James lève la cravache et indique la chaise longue.
-Allonge-toi.
J’avance vers elle, les yeux rivés sur le petit fouet. Puis, je m’installe lentement, sur le ventre. James se rapproche et pose la cravache sur le sol, directement dans mon champ de vision.
-Elle ne sera pas sur les photos, explique-t-il. Mais je tiens à capturer ta réaction à sa présence.
Me voilà du coup à m’interroger sur ce que mon visage exprime.
-Je ne veux pas que tu joues un rôle, précise-t-il. Mais que tu laisses tes sentiments se refléter naturellement sur tes traits.
J’opine lentement.
Il soulève l’appareil photo.
-Lorsque j’aurai fini de prendre ces photos, je te retirerai ta culotte et te fouetterai.
Oh !
Je n’ai pas le temps de modérer mon expression, plusieurs pensées se pressent dans mon esprit.
Le déclencheur clique, et que ce soit que j’aie éprouvé, l’objectif l’a déjà immortalisé. J’essaie de l’évaluer rétrospectivement. Du désirs ? De la peur ?
James dresse les sourcils en examinant l’écran de l’appareil.
-Tu n’as pas idée de combien tu as l’air sexy, murmure-t-il, quand tu luttes entre la décence et le désir.
Je me sens rougir. Il a décrit les choses avec une telle justesse. Une partie de moi est tellement honteuse. Et l’autre est sans aucun doute excitée.
-Isabella, halète-t-il, je n’ai jamais…jamais vécu ça.
Je me contente de le regarder, ne sachant que répondre. Il s’empare de ma bouche dans un long baiser avant de se retirer et d’enlever son préservatif. Il se redresse sur le lit afin de mieux m’observer.
-J’aurais aimé te faire jouir, avoue-t-il.
Je rougis. La combinaison des sensations, la nouveauté, c’était trop.
-Tu crois que tu peux jouir pendant l’amour ? me demande-t-il avec tendresse.
-Je…Je ne sais pas. C’est une sensation différente de celle que j’ai éprouvée quand tu m’as touchée.
Il me sourit.
-Isabella, ton corps est extrêmement éveillé, prêt pour l’orgasme. Je t’ai fait mal ? demande-t-il en changeant brusquement de sujet.
La question me surprend. Je passe mentalement en revue toutes les parties de mon anatomie auxquelles il fait allusion.
-Non, je réponds, émerveillée que ce soit la vérité.
Entre mes jambes, j’ai comme une lumière chaude et pulsante. Mais ce n’est pas douloureux.
Si j’en crois mon expérience, il existe deux catégories d’acteurs. Ceux comme Marilyn Monroe, que tout le monde reconnaît. Ils sont charismatiques et captivants, et ils jouent inlassablement le même personnage. Ils sont nombreux et ils obtiennent tous les rôles principaux au cinéma. Ensuite, il y a les acteurs qui incarnent vraiment leur personnage. Ils jouent en équipe. Ils travaillent avec tout le monde afin d’atteindre le sommet. Et ils sont humbles. Parce que ne pas être reconnus lorsqu’ils interprètent des rôles différents ne les gêne pas. Tout ce qu’ils souhaitent, c’est rendre les choses réelles.
J’éprouve un violent élancement de jalousie, comme si quelqu’un s’était emparé de mon cœur pour le serrer fort. J’ai vu des photos de Natalie Emis. Comme tout le monde. Elle fait une taille 34, a d’immenses yeux enfantins et de longs cheveux châtains. Tous les mâles de la planète rêvent de coucher avec elle. James ne doit pas faire exception.
À première vue, il s’agit d’une histoire d’amour. Une jeune femme qui charme un businessman désabusé. Je passe le scénario en revue et ne trouve qu’un personnage féminin ayant des répliques. Et c’est une call-girl.
Hourra. Encore un stéréotype.
L’alcool atterrit presque immédiatement dans mon estomac vide.
Dire que je me sens mieux serait exagéré. Mais plus vivante qu’auparavant, ça oui. Plus dangereuse. Je veux que quelque chose, n’importe quoi, arrive pour me sortir de ma torpeur.
Les contes de fées touchent directement le cœur des hommes, Isabella. La Belle et la Bête parle du pouvoir rédempteur de l’amour. De comment une personne brisée peut être ramenée à la vie par l’innocence et la pureté.
Les roses rouges symbolisent l’amour. Il m’a acheté deux fois des fleurs. Un premier bouquet, jaune, pour me montrer qu’il n’aimait pas que d’autres hommes me prennent en photo. Une rose orange, pour la passion.
Discuter. C’est ça. Après ce qui vient de se passer dans sa chambre. Mais un homme qui propose de parler doit bien être une denrée rare.
Mon corps se réchauffe et j’ai du mal à respirer. Est-ce de cela qu’il s’agit lorsqu’on évoque l’alchimie entre deux acteurs sur scène ?