros hyperactif. Fernando Blanco propose des visuels assagis, à la narration sûre.
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Marvel Classic V2, tome 5 : Des héros de cinéma

Ce Marvel Classic N°5 regroupe 6 épisodes de captain america du N° 261 à 266 de septembre 1981 à février 1982. Ces épisodes n'ont aucune raison de figurer dans un Marvel Classic. Les épisodes présentés ici sont tous sauf des « classic » nous lisons ici des épisodes ordinaires voir banales.

Une première saga de trois épisodes ou captain america se rend sur le tournage d'un film en son honneur. Le seul petit intérêt de ces épisodes est l'identité secrète du comploteur que l'on devine d'autant plus facilement que Panini a eu la bonne idée de le dessiner sur la couverture.

A cela succède un épisode potentiellement intéressant mais pas suffisamment développé , puis une histoire en deux parties ou captain america à deux alliés Nick Fury et Spider-Man. A la lecture de ces épisodes on sent que J.M DeMatteis aime et connaît le personnage dont il prend les commandes mais qu'il n'a par encore atteint son potentiel, il en est de même de Mike Zeck au dessin. Un livre a réserver au fan et qui n'existe que pour exploiter la sortie cinématographique du mois dommage…
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Spider-Man, tome 1 : La dernière chasse de Kr..

Un Spider-Man assez psychologique dans la même veine que certains Batman Dark Night. Cependant, la part belle est donnée au chasseur Kraven qui a traqué tous les animaux de la création sauf une seule proie qui lui a échappé à savoir Spider-Man. On regrettera presque sa mort inopinée. Bref, c'est lui la vedette de cet opus.



C'est un récit qui est très différent de ce que j'ai pu lire comme Spider-Man et ce n'est pas forcément pour me déplaire. Même l'atmosphère est très curieuse. Il n'y aura pas de blague et autres loufoqueries. C'est plutôt mâture, sombre et torturé.



Au final, une curiosité dans l'univers de Spider-man qui en fait une grande référence pour certains fans.
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Batman : Absolution

Mon meilleur Batman depuis "Dark Knight" !!! Il est vrai que je suis attiré par le thème de la rédemption et de l'absolution bien que je n'aie rien à me reprocher personnellement. ;)



Ce qui me séduit dans cette idée, c'est que l'on peut se tromper sur les gens que l'on juge. Il faut toujours faire confiance au gramme d'humanité qui reste au fond de nous. C'est porteur d'un message d'espoir pour l'humanité bien que cette idée pourrait paraître à certains égards très naïve. Je me complais à le croire encore.



Ce qui m'a également époustouflé, ce sont les pensées de Batman lorsque cette terroriste sanguinaire et fanatique repentie se livre sans concession. Il ne veut pas croire que cette Jennifer Blake soit devenue cette bonne soeur vouée au bien. Il ne veut pas croire qu'elle a pu tellement changer en 10 ans. Il croit que c'est un masque pour cacher la vérité. Or Batman n'est-il pas également caché sous un masque ? Bref, la rédemption ; ce n'est pas aussi simple qu'on ne le pense. Le traitement opéré par le scénario dans cette bd m'a énormément plu. Cela laisse à réfléchir.
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Spider-Man, tome 1 : La dernière chasse de Kr..

Le pari de DeMatteis état couillu, très couillu même, et en cela le travail mérite d'être salué. Jamais le tisseur n'avait eu droit à une histoire aussi noire, torturée et philosophique que celle-là. C'est donc un véritable vent de fraîcheur totalement inédit (pour rappel nous sommes en 1987, époque très édulcorée chez Marvel comme depuis ses débuts) qui souffle sur le célèbre label et, soyons francs, pour notre plus grand plaisir. Certes l'inspiration lugubre aux tonalités fatalistes n'est pas sans rappeler celle de Moore et de son éminent Watchmen, mais DeMatteis parvient à creuser son propre sillon.



Le choix de Kraven comme protagoniste central aux côté de Peter Parker se révèle particulièrement judicieux tant la dualité de son humanité et de sa bestialité se prête à la perfection au jeu. Et puis disons-le franchement, écarter Venom, Octopus et toute la clique de super-vilains ultra récurrents n'est pas pour déplaire. Car oui, ici les blagues légères de notre Spidey favori laissent place aux réflexions métaphysiques sur la mort, parfois un peu trop - et c'est là que le bât blesse - quand DeMatteis se laisse emporter à l'excès par sa plume si bien qu'il tombe à certains passages dans la redite ou la philosophie de comptoir, mais on pardonne aisément tant l'intention est louable.



Malheureusement, le scénariste se prend à nouveau à son propre jeu dans la multitude de flux de narration. Si l'idée de base est excellente et totalement visionnaire, dans l'exécution l'ensemble cabotine légèrement, si bien que le lecteur se retrouve parfois perdu dans les divers axes narratifs entremêlés. Encore une fois, le plaisir n'est pas annihilé pour autant tant l'exercice, même si imparfait, prête à l'admiration.



Niveau dessins, Zeck fait honneur à Ditko et Romita Jr avec des dessins old school au charmant opérant, pour peu qu'on y soit sensible.



La Dernière Chasse de Kraven s'impose donc comme un ovni dans les aventures du tisseur, que tout fan de notre araignée des familles se doit d'avoir lu au moins une fois dans sa vie.
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Spider-Man Team-up - Intégrale, tome 39 : 1981

« Spider-man team-up, intégrale 1981 » se situe plusieurs crans en dessous de sa prédécesseure.



En cause ? Les scénario souvent indigents et les dessins beaucoup moins réussis.



Mis à part le Maitre de corvée et peut-être Magma, l'opposition frise le zéro absolu, la palme revenant au transparent Thermo et aux grotesques Hommes-serpents !



Au niveau des acolytes on racle également les fonds de tiroirs entre Nighthawk, le Paladin (?), l'Exorciste et les très banaux Défenseurs...



Pas grand chose au niveau donc dans cette intégrale de 1981. Dommage car les artistes de la maison des idées nous avaient habitués à beaucoup mieux !
Lien : https://lediscoursdharnois.b..
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Spider-Man, tome 4 : La dernière chasse de Kr..

Le quatrième tome poursuit l’exploration des années 1980 avec « La dernière chasse de Kraven ». Cette chasse s’étend sur six numéros extrait de trois séries de comics différentes : « Web of Spider-Man » 31 et 32, « Amazing Spider-Man » 293 et 294 et « Peter Parker : The Spectacular Spider-Man » 131 et 132.



Kraven partage l’affiche avec Vermine en tant qu’adversaire de Spider-Man. Un trio animal qui s’affronte dans une valse macabre et violente où la dualité de chacun est mise à nu.
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Moonshadow

Ce tome comprend les 12 épisodes de la maxisérie parue de 1985 à 1987, ainsi que "Farewell, Moonshadow" paru en 1997.



Moonshadow, un vieil homme (plus de cent ans) écrit ses mémoires et s'adresse parfois directement au lecteur. Il s'intéresse plus précisément à ce qui lui est arrivé après ses 15 ans, jusqu'à ses 17 ans. Il est le fruit de l'union de Sheila Fay Bernbaum et d'un représentant de la race extraterrestre de G'I Doses (des sortes de sphères lumineuses dont les actes sont totalement arbitraires). Cette race collectionne les spécimens des espèces vivant dans l'univers et les rassemble dans un zoo où chaque individu a droit à son dôme. Pour son quinzième anniversaire, son père l'expulse du zoo en compagnie d'Ira (un humanoïde couvert de poils comme un ours en peluche avec un cigare aux lèvres, un chapeau melon et une bonne dose de cynisme), de Sunflower (sa mère, une hippie de 1968) et de Frodo (un chat nommé en hommage au Seigneur des Anneaux de Tolkien). Moonshadow raconte les différentes expériences qui lui ont permis de confronter sa vision romantique de l'existence à la réalité. Le lecteur découvre avec lui un vaisseau où une extraterrestre est proche de l'accouchement, il découvre les membres de la famille Unkshuss, il assiste à un enterrement. Moonshadow raconte comment il a été amené à voler l'Oeuf de Dieu, comment il a été enrôlé dans une guerre, comment il a été fait prisonnier, comment il a découvert la sexualité, etc. Ce tome se clôt avec "Farewell, Moonshadow" dont l'action se situe 20 ans après et qui apporte au lecteur quelques compléments sur la vie de Moonshadow devenu adulte.



En 1980, Marvel Comics tente de capter le lectorat de la version américaine de "Métal Hurlant" en publiant un magazine appelé "Epic illustrated". Puis ils éditent des comics dont les créateurs restent propriétaires des droits de leur série. "Moonshadow" fait partie de la deuxième vague desdites séries Epic. JM DeMatteis a déjà une belle carrière de scénariste de superhéros derrière lui. Mais "Moonshadow" n'a rien à voir avec le superhéros, ou avec quoi que ce soit d'autre qui se fait à l'époque. Le texte commence par une citation d'un texte de William Blake. DeMatteis met en exergue à chaque début d'épisode (sauf le douzième) un extrait d'un ouvrage qui a marqué sa vie ; défilent ainsi des textes de L. Frank Baum (Magicien d'Oz), Tolkien, Percy Shelley, James Matthew Barrie (Peter Pan), Robert Louis Stevenson, Dostoïevski, Keats, Henry Miller et Samuel Beckett.



Toutefois, si Moonshadow souligne par 3 fois l'importance de la lecture dans sa vie, il ne s'agit pas d'un récit sur les romans, ou du moins il n'est possible de qualifier cette composante de principale. Moonshadow a développé une vision idiosyncrasique de la vie à partir de ses lectures romantiques et comme tous les adolescents il découvre que la vie recèle bien des niveaux de complexités qu'il ne soupçonnait pas. Mais là encore il n'est pas possible de limiter cette histoire à un récit initiatique de l'adolescence, même si le Moonshadow âgé explique qu'il raconte son Éveil (journey to awakening). Du début à la fin, DeMatteis détaille les péripéties pétries de science-fiction de son héros qui voyage dans l'espace et qui croise des races extraterrestres et extraordinaires. Cependant toutes ces tribulations constituent autant d'occasion pour le héros de s'interroger sur le sens qu'il donne à la réalité (DeMatteis invente 2 ouvrages, l'un développant la thèse de la création de l'univers par un Dieu, l'autre la thèse du hasard et du "c'est comme ça"). Mais cet ouvrage n'est pas non plus réductible à une quête métaphysique ou à un récit d'anticipation. Il est évident qu'il s'agit également d'un récit intimiste et d'une forme décalée d'introspection (le décalage est imputable à la part importante des aventures et d'une forme douce de dérision). Cette histoire comprend de nombreux éléments qui semblent de nature autobiographique (en particulier les références à Brooklyn), sauf que DeMatteis n'a jamais voyagé à bord d'un vaisseau spatial.



"Moonshadow" n'a rien à voir non plus avec les formes traditionnelles de comics. Chaque page se présente effectivement sous la forme de plusieurs cases assurant une narration séquentielle (à part "Farewell, Moonshadow" qui est composé pour les 2 tiers d'une page de texte en vis-à-vis d'une illustration pleine page). Mais la nature des textes fait que la moitié des cases s'apparente à une illustration avec un texte accompagnateur, le plus souvent le flux de pensées du héros, ou des constations du narrateur (Moonshadow âgé de plus de 100 ans). "Moonshadow" détient également le titre de premier comics entièrement peint. À part pour 3 numéros où il a été aidé par Kent Williams et George Pratt, Jon J. Muth a illustré l'ensemble de cette histoire à l'aquarelle. Au-delà de l'anecdote, Muth prend 3 ou 4 épisodes avant de trouver le bon équilibre entre ce qu'il montre et ce qu'il évoque. Au début il se repose trop sur de l'encrage traditionnel (délimitation des formes par un trait foncé). Dès qu'il a trouvé le bon équilibre, ses aquarelles suggèrent des espaces où l'imagination du lecteur peut se déployer sans contrainte. Sa capacité à évoquer une forme, un objet ou un visage par une simple tâche relève du surnaturel. Une grosse tâche blanche et c'est la barbe de Moonshadow vieux qui resplendit en pleine lumière, un grand à-plat de vert et un autre de bleu et le lecteur se retrouve dans une vaste prairie dont l'herbe ondoie sous le vent léger, quelques tâches roses pales et des corps féminins surgissent du blanc de la page dont il émane une sensualité et un érotisme d'autant plus irrésistibles qu'ils suggèrent au lieu de montrer, etc.



Bien sûr, certains passages sont plus réussis que d'autres. Bien sûr le mélange des genres devient parfois plus déconcertant que signifiant. Mais je n'ai jamais rien lu de pareil et la forme comme le fond continuent de m'enchanter comme un conte pour adulte, plein de merveilleux et de poésie, sans mièvrerie. J'ai eu du mal à quitter Moonshadow après plus de 460 pages et il n'est pas près de me quitter. Après ce coup de maître, JM DeMatteis a continué avec les superhéros, mais aussi avec des récits métaphysiques (Blood : A Tale avec Kent Williams), ou dédié à son quartier d'origine (Brooklyn Dreams), ou même à un superhéros dont l'évolution suit celle de l'industrie des comics et de l'histoire des États-Unis (Life and Times of Savior 28). Jon J. Muth a réalisé un autre comics sous une forme inattendue (une adaptation de M de Fritz Lang) et des histoires pour enfants magnifiques (Les trois questions & La soupe aux cailloux).
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Blood

Ces 2 tomes regroupent les 4 épisodes de cette histoire, parus initialement en 1987. Il s'agit d'une histoire complète indépendante de toute autre.



L'histoire s'ouvre sur un dialogue de 2 pages, sous forme de texte, avec un bandeau de cases en haut de page, sa déroulant sur la double page, et un autre en bas de page. Un roi alité à l'article de la mort, mais toujours bien accroché à la vie, est visité par un esprit féminin qui lui raconte l'histoire de Blood. Son histoire commence avec la mer qui se transforme en sang, et la dérive d'un berceau sur un fleuve où il est récupéré par une femme nue qui adopte le nouveau né le ramène chez elle malgré la réprobation de sa mère. L'enfant grandit et la grand-mère indique qu'il est temps pour lui de partir. Il est confié aux bons soins d'un monastère qui veille à son éducation de manière stricte. Au bout d'un temps indéterminé, Blood quitte le monastère, ayant refusé de succéder à son responsable, s'enfuit en ballon et finit par s'écraser dans une vallée où des miséreux font la queue pour bénéficier des attentions d'un sage.



Ce résumé est factuellement exact, et complètement trompeur. La lecture de "Blood" est une expérience comparable à peu d'autres. John-Marc DeMatteis est un scénariste qui a débuté avec les superhéros Marvel (La dernière chasse de Kraven) et DC (Justice League International en anglais), avant d'écrire les siens propres (Life and Times of Savior 28 en anglais). Parallèlement à ce parcours classique dans les comics, il a eu la chance de pouvoir écrire des récits sortant du moule habituel. Grâce à la branche adulte de Marvel (Epic Comics), il a écrit le récit initiatique de Moonshadow (avec de magnifiques aquarelles de Jon J. Muth, en anglais). Pour l'une des branches adultes de DC Comics (Paradox Press), il a écrit une bande dessinée autobiographique de sa jeunesse Brooklyn Dreams (illustrations de Glenn Barr). Et il a souvent intégré à ses histoires des réflexions sur la création littéraire, mais aussi sur la spiritualité (Seekers into the Mystery, en anglais).



"Blood" est le récit indépendant qui a suivi "Moonshadow". Ce dernier prenait la forme d'un roman de science-fiction mâtiné de récit initiatique d'un adolescent, et de recherche du sens de la vie. S'il comprenait des passages plus réflexifs, le lecteur pouvait se raccrocher à la trame du récit sans se sentir perdu. Au contraire "Blood" favorise les sensations et l'expérience mystique. Le récit devient secondaire, il n'est plus que le support d'un voyage spirituel et parfois psychanalytique. C'est à dire que le lecteur suit bien les pérégrinations d'un personnage principal appelé Blood, les différentes séquences s'inscrivent dans une suite chronologique et elles sont reliées entre elles par des liens de causalité discernables. Mais dès le départ, le dispositif narratif, celui de l'histoire dans l'histoire, indique au lecteur que ces séquences sont autant de métaphores et d'allégories de la vie psychique.



DeMatteis a donc l'ambition de mettre en bandes dessinées la soif spirituelle de l'être humain. Cette BD réussit le pari de montrer cette soif de la spiritualité, plus par les images que par le texte. DeMatteis laisse les illustrations porter les 2 tiers de la narration. Kent Williams dispose d'une grande liberté pour représenter des concepts liés à la vie de l'esprit, à sa soif de compréhension, à son besoin d'absolu. La première fois que j'ai lu cette histoire, je n'y ai rien compris, la seconde non plus. Pris littéralement ce récit est une suite de scènes disjointes défiant la logique. Une lecture premier degré ne permet pas de comprendre l'inclusion d'une vie de bureau pour Blood dans la deuxième partie. Prise à part, cette scène évoque l'aliénation de l'individu dans la vie moderne. Insérée dans la narration globale, le lecteur se demande ce qu'elle vient faire là. Remise dans son contexte, elle montre par les images que le reste du récit doit se comprendre comme la vie intérieure de Blood, par opposition à la vie quotidienne.



Il faut donc aborder cet ouvrage avec un autre point de vue, sachant que DeMatteis ne donne pas de clef d'interprétation, il livre le récit comme un bloc, charge au lecteur de déterminer ce qu'il peut en faire. Pour pouvoir en saisir la substance, il faut donc lire, regarder, observer, déchiffrer et interpréter les images. Kent Williams réalise ses illustrations principalement à l'aquarelle, avec parfois de l'encrage pour délimiter le contour des formes. Il développe à la fois des narrations séquentielles (suite de case montrant un mouvement, ou mettant en rapport 2 actions, une action et une réaction, etc.), et des images pleine page. La fonction des images est à la fois de montrer des actions, mais surtout de développer des ambiances, de faire ressentir des sensations. De temps à autre, une scène exige une représentation réaliste, ce que Williams accomplit sans difficulté. La majeure partie du temps il doit montrer les sentiments et les sensations éprouvés par les personnages. Le lecteur contemple donc des individus à la morphologie plus ou moins détaillée, évoluant souvent nus dans des camaïeux de couleurs sombres et délavées. Ce mode de rendu met en avant la représentation de l'individu et la manière dont son état émotionnel colore la réalité qui l'entoure.



Passé la double page de dialogue, le lecteur est donc confronté à 6 cases figurant le sang et sa viscosité. À l'évidence il s'agit du sang comme symbole du fluide de la vie, mais aussi comme évocation des menstruations, et Blood naît de cette mer de sang, directement dans son panier en osier porté par les flots. Cette nouvelle image renvoie aux premiers jours de Moïse. Pourtant Blood ne devient jamais une figure messianique. Le sens de cette métaphore m'a échappé. L'apprentissage de Blood au monastère s'achève sur le meurtre de son mentor et de la personne qui l'a accueilli à son arrivée. Il est facile de percevoir dans ces images le meurtre du père, une notion psychanalytique de base. Pour entrer dans l'âge adulte, Blood doit détruire l'image de toute puissance de ses parents, afin de construire sa propre vie, avec ses propres valeurs. Dans le passage suivant, Blood arrive dans une vallée peuplée de personnes souffrantes, une vallée de larmes. Il rencontre cet individu accomplissant les fonctions de gourou pour cette communauté. Cet homme porte un rond sur le front et au cours de la séquence, il se trouve une image de crâne avec un rond sur le front. Ça se complique. En fait il n'y a pas d'explication du symbole, il n'y a pas d'indication sur son sens. Il faut attendre les chapitres suivants pour voir le motif du crâne réapparaître dans d'autres circonstances, et rester attentif au déroulement du récit pour percevoir le motif de cycle, et donc de cercle. Le titre du premier chapitre apporte un indice : "Uroborous". Il s'agit d'une variante orthographique de l'Ouroboros, l'image du serpent qui se mord la queue.



John-Marc DeMatteis et Kent Williams racontent une histoire un peu hermétique qui repose sur des symboles à l'interprétation délicate. Ce n'est qu'au gré d'autres lectures que j'ai pu faire le rapprochement avec la notion de symbole développée par Carl Gustav Jung. Les symboles utilisés par les auteurs ont effectivement la fonction de matérialiser des sensations ou des concepts indicibles ; ils leur permettent d'évoquer des expériences spirituelles ineffables. L'objet de "Blood" est de parler d'expérience mystique, de faire appel à des archétypes de l'inconscient collectif. De ce point de vue, il devient évident que la pensée de DeMatteis a été façonnée par les théories de Jung. D'ailleurs, les autres ouvrages personnels de DeMatteis montrent également qu'il est fortement influencé par la pensée orientale et hindoue où il est possible également de reconnaître des archétypes psychologiques.



DeMatteis et Williams proposent au lecteur un voyage plus spirituel que mystique dans l'inconscient collectif. Il s'agit d'une expérience spirituelle honnête qui n'impose pas la vision des auteurs, mais qui la présente. À l'instar du personnage principal qui est en quête de sens dans la vie, le lecteur se met en quête de sens dans les symboles charriés par le récit. Cette bande dessinée ne présentera d'intérêt pour le lecteur qu'à la condition que ce dernier soit sensible à ces questionnements.
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Larfleeze, tome 1 : Revolt of the Orange La..

Ce tome comprend les épisodes 1 à 6 de la série mensuelle consacrée à Larfleeze, débutée en 2013. Ils sont écrits par Keith Giffen et John-Marc DeMatteis (les scénaristes de Justice League International), dessinés et encrés par Scott Kolins, avec une mise en couleurs de Mike Atiyeh. Au début du présent tome, le lecteur trouve une histoire complémentaire (réalisée par Giffen et Kolins, sans DeMatteis) initialement publiée sous forme de courts épisodes, en fin des numéros de la série "Threshold". Ces petits épisodes complémentaires constituent une histoire complète (50 pages) qui sert de prologue à la série "Larfleeze" ; ils avaient déjà été regroupés dans The hunted.



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- Histoire parue dans "Threshold" -



Sur la planète Okara, Larfleeze dicte ses mémoires à Pulsar Stargrave, son homme à tout faire. En 2 pages tout est dit. Il reçoit sur son anneau un flash info indiquant qu'un humain porteur d'anneau orange a été aperçu. Impossible : il n'existe qu'un seul anneau orange et c'est lui qui le porte. Il part enquêter et quand il revient il constate que sa planète a été pillée et que son trésor a été volé. Accompagné de Stargrave, il part demander l'aide des Star Rovers : Homer Gint, Karel Sorensen, Rick Purvis, rejoints par Branx Rancor et Main Squeeze sa compagne du moment.



Avec cette histoire, Keith Giffen laisse libre cours à son humour, faisant de Larfleeze, un individu au comportement infantile, uniquement guidé par sa soif de possession, son refus de donner quoi que ce soi (à commencer par une rémunération à ceux qui l'aident), et parlant de lui à la troisième personne de singulier.



Giffen réussit à faire exister Larfleeze, en lui opposant le très intelligent et désabusé Stargrave, ainsi que Rancor, plutôt soupe-au-lait. Le résultat est drôle et divertissant, même si le pot aux roses est artificiel et qu'il peut se deviner facilement. Giffen se montre assez adroit pour que Larfleeze ne se réduise pas à un dispositif narratif sans épaisseur, chose que seul Geoff Johns avait su faire (il avait créé le personnage dans Agent Orange). Les dessins de Kolins sont assez détaillés, un peu esquissés d'apparence, très vivants, rendant bien compte des tempéraments des uns et des autres, grâce à des expressions des visages très parlantes. 4 étoiles.



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- Revenge of the Orange Lanterns (épisodes 1 à 6) -



Larfleeze a perdu son trésor, il ne lui reste que Pulsar Stargrave, homme à tout faire sarcastique et serviteur à son corps défendant. Ils sont tous les 2 sur un petit bout d'astéroïde qui menace de se faire engloutir dans une sorte de soupe primordiale transformant la matière en énergie et vice-versa. Larfleeze déprime et se remémore ses origines, il y a des millions d'années, à haute voix pour que Stargrave n'en perde pas une miette. Les propos de Larfleeze sont plus flatteurs à son égard que ce que montrent les images. Il finit par être interrompu par Loard of the Hunt, un dieu provenant de la dimension d'à côté, ayant traversé par le nexus d'où émane la soupe primordiale. Larfleeze est capturé par Loard of the Hunt. Pulsar Stargrave est récupéré par Wanderer (Sena) une déesse issue de la même dimension prétendant avoir acheté Stargrave à son précédent propriétaire. Elle lui explique qu'elle et ses 5 frères sont des dieux tout puissants dans leur dimension dont ils ont fini par annihiler toute vie à force de se faire la guerre. Maintenant ils cherchent où s'installer dans l'univers principal de DC.



Dès le début, le lecteur retrouve la personnalité dépourvue de nuance de Larfleeze : il continue de parler de lui à la troisième personne du singulier, dans une mégalomanie sans borne. Il se comporte comme un enfant égocentrique tout puissant, grâce à son anneau de puissance orange. Pulsar Stargrave lui donne la réplique à base de sarcasme que l'égo de Larfleeze l'empêche de reconnaître comme tel.



D'un point de vue narratif, Giffen et DeMatteis séparent Larfleeze et Stargrave, l'un se retrouvant esclave des anciens porteurs d'anneau orange qu'il avait persécutés, l'autre se retrouvant au service d'une déité toute puissante, mais dont l'esprit a du mal à rester concentré. Ils ont concocté des aventures spatiales, riches en personnages un peu décalés : la sœur de Wanderer émet des ondes de désespoir accablant ainsi tous ses sujets sur sa planète d'adoption, les anciens agents Orange ont la comprenette un peu ralentie. Les péripéties valent également le détour : retour du corps des Lanternes Orange, 11 déités encore plus puissantes que Wanderer et ses frères, et même le fantôme de la maman de Larfleeze.



Keith Giffen n'a pas perdu la main pour imaginer des péripéties mariant loufoque et envergure, dérisoire et cosmique, dans un amalgame harmonieux, alors qu'entre les mains d'un scénariste normal ces composantes auraient tendance à se neutraliser l'une l'autre. Il n'arrive pas cependant à faire croire à la réalité de ces dangers cosmiques, la composante humoristique distillant une atmosphère décontractée, non compatible avec une ambiance dramatique. Même les avanies subies par Larfleeze ne touchent pas le lecteur du fait du caractère comique du personnage et de sa toute puissance.



Dans les épisodes de la JLI des années 1980, JM DeMatteis ciselaient des dialogues drôles, mordants et révélateurs de la personnalité des interlocuteurs. Ici les dialogues coulent de source, mais sont moins chargés d'affect. Par contre il étoffe les différents concepts créés par Giffen leur permettant de s'incarner. Par exemple, Dyrge (la déesse de la tristesse) doit toute sa crédibilité au souffle spirituel que DeMatteis parvient à lui insuffler, malgré son rôle à teneur comique.



De la même manière, Scott Kolins doit réaliser des dessins qui montrent la puissance incommensurable des personnages, tout en laissant un doute sur l'issue des combats, qui en fassent à la fois de redoutables combattants, mais aussi des idiots ne voyant pas plus loin que le bout de leur nez.



Il réussit à la perfection la moue hautaine de Pulsar Stargrave, la grimace de supériorité de Larfleeze, l'air d'être ailleurs de Wanderer. Par contre de nombreux personnages ont la bouche grande ouverte, toutes dents dehors, plus souvent qu'à leur tour.



Kolins est le digne héritier de Jack Kirby dans sa capacité de transcrire la dimension cosmique de la puissance des personnages (Loard of the Hunt, Wanderer, les 11 autres déités, Larfleeze, etc.), avec des bouillonnements et des crépitements d'énergie spectaculaires à souhait. Il bénéficie de nombreuses scènes de combats ou dans l'espace qui lui permettent de s'économiser sur les arrières plans, mais qui génèrent une sensation diffuse d'uniformité des décors quel que soit le lieu.



Il fait preuve d'une belle inventivité pour donner une apparence différente à plusieurs races extraterrestres, même si elles sont toutes bâties sur le modèle humanoïde. Il crée une race simili-lupine et cosmique magnifique, avec une belle complémentarité des effets spéciaux de la mise en couleurs. Les autres mondes visités mêlent haute technologie et architectures exotiques, pour une sensation de dépaysement réussie.



Cette première moitié de la série consacrée à Larfleeze (elle se termine dans The face of greed) est une demi réussite. Le personnage est toujours aussi loufoque et égocentrique, dangereux et ridicule, avec un serviteur caustique et moqueur. L'intrigue repose sur des menaces à l'échelle de l'univers, tout aussi loufoques et dangereuses. Les dessins craquèlent d'énergie crépitantes. Néanmoins, Giffen et DeMatteis ont déjà réalisé des récits plus nuancés, avec des gags plus variés, et Kolins se repose trop sur les effets spéciaux, aux dépends de la consistance des différents environnements. Le récit semble s'adresser un peu trop à un lectorat jeune, à ceci près que dans les 3 premiers épisodes, Pulsar Stargrave et compagnie s'amusent comme des petits fous à établir des comparaisons irrésistibles à base d'hémorroïdes, et de coloscopie).
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