AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de Charybde2


Entre le bistrot et la mer, il y a le cimetière. C’est par là qu’il coupe pour venir, traversant à pas lents le vaste champ de croix où chaque nom inscrit sur le marbre lui rappelle une rencontre assez précise. Il resitue visage, timbre, intonation, démarche et silhouette du gisant en une seconde. Y greffe parfois les circonstances du trépas. Et s’autorise quelques familiarités. Ainsi, on l’entend interpeller sèchement certains locataires, surtout ceux, gens de mer, qui logent côté nord, exposés aux rafales et contraints d’écouter l’océan déverser à perpétuité ses gueulantes entre coups de boutoir et quintes chargées d’écume. Marquier, qui fut son voisin, et qui a piteusement chaviré un jour de juin avec sa plate dans l’avant-port, en fait partie. Il ne passe pas une seule fois devant la tombe, sur laquelle figure, après les dates (1936-1985), la courte et fausse mention « Mort en mer », sans le relancer, sans le tancer, sans le piquer.
« Hé, Marquier, ta plate, ce jour-là, elle n’était pas moins chargée de poissons que toi de vin lourd, par hasard ? »
Il se redresse. Se fige. Ici gît l’homme gonflé. Celui dont tous les orifices se sont remplis d’eau en moins d’une minute. Il interroge, hoche la tête, s’emporte.
« Et puis merde, ta gueule ! » finit-il par répliquer à l’autre, qui a dû, en sous-sol, tenter de justifier sa débandade de marin aguerri coulant à pic par temps calme en prononçant quelques mots extraits de cette étrange langue des morts que lui, le Capitaine, semble dompter et comprendre…
Commenter  J’apprécie          30





Ont apprécié cette citation (2)voir plus




{* *}