Jacques Attali

Le 29 juin Denis lui écrit une lettre d'une modernité stupéfiante. Reprenant par un autre biais la doctrine janséniste qui nie toute liberté humaine et fait tout dépendre de la grâce divine, Denis dénie lui aussi à l'individu tout libre arbitre, sauf que, pour lui, les hommes sont déterminés non par la grâce, mais par leur environnement, et ne peuvent donc se glorifier d'aucune vertu : "Le mot liberté est un mot vide de sens ; [...] il n'ya point, et [...] il ne peut y avoir d'êtres libres ; [...] nous ne sommes que ce qui convient à l'ordre général, à l'organisation, à l'éducation et à la chaîne des événements. Voilà ce qui dispose de nous invinciblement. [...] Ce qui nous trompe, c'est la prodigieuse variété de nos actions, jointe à l'habitude que nous avons prise, tout en naissant, de confondre le volontaire avec le libre [...]. Mais s'il n'y a point de liberté, il n'y a point d'action qui mérite la louange ou le blâme ; il n'y a ni vice ni vertu, rien dont il faille récompenser ou châtier [...]. Qu'est-ce qu'un homme vertueux ? C'est un homme vain de cette espèce de vanité, et rien de plus. Tout ce que nous faisons c'est pour nous . Nous avons l'air de nous sacrifier lorsque nous ne faisons que nous satisfaire."